Lothar, Martin, et maintenant Xynthia. À chaque tempête, la nation pleure ses morts, les sinistrés nettoient et réparent les dégâts, et tout le monde est rassuré à coup de grandes annonces et de nouveaux plans. Aujourd'hui, c'est un Plan digues avec, à la clé, inspection, réfection et millions d'euros. Pourtant, dès 2005, un rapport remis au ministère de l'Écologie soulignait la nécessité de dresser un inventaire de ces retenues d'eau.
Au fil des catastrophes, naturelles ou technologiques, la France s'est dotée d'un véritable arsenal documentaire et juridique sur les risques. Pas un qui ne soit couvert par une base de données. Du haut en bas de l'échelle, de la tête de l'État jusqu'au maire, les grands risques naturels se déclinent sous une avalanche de sigles : PPRI, PPR et autres Dicrim. Sans compter les cartes de vigilance de Météo France, créées après la tempête de 1999. Les seules, peut-être, à informer la population.
Car pour se montrer efficaces, encore faudrait-il que ces outils de prévention soient utilisés : ainsi, les risques de rupture de digues étaient connus à La Faute-sur-Mer, mais le conseil municipal avait demandé à la préfecture de retarder l'enquête du projet de PPRI. Ailleurs, ce sont d'autres élus qui ont cherché à contourner la réglementation, comme dans les Yvelines où le conseil général souhaitait construire un circuit de formule 1 à Flins-sur-Seine, en partie sur des zones classées non constructibles, toujours selon le PPRI.
Cependant, les responsabilités ne se cantonnent pas aux élus locaux. Les faiblesses du système vont jusqu'au sommet de l'État. « La préparation des catastrophes naturelles est confiée au secrétariat général de la Défense nationale, rattachée au Premier ministre », relève Vincent Balouet, directeur associé de SDE Consulting. Comme le révèle notre enquête sur le risque d'inondations à Paris, les cartes détaillées des risques, classées secret défense, ne sont pas accessibles aux acteurs privés ! Enfin, la préparation d'un événement majeur ne tient pas compte de l'enveloppe du risque, c'est-à-dire qu'elle ne prévoit pas deux scénarios, l'un raisonnablement optimiste, l'autre raisonnablement pessimiste. Tous deux sont nécessaires, pour peu qu'on les diffuse largement.