Commerciaux toujours sur les routes, techniciens courant d'un site à l'autre... Pris dans leur ensemble, les déplacements pèsent lourd dans le bilan carbone d'une entreprise et peuvent représenter jusqu'à 40 % de ses émissions de CO2. Pour réduire cet impact, les sociétés rivalisent d'imagination. Ainsi, Itancia impose à ses commerciaux de prendre le train au-delà de 200 kilomètres. « Ils disposent pour les trajets plus courts d'une trentaine de Prius hybrides. La voiture de fonction est un terrain sensible, car elle a un aspect statutaire. En optant pour un modèle moins polluant, mais qui reste fiable et valorisant, le changement a été bien vécu », explique Régis Robin, responsable DD du distributeur de matériels de téléphonie Itancia.
Autre solution, plus radicale : bannir la voiture en s'organisant différemment. Des PME du secteur de la propreté explorent cette voie. Au lieu de leur fournir un véhicule, certaines incitent leurs employés à prendre les transports en commun pour rejoindre les immeubles où le matériel de nettoyage, au préalable bien réparti, les attend chaque matin. À Orléans, l'entreprise de propreté Touténet mise sur la marche à pied. « Les tournées à pied se déroulent en binôme en centre-ville et sont donc bien perçues. On a aussi recours à des voitures électriques pour les longs trajets », indique Jean-François Denis, son gérant. La CCI du Loiret l'a accompagné dans sa démarche, dans le cadre d'une formation dispensée pour la deuxième année consécutive. Karine Gauluet, conseillère en mobilité, y constate : « Les entreprises manquent souvent de recul et d'outils pour agir sur les déplacements. On les aide en veillant à ce qu'elles partent des besoins des salariés ».
Pour que chacun y trouve son compte, l'employeur en améliorant son organisation et l'employé en perdant par exemple moins de temps sur la route, il faut soigner le diagnostic. Faire le bilan de sa flotte est un premier pas vers une gestion responsable. Les entreprises délèguent souvent cette tâche aux loueurs. « Ils savent optimiser l'utilisation des véhicules mais aussi le comportement des conducteurs par l'écoconduite », reconnaît Philippe Brendel, président de l'Observatoire du véhicule d'entreprise. D'autres, comme Veolia Environnement (30 000 véhicules) ou l'ascensoriste Koné (3 000), ont créé leur propre outil de reporting interne. « On a revu le parc pour adapter, métier par métier, le choix des véhicules aux besoins du personnel. Le suivi de leur consommation nous permet de récompenser les conducteurs vertueux », confirme Patrick Beyer, directeur achats de Koné. Résultat, la consommation de carburant a diminué de 5 % en trois ans. Et la sinistralité aussi, un atout que Koné ne manque pas de faire valoir auprès de son assureur.
Autre levier, la fiscalité. Depuis que la taxe sur les véhicules de société (TVS) est indexée sur le CO2 et que le bonus-malus s'y est ajouté, les entreprises cherchent des voitures consommant moins (pour réduire leurs factures de carburant) et émettant aussi moins de CO2 (pour payer moins d'impôts). La carotte fiscale a joué à plein : en cinq ans, la moyenne des émissions des véhicules est passée de 150 g à 130 g de CO2 au kilomètre. « Il existe une batterie de leviers possibles pour mieux gérer une flotte. Sur un plan fiscal, sachez que les modèles hybrides bénéficient d'une exonération sur deux ans de la TVS », signale Philippe Mahieux, directeur de pôle chez Alma Consulting Group, un cabinet spécialisé sur ce créneau. Selon lui, il est essentiel d'intégrer dans sa flotte des petites cylindrées pour faire descendre le niveau moyen de motorisation, et de bien distinguer les efforts à faire sur les voitures individuelles et le parc d'utilitaires. « Mais cela ne suffit pas, seul un audit sur site permet de révéler d'autres gisements d'amélioration, une fois analysé à quels usages précis servent les déplacements. » Les déplacements quotidiens d'un commercial, rationalisables grâce des outils de géolocalisation, n'ont en effet rien à voir avec les trajets effectués ponctuellement pour une réunion. Ces derniers « peuvent être considérablement réduits grâce à la visioconférence », témoigne Laëtitia Neveu, responsable environnement de Salmson. Ce fabricant de pompes s'est doté de six salles de visioconférence. « Les salariés sont demandeurs. On a aussi formé nos commerciaux à l'écoconduite, pour un coût raisonnable de 250 euros par personne ». En entreprise, la pratique se généralise et les organismes de prévention des risques routiers dispensent tous des formations. « À la clé, il y a au moins 10 % d'économies sur la consommation de carburant et le stage est l'occasion de donner des conseils sur les façons d'optimiser les trajets », précise Éric Dejouannet, formateur d'écoconduite. Une fois passée la formation initiale, encore faut-il maintenir les résultats dans le temps. « Il est bon de faire des piqûres de rappel et, pour les gestionnaires de flotte, de s'équiper d'outils d'aide à l'écoconduite en temps réel », conclut-il.