Hugues Pelletier, fondateur et directeur général de Petrel. Crédit : Petrel
Un peu partout en France, les initiatives se multiplient, portées par des acteurs tels que l’Institut du Commerce, le Réseau Consigne ou encore Citeo. L’objectif aujourd’hui consiste pour l’ensemble de cet écosystème en mouvement à se structurer et à se standardiser pour passer à l’échelle. Tribune portée par Hugues Pelletier, fondateur et directeur général de Petrel.
Sur le marché du réemploi, il semblerait que les choses commencent à bouger en France. Ainsi, un projet de décret vise les 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027 avec un premier objectif de 5 % dès 2023. Dans le même temps, dans le cadre de la loi AGEC, un observatoire du réemploi et de la réutilisation est en cours de constitution, tandis qu’une étude visant à caractériser les marges de progression existantes sur les différents flux d’emballages et catégories de produits vient d’être lancée.
La consigne, un modèle qui répond aux nouvelles attentes des consommateurs
Les nouvelles attentes autour de l’emballage ouvrent aujourd’hui l’opportunité de revisiter l’ensemble des chaînes de valeur de la distribution alimentaire. Ainsi, le rejet des emballages à usage unique est acté et induit de nouveaux comportements. Selon un sondage IFOP, 90% des consommateurs souhaitent le retour de la consigne en verre. Ce modèle, qui apparaît en effet à la fois économique et écologique, doit être encouragé. Il y a 50 ans seulement, la consigne était encore très populaire. Les Français faisaient leur marché avec leurs contenants : filets pour les fruits et légumes, boîtes à œufs, bocaux, bouteilles pour le lait et le vin.
Avec l’arrivée de la consommation de masse, les emballages se sont mis à servir avant tout de supports de promotion pour les marques. Le dépôt du premier brevet français de bouteille en plastique en 1963 a signé le début de la fin de la consigne. Mais face à la montée des préoccupations environnementales et à l’urgence écologique, ce modèle est de nouveau perçu comme une solution d’avenir. Reste à recréer ce geste aujourd’hui oublié et à l’adapter aux modes de consommation actuels.
En plus de l’impact écologique, des emplois opérationnels et non délocalisables
Les activités de réemploi et de réutilisation permettent d’allonger la durée d’usage des produits manufacturés. Elles jouent un rôle structurant pour les politiques de prévention des déchets. Surtout, elles représentent un levier d’activité économique, avec des emplois opérationnels et non délocalisables tout au long du cycle de réemploi : collecte, logistique de retour, tri, lavage et reconditionnement.
Ces activités opérationnelles donnent l’opportunité de s’appuyer sur des programmes de réinsertion dans le milieu carcéral ou des structures Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée telles que EmerJean basé à Villeurbanne.
De nombreux modèles à l’étude
Le réemploi des emballages est une priorité à étudier et à expérimenter que ce soit dans la relation distributeur-consommateur ou inter-entreprises. Les pouvoirs publics au niveau local, régional ou national ont bien compris le bénéfice de ces nouveaux schémas et s’engagent à les promouvoir. Ce type d’approche contribue à la création de boucles régionales zéro déchet, à l’image de celle mise en place dans le cadre du projet Hub Vrac mené avec 6 industriels et 9 magasins en Ile-de-France. Le pilote démontre ainsi qu’à partir de 7 cycles de réemploi, l’impact environnemental est plus favorable que l’usage unique des emballages. Dans le Carrefour de Brive-la-Gaillarde, des petits pots Blédina consignés sont vendus et profitent d’une boucle locale pour leur traitement.
Ces quelques initiatives illustrent la nécessité et la possibilité de sortir de modes trop linéaires dans lesquels les produits et leurs emballages associés sont fabriqués, consommés puis jetés pour, au mieux, être recyclés.
De la nécessité de créer de nouveaux standards
Toutefois, pour éviter une profusion d’initiatives hétérogènes qui seraient finalement contre-productives, de nouveaux standards doivent émerger. Ceux-ci vont simplifier et donc favoriser de nouveaux gestes de consommation. Le premier standard concerne les tarifs de consigne et l’identification des emballages consignés. C’est ainsi que l’Allemagne est parvenue à remettre ce modèle au goût du jour en 2005. Cette démarche permet aux consommateurs allemands de savoir clairement quels emballages ils doivent rendre, tout en étant assurés de payer le même montant de consigne dans tous les magasins, mais aussi de récupérer la même somme quel que soit le lieu où ils ramènent leurs contenants.
Définir des emballages standardisés est donc un point clé pour qu’un projet de réemploi devienne écologiquement viable et économiquement rentable pour les industriels et les distributeurs. Bien sûr, il faut à côté organiser de nouvelles chaînes circulaires autour des points de collecte, de la logistique retour, du lavage des contenants et de leur reconditionnement. Enfin, au-delà du standard, il s’agit de fédérer la filière pour mutualiser son impact environnemental, en partant d’un emballage très marketé pour se diriger vers un packaging neutre. Une évolution qui s’annonce radicale et doit donc être accompagnée.
Les fabricants et industriels sont prêts, les distributeurs font des efforts, c’est donc aujourd’hui aux pouvoirs publics de s’engager fermement sur ces sujets pour les passer à l’échelle. Sans cette implication, les initiatives en cours resteront très hétérogènes et localisées. Notre planète mérite mieux !