Grâce aux nouvelles exigences environnementales, le transport fluvial pourrait devenir un mode d'acheminement de marchandises en vogue : il demeure 3,7 fois plus efficace que le transport routier en équivalent pétrole consommé par tonne transportée. C'est justement cette voie que le producteur de caoutchoucs synthétiques Lanxess Emulsion Rubber, à La Wantzenau (Bas-Rhin), a adopté pour ses expéditions transitant par le port d'Anvers, sa porte d'entrée vers l'Asie. Désormais, les conteneurs ne parcourent plus 470 km de bitume pour rallier la mer du Nord, mais simplement 20 km jusqu'au port de Strasbourg ou 80 km jusqu'au port de Germersheim (Rhénanie-Palatinat). Sur place, ils sont chargés sur des barges rhénanes (28 500 tonnes par an, soit 28,5 % de la production) qui rejoignent le port maritime en quarante heures. Bilan environnemental pour l'usine chimique (320 salariés) : 1 800 poids lourds par an en moins sur un axe routier déjà saturé, des émissions de CO2 et de dioxyde de soufre réduites de moitié et des émissions de monoxyde de carbone divisées par neuf. Leader mondial sur le marché du NBR (Nitrile Butadiene Rubber), un caoutchouc utilisé dans l'automobile, dans la câblerie électrique et le BTP, Lanxess Emulsion Rubber a été poussé par sa maison mère : Lanxess AG. Le groupe allemand issu de la scission de Bayer souhaitait que ses sites obtiennent la certification Iso 14001 dès 2008. « Des objectifs d'investissements forts ont été assignés aux différentes équipes », souligne Jean Krommenacker, directeur des opérations du site classé Seveso II. Au niveau du département supply chain, « nous avons demandé à notre armateur maritime qui coordonne les activités d'exportation à destination de l'Asie d'étudier les possibilités offertes par le Rhin », poursuit Thomas Jahn, son responsable. Les gains se sont vite révélés substantiels. Non seulement la voie d'eau a diminué les émissions de polluants, mais elle a contribué à réduire la facture transport d'environ 30 %. En outre, l'utilisation de barges rhénanes a permis de limiter les risques de dégradation des marchandises en supprimant un stockage intermédiaire : les marchandises sont déposées directement dans un lieu de stockage à proximité du quai maritime. Les chargeurs auraient-ils découvert les vertus du transport fluvial grâce aux nouvelles exigences environnementales ? Vraisemblablement non. En effet, l'usine chimique figurait déjà parmi les premiers clients de la voie d'eau dans les années 1970 avec l'avènement du conteneur sur le Rhin. « À l'époque, les voies fluviales et ferroviaires n'offraient pas un nombre de navettes aussi important qu'aujourd'hui », argumente le responsable de la logistique aval. Après cet important effort de report modal, les marges de progression se sont réduites à La Wantzenau. En effet, la matière première de l'usine est déjà acheminée par le fer et les expéditions destinées au marché européen (quelque 71 500 tonnes par an) pourraient difficilement abandonner la route, car « le niveau d'embranchement ferroviaire du parc industriel européen reste assez faible », estime le responsable supply chain.