Alors qu’une réunion ministérielle est prévue le 17 novembre à la COP27, au cours de laquelle une quarantaine de pays dévoileront des actions de réduction de leurs émissions de méthane, l’Institute for Agriculture and Trade Policy et la Changing Markets Foundation ont passé au crible les émissions de méthane des plus grandes entreprises des filières de la viande et des produits laitiers. Résultats : ces entreprises émettent 12,8 millions de tonnes de méthane. Leurs émissions représentent environ 3,4 % de l’ensemble des émissions anthropiques mondiales de méthane et 11,1 % du méthane provenant de l’élevage dans le monde.
Il ne reste qu’une dizaine d’années dans l’atmosphère, et pourtant le méthane est extrêmement puissant. Son potentiel de réchauffement est environ 80 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 20 ans. Sa principale source est l’élevage, responsable d’environ 32 % des émissions anthropogéniques, estime l’évaluation le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Mais qu’en est-il de la responsabilité des industriels de l’élevage et des produits laitiers ? L’Institute for Agriculture and Trade Policy et la Changing Markets Foundation ont ainsi évalué pour la première fois les émissions de méthane de cinq grandes entreprises du secteur de la viande et de dix des plus grandes entreprises de la filière laitière, dont Danone et Lactalis en France.
D’après ce rapport, les émissions de ces 15 entreprises dépassent largement l’empreinte méthane de nombreux pays, dont la Russie, le Canada, l’Australie et l’Allemagne. Celles-ci sont « 52 % plus élevées que les émissions de méthane liées à l’élevage de l’UE et 47 % plus élevées que celles des États-Unis », peut-on lire. Plus en détail, les émissions de méthane de la société Marfrig rivalisent avec celles issues de l’élevage en Australie. La société Tyson émet des niveaux comparables aux émissions de la Russie. Celles de la société Dairy Farmers of America correspondent aux émissions de méthane liées au secteur de l’élevage au Royaume-Uni.
Les émissions du groupe brésilien de viande JBS sont supérieures à celles de toutes les autres entreprises et dépassent les émissions d’élevage de la France, de l’Allemagne, du Canada et de la Nouvelle-Zélande réunis.
Les 15 entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers évaluées en fonction de leurs émissions du méthane. Crédit : Institute for Agriculture and Trade Policy/Changing Markets Foundation.
Une empreinte carbone non mentionnée
Évaluées sur une période de 20 ans, les émissions de méthane de ces entreprises sont encore plus élevées. Elles représentent « entre la moitié et les trois quarts de l’empreinte carbone estimée de ces entreprises (émissions de GES) », apprend-on dans le rapport. Globalement, les émissions de gaz à effet de serre de ces entreprises se situent à un niveau considérable et s’élèvent à environ 734 millions de tonnes d’équivalent CO2. « Si cet ensemble de 15 entreprises était considéré comme un État, il se situerait au dixième rang des pays qui émettent le plus de GES dans le monde », comparent l’Institute for Agriculture and Trade Policy et la Changing Markets Foundation.
Le rapport met également en exergue la déclaration de ces émissions. Selon cette évaluation, la plupart des entreprises ne déclarent ni leurs émissions totales de GES ni leurs émissions de méthane spécifiques. « Neuf entreprises sur 15 (60 %) ne déclarent pas leurs émissions ou ne déclarent pas les émissions totales de leur chaîne d’approvisionnement (« scope 3 »). Aucune d’entre elles n’a déclaré les émissions de méthane de sa chaîne d’approvisionnement », précisent les organismes à l’origine de l’étude.
Il est urgent d’agir
Les 15 entreprises analysées dans ce rapport possèdent leur siège social dans dix pays, excepté la Chine, signataires du pacte mondial pour le méthane de la COP26, ayant pour objectif de réduire les émissions mondiales de ce gaz de 30 % à l’horizon 2030. Le rapport appelle ainsi les gouvernements qui « limitent leur intervention à des solutions techniques », à mettre en place une législation urgente et ambitieuse afin de soutenir une transition juste pour la transformation de l’élevage industriel vers l’agroécologie.
« Pour agir sur le méthane provenant de l’élevage, il est essentiel de bien comprendre les moteurs de la production animale industrielle de masse et de multiplier les interventions politiques visant à réduire le nombre d’animaux exploités pour la production de viande et de produits laitiers », ajoutent l’Institute for Agriculture and Trade Policy et la Changing Markets Foundation.