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RECYCLAGE & RÉCUPÉRATION

Chantiers de Paris 2024 : comment limiter l’impact environnemental des terres excavées ?

PUBLIÉ LE 10 MAI 2024
NOÉMIE DUBRAC, CHEF DE PROJET EN SITES ET SOLS POLLUÉS, BRGM
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Chantiers de Paris 2024 : comment limiter l’impact environnemental des terres excavées ?
Crédit : @AdobeStock
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

On a tous en tête un chantier près de chez soi où des tas de terres s’accumulent puis finissent par disparaître. On s’interroge rarement sur leur devenir et sur leur impact environnemental, pourtant le nombre de chantiers est en constante augmentation en zone urbaine ou périurbaine. C’est notamment le cas dans les métropoles, comme à Paris par exemple avec les projets du Grand Paris Express et les aménagements pour les Jeux olympiques.

En France, les terres qui sont extraites du sol et du sous-sol, appelées « terres excavées », représentent en volume le premier déchet produit, avec plus de 100 millions de tonnes de terres déplacées chaque année. Elles sont majoritairement issues de chantiers de construction (bâtiments, infrastructures de transport…) réalisés dans le cadre de projets d’aménagement.

Le recyclage de ces volumes de terre, face cachée des projets d’aménagement, vire souvent au casse-tête. Comme pour n’importe quel déchet, il convient de les gérer de manière satisfaisante pour éviter de nuire à la santé des populations et à l’environnement.

Le casse-tête des terres excavées

Les terres excavées vont d’abord évoquer, pour le grand public, les camions qui les évacuent, source de nuisance pour les riverains et d’émissions de CO₂.

Le problème est le suivant : si ces terres sont envoyées en décharge, elles prennent la place d’autres déchets et saturent les installations de stockage, alors que la place disponible est de plus en plus limitée et que les citoyens acceptent de moins en moins ces installations à proximité de leur lieu de vie.

Mais, pire, si les terres excavées sont réutilisées sans précautions particulières, elles peuvent polluer l’environnement, à l’instar d’autres déchets. On lit régulièrement dans la presse des scandales à ce sujet :
valorisation inadaptée en terrains agricoles dans le Grand Paris,
stockage illicite de terres excavées du Grand Paris près de Rouen,
mauvaise caractérisation de ces terres pour contourner la réglementation…

La gestion peu scrupuleuse des terres excavées par certains acteurs nuit à l’image de la filière. Ces différentes affaires ainsi que leur statut de déchet donnent une vision négative des terres au public, alors qu’elles sont issues des sols, une ressource non renouvelable à l’échelle humaine.

Elles pourraient être très utiles, en particulier pour recréer des sols. On parle de services écosystémiques pour décrire les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques que l’être humain retire directement ou indirectement du fonctionnement de la nature, et notamment des sols.

D’ailleurs un projet de directive européenne sur les sols est actuellement en cours de réflexion afin de mieux protéger les sols, reconnaissant que la santé des sols et la santé humaine sont liées, selon le concept de One Health.

Des déchets comme les autres ?

Dès qu’une terre sort du site duquel elle a été extraite, elle est considérée comme un déchet, car elle correspond à la définition réglementaire d’un déchet. D’un point de vue réglementaire, le statut de déchet impose de nombreuses contraintes (caractérisation, traçabilité, responsabilité…).

La caractérisation des terres permet de s’assurer de leur composition chimique pour éviter de disséminer des pollutions potentielles. C’est d’autant plus important pour les chantiers situés en dehors des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), pour lesquels il n’existe que très peu de contrôles sur les terres par la police du maire. Pour les ICPE, la DREAL – l’une des police de l’environnement » – réalise des contrôles réguliers. Les obligations de traçabilité, enfin, doivent aider à mieux appréhender et suivre les flux de déchets.

En réalité, ce statut de déchet, qui semble contraignant pour de nombreux acteurs de la filière, est protecteur pour l’environnement, puisqu’il limite le risque de dissémination de pollutions. Il est aussi protecteur pour les personnes qui souhaitent valoriser ces terres, car il permet d’identifier clairement les responsabilités de chacun.
Les terres excavées ne sont pas un déchet comme les autres : leur dispersion hasardeuse peut être source de pollution. Ivan Radic/Flickr, CC BY

L’enjeu de la valorisation

Le code de l’environnement est très clair sur le sujet : quel que soit le déchet, il est nécessaire d’envisager sa réutilisation et sa valorisation avant son élimination en centre de stockage.

En France, une méthodologie a été mise en place par le BRGM dès 2012 pour encadrer la valorisation hors site des terres excavées dans des projets d’aménagement. Elle est issue de discussions entre les grands acteurs de la filière (une douzaine de syndicats, des maîtres d’ouvrages – dont les trois plus grands gestionnaires de foncier – et des organismes publics). Elle a été validée par le ministère de l’Environnement, et est régulièrement mise à jour pour être la plus opérationnelle possible.

Le nombre élevé d’acteurs associés autour de cette méthodologie montre qu’un nombre très important d’entreprises est motivé pour gérer ces terres le plus vertueusement possible. Les guides diffusés sont basés sur trois critères à respecter simultanément :
Le premier critère permet d’éviter de disséminer une pollution. On se préoccupe donc de la qualité des terres, mais aussi de celle du site qui va recevoir ces terres, c’est ce qu’on appelle la préservation de la qualité du sol.

Le deuxième critère permet de s’assurer que la valorisation des terres n’a pas d’impact sur la ressource en eau.
Le troisième critère assure l’absence d’impact sur la santé humaine pour l’usage futur du projet d’aménagement.

Il existe de nombreux exemples où des maîtres d’ouvrage, soucieux de bien gérer leurs déchets, ont préconisé la valorisation des terres excavées. C’est le cas sur des chantiers de la Société du Grand Paris, du centre aquatique olympique, ou du Canal Nord Seine Europe (projet visant à relier par un nouveau canal à grand gabarit le bassin versant de la Seine et notamment l’agglomération parisienne avec le réseau fluvial du nord de la France et du Benelux).

Les perspectives de la filière

Bien que la méthodologie officielle soit disponible depuis 10 ans, la valorisation hors site des terres excavées en projets d’aménagement n’est pas encore parfaitement opérationnelle. En effet, de plus en plus de chantiers prennent en compte la démarche proposée, mais il reste encore des entreprises et des maîtres d’ouvrage qui, volontairement, ne l’acceptent pas, notamment à cause de freins économiques, ou qui ne sont pas au fait de son existence.

Par exemple, la bourse aux terres publique du BRGM, TERRASS, n’est pas utilisée à la hauteur de son potentiel, essentiellement du fait de sa méconnaissance. Cet outil gratuit permet de mettre en relation des chantiers ayant des terres excédentaires avec d’autres qui en ont besoin, donne un cadre contractuel pour les transactions et offre aux différents acteurs la possibilité d’archiver les informations liées aux flux de terres et de les déclarer pour respecter les obligations réglementaires.

Il faut maintenant une prise de conscience des enjeux environnementaux et de la part de tous les acteurs. Chacun a sa responsabilité, des maîtres d’ouvrages aux entreprises privées.

La terre, une ressource précieuse car non renouvelable

Certains acteurs souhaitent améliorer les qualités des terres excavées ou exploiter leurs propriétés pour leur redonner plus de valeur. On peut citer notamment Terre Utile, le procédé TerraGenese de Valhoriz ou encore la plate-forme Terre Fertile 2.0 à Lyon qui produisent ou améliorent des terres végétales, mais aussi de multiples projets de construction en « terre crue » ou « pisé » à l’instar du conservatoire des sols d’INRAE ou de la fabrique Cycle Terre à Sevran.

Même si les volumes de terres associés à ces projets restent limités, le nombre de ces projets se multiplie et montre la préoccupation des acteurs de la filière.

Et si on raisonnait autrement pour sortir du modèle des dernières décennies qui arrive à ses limites avec l’épuisement des matières premières et l’accumulation des déchets ? On pourrait par exemple se demander, au moment de la programmation et de la conception des aménagements, si l’excavation des sols est systématiquement justifiée. Il est temps de considérer la terre excavée non pas comme un déchet qu’il faut éliminer, mais comme une ressource précieuse non renouvelable.

Par Noémie Dubrac, Chef de projet en sites et sols pollués, BRGM
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