Pilote
Utiliser beaucoup moins pour produire beaucoup plus : c'est le but de l'intensification des procédés. Une nouvelle branche du génie chimique en devenir : deux programmes européens, F3 Factory et Copiride, lancés dans le cadre du 7e programme-cadre de recherche et de développement (PCRD), ont fait de ce thème le coeur de leur recherche.
En France, le projet R & D collaboratif d'intensification des procédés monté par Axelera, le pôle de compétitivité spécialisé dans la chimie et l'environnement, doté d'un budget total de 15 millions d'euros sur trois ans, s'achève. Les cinq partenaires ( Arkema, Rhodia, l'IFP, le CNRS et la PME Modelys) ont développé des méthodes, des procédés et des outils avec un objectif commun : jeter les bases de l'usine du futur. Autrement dit, accroître, à moindre coût et à niveau de sécurité amélioré, la productivité et la qualité de procédés pour la chimie fine et la pharmacie. Bilan : à l'échelle du laboratoire, de nombreux projets montrent que l'amélioration de la productivité peut rimer avec économie de matières premières et d'énergie. « Dans les faits, l'intensification se traduit souvent par une réduction en taille des équipements », explique Laurent Falk, directeur de recherche au LRGP-Ensic à Nancy.
Le Raptor, mini-réacteur opérationnel conçu par le LRGP et AET Group, a été présenté en mars dernier. Fonctionnant en continu, il a la même capacité de production que des réacteurs conventionnels discontinus (réacteur batch) avec un volume en réactifs 1 000 fois inférieur. « La faible quantité de matière supprime les risques d'emballement de la réaction. Cela réduit, voire élimine, les besoins en solvants pour la dilution », ajoute Laurent Falk. Conséquence : plus besoin de séparer le solvant du soluté après réaction, une étape souvent énergivore. Le procédé diminue aussi la formation de sous-produits indésirables, « et aussi des métaux lourds entrant dans la composition des catalyseurs », poursuit le chercheur. Ainsi, 100 tonnes de CO2 par an ne seraient pas rejetées et le taux maximal d'économies d'énergie réalisable serait de 90 % par rapport à un réacteur classique.
Autre succès, celui de Rhodia avec la mise au point d'une unité pilote en distillation réactive. La combinaison de deux opérations - une réaction et une distillation - sur un même équipement améliore le rendement de la réaction. Exothermique, celle-ci dégage de la chaleur, ce qui permet d'économiser 40 % d'énergie sur la distillation. Seule ombre au tableau, mais de taille : le pilote ne peut pas être extrapolé à échelle industrielle.
Ce souci illustre la limite actuelle de l'exercice, rares étant les projets qui passent le cap du pilote. Pour Sylvain Perdrieux, d'Arkema, « une barrière technologique au déploiement de ces procédés demeure ». Certains industriels hésitent à investir dans des technologies coûteuses pour lesquelles l'offre d'appareillage, de matériaux et de techniques d'analyse est inexistante. Les équipementiers s'intéressent de près à ce marché émergent, mais peinent à identifier les besoins. Et eux aussi hésitent à investir à long terme... « Malgré ces difficultés, nous devons poursuivre le travail considérable déjà réalisé », motive Didier Tanguy, chez Rhodia. Le pôle Axelera, dont l'objectif est la construction d'une filière chimie-environnement de visibilité internationale en Rhône-Alpes, met en oeuvre une nouvelle feuille de route stratégique intitulée « procédés écoconçus ». Il espère ainsi dynamiser la collaboration entre acteurs français de l'industrie, de la recherche et de l'équipement et accélérer l'émergence d'idées et de projets innovants.