Dans cette tribune, Olivier Perrin, responsable développement chez Elcimaï environnement, appelle à multiplier les Moyens pour lutter contre le plastique : sensibilisation, recyclage, baisse de la production, et mise en place de cadre internationaux et locaux.
En 20 ans, la production annuelle de déchets plastiques dans le monde a doublé, passant de 180 millions à plus de 350 millions de tonnes1, parmi lesquels 40% sont des emballages.
Si les matières plastiques ont été longtemps perçues comme un vecteur de développement, tant leurs applications et usages ont permis de conquérir tous les secteurs économiques, elles posent aujourd’hui différentes problématiques largement documentées, que concernent les additifs et charges, les microplastiques, les composites et le plastique à usage unique.
Malgré la prise de conscience des enjeux environnementaux et bien que l’on connaisse l’ampleur du phénomène, en Europe, l’essentiel des déchets plastiques est soit incinéré (environ 40%), soit stocké dans des décharges contrôlées (environ 30%), alors qu’en sortie des centres de tri, seuls 30% des plastiques collectés sont destinés à un recyclage3 avec des taux d’incorporation qui avoisinent aujourd’hui les 14%.
La contribution du recyclage à la lutte contre la pollution plastique reste très limitée. Celui-ci est à 99% mécanique, et si ses caractéristiques techniques restreignent la formation de déchets dans le temps, il ne permet pas de les éviter. Le recyclage chimique annoncé ne pourra quant à lui porter que sur certaines résines et en particulier le PET, et à condition d‘en massifier les flux à l’échelle européenne.
Il est clair que l’autorégulation de l’économie actuelle sur la production de déchets et sur le développement de logiques de circularité de ces matières ne fonctionne pas. Seules les questions de rentabilité s’imposent. Il convient donc d’encadrer fortement l’usage de ces matières et l’important gaspillage des ressources non-renouvelables qui lui est associé (déficit d’écoconception, fuites dans l’environnement, destruction d’invendus, obsolescence programmée, développement massif de l’usage unique, recyclabilité très limitée…).
Depuis plusieurs années, les politiques tentent d’imposer des mesures pour limiter l’usage des plastiques. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a organisé au printemps dernier à Paris une session de négociations en vue d’adopter, avant fin 2024, un traité mondial contre la pollution plastique. La Coalition de la Haute Ambition pour mettre fin à la pollution plastique (HAC EPP), représentée par un groupe de 58 pays, dont la France, souhaite obtenir un traité le plus ambitieux possible.
La Commission européenne a quant à elle présenté en octobre 2023 un nouveau règlement visant à prévenir la pollution par les microplastiques, affirmant que des mesures appliquées à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement permettraient de réduire les pertes de granulés de 54% à 74%.
La France s’est, elle aussi, saisi du problème. Promulguée en 2018, la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » (EGalim) vise entre autres à limiter l’exposition des publics jeunes aux perturbateurs endocriniens contenus dans la plupart des matières plastiques.
La loi « anti-gaspillage pour une économie circulaire » de février 2020 (AGEC), dont les 130 articles permettent de lutter contre les différentes formes de gaspillage, vise, quant à elle, à transformer notre économie linéaire ― produire, consommer, jeter ― en une économie circulaire, avec des objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi et de recyclage fixés par décret.
Qu’elles soient internationales ou nationales, toutes ces avancées réglementaires tentent d’inverser les courbes de la production de plastiques. Cependant elles ne sont pas suffisamment efficientes et même parfois inappliquées ! Il faut donc en repenser les ambitions en n’encadrant pas seulement l’aval, mais aussi et surtout, l’amont, car s’il doit y avoir un avenir pour les plastiques, c’est probablement davantage vers le réemploi qu’il faut se tourner, étant donné les propensions de ces matières à durer dans le temps.
Mais dans l’immédiat pour lutter contre la pollution plastique, donnons-nous de vrais moyens ! À l’instar des médicaments, ne mettons aucune matière plastique sur le marché sans avoir démontré sa pleine utilité, sa réelle innocuité et sa parfaite recyclabilité. Pour ce faire, les études d’impact sont à systématiser. Déployons et renforçons l’information des consommateurs, pour amplifier la prise de conscience de la trop grande place des plastiques dans notre quotidien et de leur nocivité. Le système d’étiquetage du Nutriscore peut être un exemple inspirant.
Développons des campagnes de sensibilisation financées par une taxe et des établissements différents des éco-organismes, afin de changer notre vision des choses et de réinterroger notre modèle économique, au-delà de nos seuls modes de vie.
Enfin, généralisons les politiques territoriales, à travers un volet « Plastiques » dans les Programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA). Des actions comme « Paris sans plastique » ou le plan « Nice Zéro plastique » sont encore trop rares.
La stratégie qui voudrait tout miser sur le zéro plastique est pour l’heure peu réaliste, d’autant que dans certains secteurs, la santé par exemple, les plastiques sont utiles. Supprimer tous les plastiques impliquerait de devoir recourir à des alternatives coûteuses en ressources ou polluantes à fabriquer, tel l’inox ou le bois, voire d’autres matériaux nobles qu’il faut veiller à préserver.
Revenir au niveau de production de plastiques d’il y a 20 ans pourrait être un objectif atteignable, à condition que leur réduction et leur recyclabilité soient des priorités. La solution se trouve certainement du côté des matériaux qui auraient des caractéristiques plastiques au sens premier du terme, c’est-à-dire malléables, répondant à un vrai besoin, biosourcés, réutilisables, compostables et recyclables.