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Accueil > Actualités > Pollutions > L'usage du vélo sur le domaine public : autant en emportent les principes ?
POLLUTIONS

L'usage du vélo sur le domaine public : autant en emportent les principes ?

PUBLIÉ LE 1er JUILLET 2014
LA RÉDACTION
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A busus non tollit usum, cette maxime du droit romain signifie que l'abus n'exclut pas l'usage. Cet adage implique que l'excès qu'il est possible de faire d'une chose ne doit pas nécessairement conduire à s'en abstenir. L'usage intensif qu'il serait possible de faire du vélo sur le domaine public, c'est-à-dire tous se mouvoir très fréquemment par ce moyen – et qui serait le principe – ne devrait pas mener à son utilisation modérée telle qu'actuellement pratiquée du fait d'un emploi demeurant encore trop communément exceptionnel. À ce titre, si la pratique – qu'est le fait – est aussi peu récurrente, les règles – qu'est le droit – ne l'encouragent, sous un angle contraignant, somme toute qu'assez peu. En conséquence, au lieu d'une dynamique de la dynamo où droit et fait s'entretiendraient mutuellement, l'on assiste davantage à une situation de réciprocité statique réservant au vélo sur le domaine public une place assez marginale. Pourtant, la question des déplacements à vélo intra et extra-muros revient avec une certaine périodicité sur l'agenda politique. L'on observe, d'une part, que nombreux ont été les programmes des candidats aux récentes élections municipales promettant la réalisation de nouvelles pistes cyclables et, d'autre part, l'annonce en mars dernier, par l'ancien ministre des Transports, de vingt-cinq mesures pour encourager l'usage du vélo (1). Force est de constater que ces déclarations ont peu été suivies d'effets. Les raisons de cette absence de réflexe cycliste dans les réalisations et les rénovations des artères urbaines tiennent, d'un côté, à la rédaction des dispositions légales prévoyant des dérogations et, de l'autre, à la trop faible volonté locale d'assurer la planification et l'application de tels aménagements. Ainsi, au lieu d'être la norme comme le prévoit la loi (2), l'obligation de réalisation d'itinéraires cyclables constitue toujours trop généralement l'exception et l'on serait presque surpris de voir de tels itinéraires alors que l'étonnement devrait être de ne point en rencontrer. S'il existe un intérêt certain des juristes pour les principes (3), il y a aussi une sorte d'attirance de leur part à l'endroit de l'exception qui, loin de confirmer la règle, l'infirme le plus souvent. Il conduit, par exemple, les universitaires à exposer les principes pour se concentrer ensuite parfois davantage sur leurs exceptions (4). Mais les régimes d'exception, en théorie comme en pratique, et quelle que soit la fascination que l'on peut avoir pour eux, doivent demeurer ce qu'ils sont et ce pourquoi ils sont prévus, c'est-à-dire régir des situations spéciales et particulières. Lorsque tel n'est pas le cas, il apparaît nécessaire – voire inévitable – de revenir au véritable principe, c'est-à-dire à la règle elle-même (5), qui prévoit l'obligation de créer des itinéraires cyclables urbains, et non aux hypothèses d'exclusion qu'elle contient en son sein, tels « les besoins et contraintes de la circulation ». Ces aménagements, « sans remettre en cause le principe de la généralité des usages partagés, constituent l'une des conditions pour rendre possible le développement souhaité du recours au vélo » (6), et c'est par conséquent en en permettant réellement l'usage que ce dernier pourra plus aisément s'exercer. En parallèle, les principes directeurs de l'utilisation collective du domaine public – que sont la liberté, l'égalité et la gratuité – ont eux aussi subi d'importantes inflexions au point de devenir, malheureusement et dans de nombreux cas, des exceptions. La place accordée au vélo et les modalités d'exercice de celui-ci sur les voies publiques n'échappent surtout pas à ces dérogations dont elles peuvent apparaître sinon comme l'archétype du moins comme un exemple topique et illustratif. De la même manière, un retour aux sources que sont les stricts principes du domaine public – même si ce dernier tend lui aussi, par ailleurs, à devenir l'exception – ne pourrait que s'avérer fécond pour l'usus du vélo. Dès lors, tant en ce qui concerne le lieu d'usage du vélo que les modalités de sa pratique sur ce même lieu, les nouvelles pistes susceptibles d'être explorées ou plus exactement renouvelées et rétablies consistent à revenir à ce qui devrait être, à savoir les principes, et ce comme remède de ce qui trop fréquemment est, c'est-à-dire les exceptions. À ce sujet, les juridictions administratives, par leurs interprétations, certes différentes mais néanmoins convergentes, des dispositions de la loi Laure ont remis au goût du jour l'obligation de réaliser des itinéraires cyclables (I). À cela devrait s'ajouter une résurrection des principes traditionnels s'appliquant au domaine public, car elle encouragerait encore davantage l'usage du vélo et permettrait la généralisation – voire l'heureuse et idéale banalisation – de sa pratique (II). I. Les itinéraires cyclables sur le domaine public : remise en selle du principe d'obligation de leur réalisation Le domaine public, eu égard à son affection, concourt à l'utilité publique à destination de ses usagers. Pour que cette utilité publique soit en résonance perpétuelle avec sa finalité et le contexte social, politique et économique dans lequel elle s'inscrit, il va sans dire que « les pistes cyclables ont vocation à [connaître] un développement inéluctable » (7). Néanmoins, la rédaction de l'article 20 de la loi Laure (8) imposant la réalisation d'itinéraires cyclables a pu soulever des difficultés d'interprétation, et ce malgré son caractère prescriptif et l'utilisation du verbe déontique (9) « devoir ». Cette source de complications dans les termes employés par la loi a été immédiatement perçue, au regard des exceptions insérées par ses rédacteurs (10), et elle fut aussi rapidement constatée, eu égard à son absence de réelle portée contraignante, par ses commentateurs (11). Ainsi, le législateur s'en est remis aux élus locaux, et c'est donc sous l'impulsion de ces derniers que les aménagements se sont peu ou prou réalisés (12), compte tenu d'approches locales variables et variées. Pas suffisamment, trop lentement selon plusieurs associations de défense de la pratique cycliste qui ont, en conséquence, multiplié les recours devant les juridictions administratives aux fins de contester l'absence d'aménagements cyclables dans des projets ciblés de réalisation et de rénovation de voies urbaines. Pour ce faire, les juges saisis ont dû apprécier les termes employés dans la loi Laure et il a donc fallu s'en remettre à la médiation du juge pour que les dispositions normatives reçoivent une réelle effectivité. La difficulté est notamment venue des standards (13) employés par le législateur, à savoir « les besoins et contraintes de la circulation » et le fait qu'il faille « tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains [Pdu] ». D'ailleurs, « la tendance est nette, dans la législation récente, à multiplier les critères de ce genre qui présentent évidemment l'avantage, par leur généralité même, d'être des notions évolutives que le juge reçoit pour mission d'actualiser en les précisant » (14). De telles normes ont pu déjà être observées, même s'il est possible de s'interroger sur leur réelle portée contraignante compte tenu de leurs termes vagues – pour ne pas dire vides. S'agissant par exemple de la Charte de l'environnement, Yann Aguila constate que, « au total, comme c'était prévisible, c'est donc au juge qu'il revient (…) de préciser [s]a valeur et [s]a portée » (15). Ainsi, à la partition livrée par le constituant ou le législateur semble devoir succéder sa mise en musique juridictionnelle, et c'est ce qu'il advint sous les impulsions successives des juges du fond. La cour administrative d'appel de Lyon initia ce mouvement, observable chronologiquement sur la dernière décennie, par un rappel explicite de la loi. Elle jugea qu'exceptions faites, d'une part, des voies où l'obligation ne s'applique pas – les autoroutes et les voies rapides – et, d'autre part, des deux dérogations – relatives, en premier lieu, aux besoins et contraintes de la circulation pouvant y faire obstacle, et, en second lieu, à leur compatibilité avec les orientations du Pdu –, l'opération de réalisation ou de rénovation d'une voie urbaine doit prévoir l'aménagement d'itinéraires cyclables (16). En conséquence, la cour annula la délibération prévoyant le réaménagement d'une avenue qui ne comportait aucune mention relative à un tel aménagement. Cela montra ainsi que l'article 20 est « source d'une véritable contrainte juridique » (17) et ne saurait donc être occulté par les assemblées délibérantes locales. Six mois plus tard, la cour administrative d'appel de Douai se prononça à son tour. Après avoir rappelé dans la motivation de son arrêt les termes de la loi, elle précisa clairement « qu'il ressort de ces dispositions et de leur rapprochement avec les débats parlementaires ayant précédé leur adoption que le législateur a entendu imposer aux collectivités concernées (…) une obligation de mise au point d'itinéraires cyclables pourvus d'aménagements adaptés, à l'occasion des réalisations ou de rénovations des voies urbaines » (18). Cette lecture dynamique la conduisit à juger que la circonstance dans laquelle l'aménagement de pistes cyclables ne serait pas réalisable sur l'assiette disponible en domaine public n'était pas de nature à justifier l'absence de mise au point imposée par l'article 20. La cour administrative d'appel de Nantes, statuant en 2009, a identiquement rappelé que le législateur, par les dispositions prévues, a entendu imposer aux collectivités concernées une obligation de mise au point d'itinéraires cyclables (19). Mais tout l'intérêt de l'arrêt réside dans la formulation plus « rigoureuse » (20) employée, car elle réduit considérablement ce qui avait pu être pris comme des moyens de s'émanciper de l'obligation et de contourner les réalisations en découlant. En effet, la cour a considéré que les besoins et les contraintes de la circulation ne constituent pas une dispense opérante mais qu'il doit seulement en être tenu compte et qu'ils sont, comme il a été relevé, non « des éléments d'opportunité (…) mais uniquement des circonstances » (21). Cette position a conduit ainsi à une restauration du principe d'obligation de réalisation d'itinéraires cyclables avec un effet véritablement contraignant, ce qui est – convenons-en – la définition littérale d'une obligation juridique. En conséquence, le périmètre des exceptions s'est vu réduit et redessiné au profit d'une réelle promotion du principe presque au-delà de ce que la loi entendait, tant dans sa lettre que dans son esprit, consacrer. Cette motivation fut reprise par la cour administrative d'appel de Marseille en ajoutant, dans l'espèce considérée, que cette obligation « pèse sur la collectivité alors même que l'aménagement ainsi réalisé sur la voie nouvelle ne serait éventuellement pas prolongé par des aménagements de même nature sur la voirie préexistante » (22). À ce titre, il convient de mentionner la position adoptée par le tribunal administratif de Lyon (23), laquelle est quelque peu régressive par rapport au mouvement de promotion jurisprudentielle d'un principe de réalisation ne souffrant, sinon guère du moins, que peu d'exception. Le rapporteur public se posait l'essentielle question de savoir quelle est la nature – de moyen ou de résultat – de l'obligation de réalisation d'itinéraires cyclables. Selon lui, « il apparaît peu probable que le législateur ait entendu poser une obligation générale et absolue, s'imposant aux élus et ne souffrant d'aucune exception » (24). La juridiction lyonnaise, avec une certaine filiation par rapport à la motivation de la cour administrative d'appel de la même ville en 2003, le suivit dans son raisonnement en ne s'en tenant qu'à la seule obligation de moyen alors que les positions des autres juridictions du nord, du sud et de l'ouest laissaient entrevoir la consécration d'une obligation de résultat (25). L'une des dernières jurisprudences relative à ce sujet est celle de la cour administrative d'appel de Paris dans un arrêt de décembre dernier (26). D'une part, elle reprend la motivation consacrant un caractère impératif à la réalisation d'itinéraires cyclables et, d'autre part, elle vérifie la matérialité de possibles voies cyclables n'ayant pas été réalisées. La cour juge, en effet, que l'étroitesse de la rue n'excluait pas la mise en place d'une circulation alternée avec les autobus, montrant de la sorte qu'il était tout à fait possible de les faire cohabiter sur une même voie. Il ressort de ce mouvement décennal jurisprudentiel que « la juridiction administrative a considérablement éclairci le sens des exigences légales » (27) de telle manière que celles-ci ne restent pas lettre morte mais reçoivent bien une application à la hauteur de ce qu'elles semblaient promettre dans leur principe au moment de leur consécration législative. Pour que l'usage du vélo sur le domaine public prenne encore une plus grande ampleur, il conviendrait que s'ajoute à ces positions jurisprudentielles un retour aux principes directeurs du « domaine de protection » (28). II. Vers un usage sans frein du vélo : plaidoyer pour la renaissance des principes du domaine public Pour que le vélo connaisse un usage encore plus important sur le domaine public, les modalités d'utilisation dans le cadre de ce dernier devraient être repensées. Les orientations politiques contemporaines semblent aller en ce sens, mais elles demeurent timorées. Pourtant, un retour aux principes généraux de l'utilisation du domaine public affecté à l'usage du public – telle que l'est la voirie communale – permettrait une amélioration des moyens de la pratique du vélo en ville et, loin de la décourager en raison de sa modeste condition, concourait au contraire à son essor. Ainsi, sur chacun des trois principes il est possible soit d'accentuer encore ce qui est, soit d'y revenir avec une vigueur soutenue. Concernant la liberté, la jurisprudence a toujours considéré que l'utilisation du domaine public affecté à l'usage direct du public est libre pour autant que cet usage demeure conforme à sa destination. Ainsi, tel l'exercice du pouvoir de police administrative où « la liberté est la règle, la restriction de police l'exception » (29), l'usage de cette liberté sur le domaine public est le principe et les limitations à celle-ci des hypothèses bien particulières. Ces dernières recouvrent essentiellement trois catégories. Premièrement, il s'agit des biens interdits au public, car ils intéressent et concourent à la Défense nationale. Deuxièmement, il en est de même de ceux auxquels il est apporté des restrictions reposant sur des considérations liées à l'ordre public, notamment pour la meilleure utilisation (30) du domaine public ou sa meilleure exploitation (31). Troisièmement, cela recouvre les biens qui ne sont accessibles que par l'intermédiaire d'un service public et dont l'usage implique le paiement d'une redevance. Si la première catégorie est relativement constante, les deux autres ont un fâcheux penchant à l'extension. S'agissant des restrictions, le juge administratif admet de plus en plus facilement celles relatives à la liberté de circulation et ce malgré la densification continue du principe de légalité. Pour ce qui a trait aux situations dérogeant à la gratuité, elle s'observe par exemple s'agissant des plages privées par exception à l'accès libre et gratuit. Au-delà de ces exceptions, la proclamation d'une liberté n'est réellement opérante qu'à la condition qu'elle puisse s'exercer. Aussi, encore faut-il que cela soit matériellement possible. Or, s'agissant de la liberté d'usage du vélo sur la voirie publique, lorsqu'elle a pour siège des voies partagées avec d'autres véhicules, elle reste tributaire d'une cohabitation plus que dangereuse pour ses usagers lorsqu'ils cherchent à jouer à armes égales avec des véhicules de tout autres dimensions (voitures, taxis, bus). C'est donc sur la variable d'ajustement que sont les aménagements cyclables, quelle que soit leur forme (pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants), qu'il serait utile de jouer. Car si l'usage est libre, il le serait encore davantage – au sens de libre arbitre – si les itinéraires cyclables existaient réellement de sorte à ce que la voirie offre un réel choix de mode de déplacement, dont le vélo serait une déclinaison à part entière. À défaut, il n'est question que d'une liberté mutilée. Le principe d'égalité n'implique pas, en règle générale, que tous les usagers soient traités de manière identique, mais uniquement que ceux qui sont placés dans une situation semblable aient des droits et obligations semblables (32), ce qui s'applique également pour le domaine public (33). Si l'on s'en tient aux deux conceptions généralement retenues du principe d'égalité, c'est-à-dire celle l'entendant au sens strict et celle impliquant nécessairement que des traitements différenciés puissent et doivent exister, il ressort qu'actuellement le vélo et ses usagers n'ont pas leur réelle place égalitaire sur le domaine public. Selon la première acception, sur une chaussée unique où nul n'a de place attitrée devrait cohabiter toutes les formes de véhicules. Or, si cela est vrai de jure, cela ne l'est pas de facto : il suffit de se risquer à vélo sur la voie commune pour l'expérimenter ! Selon le second entendement, il existe trois possibilités à l'admission d'une distorsion du principe d'égalité : le fait qu'elle soit la conséquence d'une loi ; le fait qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables ; une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service qui commande cette mesure (34). Si l'on transposait ces dérogations aux biens affectés à l'usage direct du public, telles que le sont les voies de circulation communales, les deux derniers fondements pourraient s'avérer féconds et fructueux. Car il existe des différences substantielles de situations entre les vélos et les autres véhicules présents sur la voie publique, méritant qu'à l'instar des couloirs de bus ou de taxis, les vélos possèdent leur propre voie réservée. Tel est ce qui inspire théoriquement l'existence prévue de véritables itinéraires cyclables, mais quantitativement et qualitativement ils restent en deçà de ce qui peut être fait si l'on se réfère aux discriminations positives susceptibles d'être instaurées au regard du principe d'égalité. Pour ce qui concerne l'intérêt général, elle « est une notion d'une certaine plasticité, volontairement imprécise, qui permet au juge d'adapter les contours de sa jurisprudence aux aspirations ou aux nécessités de son temps » (35). Ce sont les motifs d'intérêt général – économique, écologique et physique – qui justifient l'emploi de plus en plus fréquent du vélo et la situation de vulnérabilité de ceux qui l'emploient qui ont conduit les pouvoirs publics à prendre conscience du fait que ce mode de déplacement doit faire l'objet d'une approche et d'un traitement différenciés. Ainsi, par dérogation aux autres véhicules, de nouveaux panneaux autorisent les cyclistes à ignorer les feux rouges, pour tourner à droite ou aller tout droit (36) à la suite d'expériences probantes dans certaines villes. Cependant, de tels panneaux restent encore aujourd'hui trop ponctuels et sont souvent uniquement présents dans les agglomérations déjà pionnières en matière de pistes cyclables et auxquelles on ne saurait faire reproche d'un tel cumul (37). Mais, s'il est possible qu'un principe sous le joug de la multiplication de ses exceptions soit relativisé, il est également concevable qu'une dérogation prenant une place de premier ordre puisse se voir ériger au rang de principe. C'est à ce titre qu'en multipliant ces éléments sporadiques relatifs au vélo ceux-ci finiront par avoir droit de citer dans le concert des modes de transports sur la voie publique. Par principe, l'utilisation du domaine public affecté à l'usage du public est gratuite. Dès lors, aucune redevance ne peut être réclamée même si elle se fonde sur des motifs liés à l'ordre public. Il en ressort que l'utilisation de la plupart des voies publiques est gratuite. Cependant, les dérogations à cette gratuité se multiplient et des trois principes, il s'agit de celui qui souffre le plus comme en témoigne la voirie publique qui est à ce titre un exemple criant. En ce qui concerne la gratuité de la circulation, la loi de 1955 (38) a introduit à titre « exceptionnel » le péage sur les autoroutes. Mais comme le faisait remarquer un sénateur « l'exception est bel et bien devenue la règle » (39). L'horizon de la suppression de tels péages n'est, de nos jours, même plus sérieusement envisagé alors que pourtant la Cour des comptes ne cesse de montrer dans ses rapports que ces péages instaurent, en premier lieu, un déséquilibre au bénéfice des sociétés autoroutières et que, en second lieu, les augmentations tarifaires sont supérieures à l'inflation (40). Il en est de même pour l'accès à des ouvrages d'art et l'article R. 153-1 du Code de la voirie routière ne fait plus état de leur caractère exceptionnel. Pour ce qui concerne le vélo sur les voies classiques deux types de situation doivent être distingués. D'une part, l'hypothèse où l'usager utilise son propre vélo et qui conduit à un usage gratuit et, d'autre part, celle où il a recours à des vélos en libre-service (Vls) impliquant un paiement. S'agissant de ces derniers, ils ont généralement pour cadre une délégation de service public. Or, depuis la définition de celle-ci par la loi Murcef (41) considérant qu'il s'agit des contrats « par lesquels une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d'exploitation du service », l'on a pu s'interroger sur ce que peut recouvrer une « rémunération substantiellement liée au résultat d'exploitation du service », car pour le Conseil d'État tel est le cas pour une part étant de l'ordre de 30 % (42). Or dans cette hypothèse le délégataire se voit garantir 70 % de ses dépenses d'exploitation (43) par des subventions de la collectivité contractante : où se trouve le risque ? Ainsi, plutôt que de fonder les systèmes Vls sur le principe d'une contribution financière où seul le délégataire s'y retrouve, pourquoi ne pas promouvoir leur entière gratuité. Deux solutions sont possibles à ce titre, soit une gratuité déguisée par une augmentation des impôts locaux à hauteur d'un titre de transport au tarif annuel pour l'ensemble des contribuables d'une collectivité – ce qui d'ailleurs pourrait être généralisé à l'ensemble transports en commun locaux et remédierait à la fraude –, soit une gratuité assumée comme telle. Cela tendrait à devenir le principe dès l'instant où le gouvernement envisageait récemment dans ses mesures un remboursement par les entreprises volontaires d'une indemnité kilométrique vélo. Qu'on le veuille ou non, comme en témoignent les récents pics de pollution dans les grandes agglomérations, l'on ne saurait échapper à la prolifération de telles initiatives. Conclusion S'agissant de l'usage du vélo sur le domaine public, il semble que l'on se situe au milieu du gué. Une place entre deux rives, celles de l'attentisme et de l'inaction, d'une part, et celle progressiste et de l'action, d'autre part. L'équidistance entre ces rives montre que des efforts ont été faits, mais ceux-ci restent précaires et variables selon les territoires concernés : soit l'on va à contre-courant (44) et l'on subit sa néfaste influence conduisant à reléguer sans cesse le vélo à une place subalterne, soit l'on se donne les moyens d'être en adéquation avec son temps, à l'instar de ce qui guide la modernisation d'autres villes européennes où le vélo occupe une place de choix, voire de premier plan. Il faut se méfier des principes, soit ils ont une authentique portée en tant que norme sociale de comportement, soit ils sont constamment contrariés au risque de vérifier le songe de Nabuchodonosor : « et le vent les emporta sans qu'aucune trace n'en fut trouvée » (45). C'est la raison pour laquelle il ne faut point chercher à s'extraire des principes mais, au contraire, constamment y revenir.
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