Axel Reinaud, co-fondateur et CEO de NetZero. Crédit : NetZero
Consultant au Boston Consulting Group durant vingt-trois ans, Axel Reinaud a quitté ses fonctions en 2020 pour lancer NetZero. Sa nouvelle mission, produire du biochar à grande échelle et éliminer le carbone dans l’atmosphère. Le co-fondateur et président de la startup française leader dans la séquestration carbone répond à nos questions.
Pourquoi avez-vous démarré cette aventure entrepreneuriale autour du biochar ?
L’aventure NetZero est née de l’urgence climatique. Celle-ci implique de mener simultanément deux combats : d’une part, il va falloir réduire les émissions de gaz à effet de serre, c’est ce qu’on appelle la décarbonation, et d’autre part, enlever du CO2 qui s’est déjà accumulé dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle, c’est la captation du carbone. Concernant cette dernière, le Giec insiste, dans son dernier rapport, sur la nécessité d’enlever de l’atmosphère 5 à 10 milliards de tonnes de CO2 par an à l’horizon 2050. C’est considérable ! Pour parvenir à enlever une telle masse de CO2 en moins de 30 ans, toutes les solutions existantes et disponibles doivent être développées à grande échelle.
C’est pour contribuer à cet effort que nous avons décidé de créer NetZero. C’est la première entreprise capable de porter à l’échelle industrielle la production de biochar dans les zones tropicales, l’une de ces solutions existantes validées par le Giec.
En quoi consiste la captation du CO2 ?
La captation, aussi appelée séquestration, consiste à capturer les molécules de CO2 et à les stocker le plus longtemps possible hors de l’atmosphère. On estime que la captation du CO2 doit contribuer à 10-15 % de l’effort mené dans la lutte contre le réchauffement climatique. Cette solution est indispensable pour tenir l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5°C d’ici 2050.
Disposons-nous actuellement de plusieurs méthodes pour capter le CO2 ?
Il en existe et elles sont très variées. La première qui nous vient à l’esprit lorsque l’on évoque la captation, c’est bien sûr la plantation d’arbres. Néanmoins, cette solution indispensable n’est pas suffisante car il n’y a pas assez de terres disponibles pour « reforester » à la hauteur de la quantité de CO2 à capter. Aussi, les forêts ne permettent pas un stockage permanent du carbone car elles peuvent brûler, être détruites par des maladies ou encore ses arbres peuvent être coupés.
Il est donc essentiel de coupler la reforestation avec d’autres solutions de captation. De notre côté, nous avons choisi le biochar, une option prometteuse pour le climat.
Concrètement, comment obtient-on du biochar et comment capte-t-il du CO2 ?
On peut faire du biochar à partir de n’importe quel type de résidu végétal sec. Par exemple chez NetZero, nous avons débuté notre production de biochar à partir de parches de café, résidus du décorticage disponibles en grande quantité dans les zones tropicales et dont le potentiel était jusqu’à présent inexploité.
En poussant, les végétaux, par le phénomène de photosynthèse, captent naturellement du CO2. Mais ce CO2 repart dans l’atmosphère lorsque les végétaux sont consommés, pourrissent ou brulent. En chauffant des végétaux à haute température et sans oxygène, par pyrolyse, on en extrait le carbone qu’ils contenaient sous la forme d’une poudre noire, le biochar. C’est un véritable concentré du carbone capté par ces végétaux tout au long de leur existence.
Dans quels pays est implanté la startup ?
Au Cameroun et, depuis peu, au Brésil. Nous avons installé notre première unité de production de biochar au Cameroun à Nkongsamba, à 150km au nord de Douala. C’est là que l’un des co-fondateurs de NetZero, un entrepreneur camerounais, a racheté la plus grande usine de transformation de café du pays, ce qui nous permet de nous approvisionner en résidus agricoles abondants, notamment parches de café, et jusqu’à présent non valorisés.
Fort de cette expérience à partir de résidus de café, nous avons décidé d’installer notre nouvelle usine au Brésil, pays premier producteur mondial. À terme, notre solution a vocation à se déployer rapidement dans toutes les zones tropicales.
Quelle est la quantité de biochar produite dans ces différentes usines ?
Notre première usine au Cameroun produit presque 200 kg de biochar à l’heure et la production atteindra progressivement 250 kg à l’heure. Avec 250 kg de biochar, c’est l’équivalent de 360 kg de CO2 qui sont stockés. Quant à la production annuelle, cette usine produit 2000 tonnes de biochar par an, ce qui permettra de stocker près de 3000 tonnes de CO2 par an.
Pour notre usine au Brésil, elle aura une capacité double par rapport à celle installée au Cameroun, soit environ 4000 tonnes de biochar, qui permettront de stocker 6000 tonnes de CO2 par an.
Sur quel business model repose NetZero ?
Le modèle de notre entreprise repose sur la vente de crédits-carbone de haute qualité. Pour ce faire, ces crédits-carbone sont préalablement certifiés par des tiers indépendants. Ils valident la quantité de biochar produite, sa teneur en carbone et analysent sa capacité effective à stocker, pour des centaines d’années, le CO2 atmosphérique capté.
Grâce à ce processus de certification rigoureux, ces crédits-carbone de haute qualité permettent aux entreprises engagées sérieusement dans une trajectoire ‘net zéro’ d’ici 2050 de compléter efficacement leurs efforts de réduction de leurs émissions.
… Mais l’achat de crédits-carbone est décrié pour greenwashing ! Comment rassurer les clients ?
Le modèle que nous proposons est différent. Aujourd’hui, l’essentiel de l’offre sur le marché des crédits-carbone concerne des émissions évitées. Il s’agit d’un marché où le crédit-carbone se négocie entre 3 et 10 euros l’unité seulement, un coût aussi faible que son impact environnemental. Concrètement, il s’agit par exemple de protéger une forêt qui, si elle était détruite, émettrait des émissions de CO2. Cette démarche étant difficile à quantifier, elle est par essence discutable.
Ce que nous proposons, ce sont des crédits-carbone de haute qualité car nous enlevons réellement du carbone de l’atmosphère. Et c’est parce que notre démarche est quantifiable et avec un impact climatique réel, que nous vendons nos crédits-carbone entre 150 et 200 euros l’unité.
Ce système de certification, la nature de nos crédits-carbone et leur prix garantissent que notre modèle s’adresse aux entreprises désireuses de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique.