Cette semaine, Kathleen Boquet revient sur la loi économie circulaire, qui sera examiné en séance publique à l’Assemblée nationale dès lundi 9 décembre prochain. Pour elle, cette loi reste "timide" et "la mise en œuvre d’une économie circulaire ambitieuse dépendra de notre capacité à décorréler le développement de nos sociétés de l’extraction de ressources".
Face à la prise de conscience croissante qu’il n’existe pas de planète B, le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire met les pieds dans le plat et pointe les failles de nos modes de consommation et production. Un essai encourageant, qu’il faut réussir à transformer.
Un signal positif mais des mesures timides
D’un point de vue sémantique, le projet de loi économie circulaire va dans le bon sens : une révision de notre modèle vers plus de sobriété. Nouvelles filières de Responsabilité Elargie du Producteur, affichage d’un indice de réparabilité, renforcement du bonus-malus… ces mesures visent à responsabiliser les producteurs sur l’écoconception et l’allongement de la durée de vie des produits. En face, le signal prix permettra de flécher les consommateurs vers les produits plus responsables, et c’est un pas précieux pour la prise en compte des externalités environnementales dans notre modèle économique. Le risque d’une interprétation a minima reste toutefois élevé si les mesures ne sont pas précisées.
Dans la continuité des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire, l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires répond à une évidence écologique et sociale. Cependant, la préférence pour le réemploi – vente à prix préférentiel ou don aux associations – face au recyclage devrait être clairement affirmée et doublée d’un objectif de réduction de la production de ces déchets.
Le recyclage n’est pas une solution miracle
Il faut sortir du modèle linéaire « extraire-produire-jeter », mais le terme même d’économie dite circulaire peut porter à confusion. Recycler 100 % des matériaux présents dans notre économie ne suffira pas à couvrir notre appétit grandissant de matière. De nombreux matériaux, comme le papier ou le plastique, ne peuvent en plus être recyclés qu’un nombre limité de fois et certains usages, dits dispersifs, rendent les matériaux irrécupérables : c’est le cas du titane utilisé dans les additifs alimentaires, dentifrices et peintures.
Les solutions de recyclage – comme le recyclage chimique, tant attendu – doivent être développées. Toutefois, c’est une activité industrielle dont l’impact n’est pas neutre : consommation d’eau, d’énergie et de produits chimiques, émissions de gaz à effet de serre, risques sanitaires pour les personnes traitant les déchets… Considérons-la non pas comme un but en soi, mais bien comme une option de dernier recours.
Un nouveau modèle socio-économique est nécessaire
La mise en œuvre d’une économie circulaire ambitieuse dépendra de notre capacité à décorréler le développement de nos sociétés de l’extraction de ressources. Cela suppose de renverser le modèle d’affaires dominant selon lequel vendre plus de biens est source de plus de revenus. La loi pourrait l’encourager de manière beaucoup plus volontariste, en éliminant les usages inutiles – suremballage, publicité papier… – et en interdisant progressivement la mise sur le marché de produits ne respectant pas certains seuils de durée de vie ou de recyclabilité.
Des pionniers explorent déjà des modèles positifs : produits d’entretien déshydratés en vrac, location de vêtements écoconçus ou d’équipements de loisirs… Ils y trouvent de la reconnaissance de la part des consommateurs, du sens pour leurs collaborateurs et une attractivité renforcée auprès des futures recrues. Sobriété, durabilité et créativité : c’est à partir de ce fil rouge que la loi doit créer les conditions favorables à l’émergence d’une économie circulaire à la hauteur des enjeux.
Kathleen Boquet, cheffe de projet chez GreenFlex / Crédit : Greenflex