Pendant la crise sanitaire du Covid-19 et le confinement qu’elle impose, Environnement-magazine.fr propose aux professionnels de partager leur organisation. Journée type ? Quelle organisation au travail ? Comment entrevoir l’après-crise ? Jean-Luc Petithuguenin, président de Federec et président-fondateur de Paprec Group, nous explique son quotidien.
Quelle est votre journée type en confinement ?
Je travaille beaucoup évidemment en temps normal, mais je n’avais jamais atteint le rythme effréné que je vis depuis le début du confinement. C’est compliqué de gérer le chaos ! Plus prosaïquement, je fais aussi mes courses et prépare mes repas.
Nous nous sommes en effet répartis géographiquement sur le territoire avec mes membres du Comex - dont mes fils - afin d’être au plus près du terrain le cas échéant. J’étais en déplacement dans mes usines du Sud-Est de la France quand le confinement a été déclaré et j’y suis resté. Mon épouse est à Paris, en télétravail pour son entreprise également. Je vis donc tout seul en ce moment, ce qui n’est pas mon habitude !
Comment adaptez-vous votre activité professionnelle à cette situation inédite ?
J’ai d’abord dû m’adapter à une transformation importante de mes activités : trois jours avant le confinement, j’ai pris la présidence de Federec, la fédération des industriels du recyclage. Je passe ainsi une grande partie de mon temps à coordonner les actions des entreprises de ce secteur essentiel à la vie de la nation. J’assure notamment, aux côtés des permanents, le lien entre les autorités sanitaires, les différents ministères et nos industriels, pour avancer sur l’ensemble des sujets majeurs que sont la gestion financière et opérationnelle des entreprises, tout comme le suivi quotidien de la sécurité de leurs équipes qui est au cœur de toutes les préoccupations.
Côté Paprec, cet épisode a acté un tournant majeur pour le groupe que j’ai créé il y a maintenant plus de 25 ans. Mon fils ainé, Sébastien, nommé directeur général en septembre dernier a, de facto, pris les rênes opérationnelles de l’entreprise ; il gère cette crise avec calme et assurance avec l’aide de son frère Mathieu, directeur délégué en charge du commerce. Je participe chaque jour, avec le Comex, à une réunion de crise qui a pour objectif, notamment, de suivre au quotidien et mettre en place les pratiques permettant à nos salariés et équipes d’assurer nos missions auprès des citoyens et clients en toute sécurité.
La réactivité de mes équipes, leur sérieux, a ainsi permis que nous soyons la première entreprise à recevoir des masques FFP2, le 29 mars, en même temps que LVMH. Nous avons pu ainsi doter l’ensemble de nos salariés de ces protections. Nous en avons aussi donné à des hôpitaux ainsi que plus de 150.000 masques à des confrères.
Quels seront, selon vous, les impacts de l’épidémie sur votre entreprise ?
La crise est grave. Certes nos activités de collecte et de tri auprès des collectivités locales ont continué quasiment normalement. Nous avons continué d’assurer nos prestations pour les clients de l’agroalimentaire, de la logistique, de l’imprimerie… mais nous avons tout un pan de clients industriels stratégiques dont l’activité a cessé du jour au lendemain (comme l’automobile, l’aéronautique, le BTP…). J’évalue à 50% la baisse d’activité dès le premier mois du confinement. Si l’industrie ne repart pas, ce sera pire le second mois.
Mais le secteur des déchets ces dernières années a traversé de nombreuse crises. Il nous faut en permanence réinventer nos modèles. J’ai organisé mon entreprise pour savoir naviguer pendant ces tempêtes. Pendant la terrible crise que nous avons traversée en 2008, par exemple, j’avais écrit à l’ensemble de mes salariés pour leur dire que le licenciement ne serait utilisé qu’en extrême recourt, en dernier ressort. Je refuse en effet de me séparer de mes collaborateurs et collaboratrices. Je leur ai renouvelé cette promesse pour cette pandémie. Je tiens à redire ici combien je suis fier de leur engagement, de leur motivation. Et les citoyens ne s’y trompent pas, eux qui leur laissent des petits mots sur les poubelles et les remercient chaque jour !
Quelle est la première chose que vous ferez une fois le confinement terminé ?
Tout d’abord je crains d’être confiné personnellement longtemps en raison de mon âge (62 ans) et de problèmes de santé personnels. Mais dès que je le pourrai, mon plus grand bonheur sera de réunir la famille proche : mes enfants et petits-enfants, pour partager la joie des retrouvailles. Facetime évidemment me permet de les voir, mais ça sera une grande joie de plonger dans la piscine tous ensemble !
Selon vous, à quoi ressemblera l’après Covid-19 ?
Aux fâcheux qui pensent que l’environnement va pâtir de cette crise sanitaire, j’oppose mon observation de mes contemporains et mon expérience des décennies passées. Non, la cause environnementale ne va pas disparaître avec cette pandémie, bien au contraire. Le calendrier sera peut-être remis en cause, un peu ralenti dans un premier temps, le temps d’évaluer les conséquences, notamment économiques de cet épisode. Mais les ambitions et réalisations seront ensuite plus grandes. De plus, j’observe de grands mouvements de fraternité, un besoin de s’épauler les uns les autres. L’après Covid-19 sera à l’image du leitmotiv de mon groupe : « pour une planète plus verte et une société plus fraternelle. »
Jean-Luc Petithuguenin, président de Federec et président-fondateur de Paprec Group