Sur le marché Bruno Dobrowolski, le directeur de projets « flotte de véhicules électriques et villes intelligentes » chez ERDF n'est pas peu fier de présenter les résultats des trois ans d'expérimentation d'Infini Drive. Soutenue par l'Ademe dans le cadre des Investissements d'avenir, l'opération visait à évaluer les conséquences, pour l'entreprise, de l'achat de véhicules électriques. Un travail qui débouche sur des conseils concrets pour dimensionner son infrastructure ou anticiper les incidents. Pour l'opérateur de distribution, la question des recharges était bien sûr en première ligne.
Plusieurs choix sont possibles : bornes, boîtiers muraux (wallbox) ou simples prises E/F. Si cette option n'est pas la plus recommandée compte tenu des niveaux de puissance appelée et de la durée des recharges, force est de constater que, quand un utilisateur a besoin de se connecter, il met en œuvre la première solution venue si toutes les bornes de bran chement offi-cielles sont occupées. Conséquence : pour des raisons de sécurité, la vérification des prises électriques accessibles est un préalable à toute démarche d'électromobilité.
Autre problème récurrent : le risque de saturation de l'abonnement, en particulier pour les sites qui souscrivent à une puissance proche de 250 kVA. Au-delà de ce seuil, il devient obligatoire de s'équiper d'un transformateur privé haute tension, une opération coûteuse qui doit être évitée en lissant la consommation (l'équivalent du programmateur des chauffe-eau domestiques). Les besoins des flottes de véhicules sont malheureusement moins prévisibles.
Pour prévenir les pointes, par exemple en fin de journée quand certains collaborateurs rentrent de rendez-vous, il est indispensable de développer des logiciels de recharge intelligente. Pour se préparer à la plus grande variabilité des prix de l'électricité qui accompagnera un jour ou l'autre la montée en puissance des énergies renouvelables intermittentes, mieux vaut apprendre notamment à ne pas faire systématiquement le plein, mais plutôt à cerner le juste besoin. On dispose ainsi d'une réserve de recharge si les prix diminuent fortement avant que l'usager reprenne son véhicule. Infini Drive a permis de tester deux configurations très différentes. « À la Poste, les facteurs ont une bonne vision des tournées qu'ils vont réaliser. Chez nous, les trajets ne sont jamais les mêmes », compare Bruno Dobrowolski. Pour évaluer les besoins d'autonomie, il a fallu développer un outil capable d'exploiter les données du logiciel utilisé en interne pour définir les tournées en fonction des rendez-vous du jour.
Ce travail peut buter sur des détails. « Nous étions neuf partenaires et nous nous sommes rendu compte que chacun avait une manière d'écrire la date du jour : avec des tirets, des points, des espaces, etc. », illustre Bruno Dobrowolski. De manière identique, les informations transférées entre le véhicule et la borne ou entre les concentrateurs et le réseau ne répondent pas aux mêmes règles. L'expérimentation confirme donc que des protocoles ouverts doivent voir le jour pour interfacer toutes les solutions du marché sans que des développements spéciaux soient nécessaires pour chaque entreprise.
Même si d'autres travaux sont arrivés à des conclusions identiques, les trois ans d'Infini Drive ont en fin entériné, d'une part, que l'achat de véhicules électriques est rentable (au-delà de cinquante kilomètres par jour) et, d'autre part, que miser sur l'électromobilité exige une évolution culturelle dépassant largement les enjeux techniques. Un accompagnement particulier doit être proposé aux usagers car prendre en main un véhicule électrique demande un apprentissage.