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POLLUTIONS

Commentaire

PUBLIÉ LE 1er NOVEMBRE 2014
LA RÉDACTION
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Le département de l'Isère projette la création d'une nouvelle route départementale devant franchir l'emprise de la voie ferrée Saint-Rambert-d'Alban à Rives, qui assurait la liaison directe entre Grenoble et la Vallée du Rhône et sur laquelle le trafic a cessé depuis une dizaine d'années. Le Département obtient alors de l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), le 23 juin 2005, une autorisation conventionnelle d'occupation du domaine public temporaire de cinq ans sur une superficie de 400 m² lui permettant de déposer les rails tout en prévoyant la remise en état au frais du Département si le trafic reprenait. Dans le cadre de cette opération, le conseil général fait donc réaliser, en 2004-2005 des travaux d'aménagement sur la route départementale (RD) 519, à proximité de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. À cette occasion, sont enlevés des coupons de rails et des appareils techniques sur six passages à niveau de ladite ligne ferroviaire. La fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) s'est alors engagée dans un contentieux contre cette convention d'occupation domaniale. Bien que tiers à la convention, la Fnaut obtient gain de cause1 dès lors que la ligne ferro-viaire n'a pas été fermée par une décision mais seulement par son non-usage, la convention d'occupation ne pouvait permettre la dépose des rails et la suppression d'un passage à niveau, sachant que sa réinstallation est impossible2 . Il aurait fallu que la procédure de fermeture de ligne soit respectée et que le domaine public ferroviaire soit déclassé, ce qui n'était pas le cas. Mais l'affaire ne s'arrête pas là. La Fnaut, voyant la réalisation des travaux, estime qu'il y a là une atteinte au domaine public ferroviaire protégé par un régime de contravention de grande voirie3 . Celle-ci demande alors au président de RFF et au préfet de l'Isère de faire constater par procès-verbal des atteintes à l'intégrité du domaine public ferroviaire et de faire citer le Dépar-tement à comparaître devant le tribunal administratif du chef de contravention de grande voirie. Devant les refus implicites des deux autorités de répondre favorablement à leur demande, la Fnaut demande alors au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ces décisions et de leur enjoindre de poursuivre le conseil général. Le tribunal donne raison à la fédération dans un jugement en date du 20 octobre 2009. RFF fait appel de ce jugement devant la cour administrative de Lyon et obtient gain de cause par un arrêt du 7 avril 2011, le jugement est annulé et les requêtes de la Fnaut rejetées. Cette dernière se pourvoit en cassation devant le Conseil d'État qui dans l'arrêt du 22 janvier 2014, lui donne raison en cassant l'arrêt de la cour administrative d'appel (et en lui accordant 3 000 euros pour les frais de justice non compris dans les dépens) mais sans que l'affaire ne soit réglée directement, puisque la Haute Assemblée a renvoyé à la cour administrative d'appel de Lyon. Ainsi, sur le fond, certains éléments ne sont donc pas encore réglés, néanmoins l'arrêt susvisé apporte des précisions intéressantes quant à la possibilité de voir une collectivité territoriale sanctionnée par une contravention de grande voirie. Il apparaît que la soumission des collectivités territoriales aux contraventions de grande voirie ne méconnaît pas le régime de leur responsabilité pénale (I) mais cela ne signifie pas forcément qu'elles soient sanctionnées au regard de la spécificité du régime des poursuites en la matière (II). I. La nature non pénale des contraventions de grande voirie Telles qu'elles sont définies, actuellement par l'article L. 2132-2 du CGPPP les contraventions de grande voirie visent à réprimer « les manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative… ». Le champ d'application matériel de ces contraventions est strictement délimité, puisqu'il faut impérativement qu'un texte l'ait institué. S'agissant du champ d'application organique, les textes précisent peu d'éléments sur la nature des personnes susceptibles d'être visées par une telle contravention. Sont utilisés selon les cas, les termes de « personne »4 , de « nul »5 , de « contrevenants »6 pour désigner le ou les responsables. Selon les décisions rendues par la juridiction administrative, juridiction compétente pour ces contraventions, les personnes susceptibles d'être poursuivies sont soit celles qui ont commis ou pour le compte de lesquelles a été commise l'action à l'origine de l'infraction, soit celles sous la garde de lesquelles se trouve l'objet cause de la contravention7 . Il se trouve que les auteurs habituels sont des personnes privées, mais la présente affaire soulève la question d'un auteur public, en l'occurrence un conseil général. Alors que les textes ne donnent, là non plus, aucun élément sur la nature publique ou privée de l'auteur d'une action passible d'une contravention de grande voirie, pourrait-il donc exister une différence selon la nature juridique de l'auteur ? Les personnes publiques, en l'occurrence plus précisément, les collectivités territoriales pourraient-elles échapper à de telles contraventions ? Une étude de la jurisprudence administrative, tant ancienne que récente, montre que les collectivités territoriales n'échappent pas aux contraventions de grande voirie8 , tout comme les autres personnes publiques9 . En conséquence, la présente affaire ne semblait pas soulever de difficultés particulières sur ce point-là. Un conseil général pourrait donc être sanctionné par une telle contravention si les conditions étaient réunies. Seulement, la cour administrative d'appel de Lyon informe les parties au procès qu'elle va soulever un moyen d'office relatif à l'irresponsabilité pénale des collectivités territoriales. En effet, en vertu de l'article 121-2 du Code pénal de 1992-1994, les collectivités territoriales ne sont pénalement responsables que pour des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. Elles ne le sont donc pas dans les autres cas10 . Pour la cour, les contraventions de grande voirie ont une nature pénale les faisant entrer dans le champ dudit article du Code pénal et en conséquence, l'activité (en l'occurrence l'exploitation d'un réseau routier) exercée par le conseil général de l'Isère ne pouvant faire l'objet d'une telle délégation, il ne peut être pénalement responsable et échappe donc à la contravention en question. L'enjeu essentiel réside dans la détermination de la nature juridique des contraventions de grande voirie. Ont-elles ou non une nature pénale ? L'étude de la nature des contraventions de grande voirie a donné lieu à de nombreuses analyses11 . Il semble très souvent admis que l'on puisse évoquer la protection pénale du domaine public, l'action menée étant alors une action pénale. Pour certains auteurs, ces contraventions ont une nature réellement pénale12 . Pour d'autres auteurs, elles ont un caractère mixte13 ou atypique14 . Mais pour d'autres auteurs encore, elles ne sont clairement pas des sanctions pénales15 , même si elles ont alors une « coloration pénale » au regard de leur caractère punitif pour la partie amende. Du côté des juridictions, la situation n'a pas toujours été simple. Dans certaines décisions de la juridiction administrative, le terme « d'amende pénale »16 a été employé. Mais d'autres décisions distinguent nettement ces contraventions de grande voirie des contraventions de police17 . Avec la présente affaire, la Haute Assemblée confirme la nature non pénale des contraventions de grande voirie en indiquant de manière concise que ces contraventions ne relèvent pas du Code pénal18 . Alors, cette solution est-elle justifiée ? La partie restitutive de la contravention de grande voirie n'est pas l'élément en jeu pour notre analyse et relève d'un régime juridique spécifique à cette action domaniale. Il reste alors la question de la nature de l'amende. Cette amende, cela ne fait pas de doute, est bien une sanction. Une sanction qui ne saurait être qualifiée d'administrative puisqu'elle n'est pas prononcée par une autorité administrative mais par une juridiction19 . Cette amende est soumise en partie au régime des sanctions pénales : principe de légalité des incriminations, principe de nécessité des peines, principe de rétroactivité de la loi plus douce, soumis à la prescription d'un an et aux lois d'amnistie. Mais en revanche, la mise en œuvre de l'action publique (pour l'amende) obéit à des règles différentes du droit pénal : obligation de poursuivre20 , inapplicabilité du principe non bis in idem et de celui de confusion des peines, du mécanisme des circonstances atténuantes. Par ailleurs, il ne faut pas oublier le caractère objectif du régime (la sanction porte sur des faits objectifs sans prise en compte d'éléments moraux relatifs à l'auteur de ces faits) et le prononcé de l'amende par une juridiction non pénale. Il ne fait d'ailleurs plus de doute que les amendes prévues par le dispositif des contraventions en question appartiennent à la « matière pénale » prévue par l'article 6 de la CEDH21 . Il existe donc bien des liens entre les deux types de répression (pénale et administrative) mais ils sont distincts22 , comme le justifient d'ailleurs leurs objets : celui des contraventions de grande voirie est la conservation du domaine public et non le maintien de l'ordre public. Les contraventions de grande voirie ne sauraient donc avoir une nature pénale. Peut-être serait-il plus pertinent, comme le précise M. Disant, que les contraventions de grande voirie soient renommées infractions de grande voirie lors de la prochaine réforme de cette partie du Code général de la propriété des personnes publiques23 . Par la même occasion, il serait tout aussi pertinent de supprimer le lien avec la notion de voirie, qui n'a plus de sens aujourd'hui. Si les collectivités territoriales entrent donc dans le champ de ces infractions, encore faut-il noter que leurs activités d'intérêt général peuvent leur éviter les poursuites. II. Des poursuites limitées à l'encontre des personnes publiques Même si la Fnaut a obtenu gain de cause devant le Conseil d'État sur l'enjeu précédent, l'affaire n'est pas pour autant gagnée sur le fond. Dans l'attente de la décision de cour administrative d'appel de Lyon, revenons sur les éléments de cette affaire. Le premier enjeu consiste à s'assurer ou à vérifier que les actions menées par le conseil général de l'Isère sont ou non constitutives d'une telle contravention de grande voirie. En l'occurrence, comme le montrent les faits de cette affaire, il y a bien une atteinte à l'intégrité de la voie ferrée en question, donc au domaine public ferroviaire en l'absence de déclassement de celle-ci. Le conseil général a bien réalisé ces travaux de dépose des passages à niveaux alors qu'il ne dispose à l'époque d'aucune autorisation lui permettant d'occuper le domaine public et de procéder aux travaux24 . Ainsi, l'infraction est confirmée, il y a bien lieu à contravention de grande voirie. Dès lors, les autorités compétentes (président de RFF et préfet) doivent faire application de la spécificité précédemment évoquée, relative au régime de ces contraventions, à savoir l'obligation de poursuivre le contrevenant et d'obtenir réparation de l'atteinte au domaine public25 . Les autorités compétentes se doivent aussi de répondre favorablement à toute demande de poursuite, au risque de voir engager la responsabilité de la personne publique pour laquelle elles interviennent26 . La juridiction administrative contrôle avec attention le respect de ces obligations27 . Néanmoins, une telle obligation de poursuite connaît différentes limites. Les premières sont procédurales. L'obligation n'existe que si les infractions ont été constatées selon la procédure prévue28 . En principe, même si c'est parfois une source de contentieux, le respect de la procédure ne soulève pas de difficultés particulières. En revanche, une seconde catégorie de limites est plus intéressante car directement en lien avec la nature du contrevenant et de son action telle que nous l'avons dans la présente affaire. En effet, l'obligation de poursuivre s'efface lorsque d'autres intérêts généraux sont en jeu, comme l'a déjà rappelé depuis longtemps le Conseil d'État : « que l'obligation ainsi faite à ces autorités trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont elles ont la charge et, notamment, dans les nécessités de l'ordre public ; qu'en revanche, ces autorités ne sauraient légalement se soustraire à cette obligation pour des raisons de simples convenances administratives »29 . En l'espèce, s'il n'y a pas de risques de troubles particuliers ou graves à l'ordre public30 , il existe bien d'autres intérêts généraux à prendre en considération, qui peuvent être notamment de nature économique31 , financière (comme la prise en charge spontanée de la réparation des dommages par le responsable de l'infraction32 ) ou sociale33 . Cet intérêt général peut encore se caractériser par une amélioration des voies de circulation comme le montre déjà une affaire pré-cédente jugée par la cour administrative d'appel de Bordeaux et dont l'arrêt précisait « que la réa-lisation de ces travaux tendant à l'amélioration des voies de communication ouvertes au public présente un intérêt général de nature à légalement soustraire » les autorités compétentes à leur obligation de poursuivre pour contravention de grande voirie34 . Or nous sommes en présence d'enjeux similaires avec la présente affaire, puisque les travaux du conseil général de l'Isère ont pour objectif d'amé-liorer la circulation sur la route départementale en intervenant sur une voie ferrée inutilisée depuis des années. Par ailleurs, selon l'arrêt précité du 7 avril 2011 rendu par la cour administrative d'appel de Lyon, RFF n'a pas subi de préjudice financier par les travaux en question. En conséquence de l'ensemble de ces éléments, le conseil général de l'Isère ne doit pas faire l'objet de poursuites pour une telle contravention et les autorités compétentes ont donc raison de ne pas répondre favorablement aux demandes qui leur sont faites en ce sens35 . Enfin, la Fnaut n'ayant pas subi de préjudice par la suite de ces travaux, il lui est impossible d'engager la responsabilité sans faute des personnes publiques concernées en raison de ce refus légal. Alors en supposant, même si cela semble peut probable, que les actions menées par le conseil général de l'Isère ne soient pas considérées comme présentant un intérêt général, il faudrait que les autorités compétentes engagent les poursuites. Le tribunal administratif saisi devrait donc décider des sanctions à l'égard du conseil général. Il pourrait ainsi prévoir le remboursement des frais de procès-verbal ainsi qu'une amende, mais qu'en serait-il de la remise en état ? Celle-ci paraît délicate d'une part, car comme le laisse entendre Mme G. Gondouin dans ses conclusions sur l'arrêt du 7 avril 2011 précité, il n'est pas vraiment pertinent de demander la remise en état d'une voie ferrée abandonnée ; et d'autre part, parce que les travaux réalisés par le conseil général portent sur un ouvrage public. Or si un tel ouvrage peut maintenant être détruit ou déplacé à la demande de la juridiction administrative, c'est après la réalisation d'un « bilan coût-avantage »36 . En l'occurrence au vu de la situation, il paraîtrait excessif de demander au conseil général de remettre en état la voie ferrée d'autant que les passages à niveaux sont plutôt supprimés au regard de leur caractère accidentogène. Il semble en conséquence que l'action de la Fnaut ait peu de chance d'aboutir sur le fond. C. M.
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