Fréquemment confrontés aux arbres et haies qui empiètent sur les voies ou chemins ouverts à la circulation publique, les maires sont parfois conduits, en cas de défaillance ou de négligence des propriétaires riverains, à procéder d'office à des travaux d'élagage. En fonction de la nature de la voirie (voies publiques communales ou chemins ruraux), les maires disposent toutefois de moyens d'action différents.
I. LES FONDEMENTS TEXTUELS DES POUVOIRS DU MAIRE
- S'agissant des voies communales
Dans le cadre des pouvoirs de police qu'il détient aux termes de l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire peut imposer aux riverains des voies relevant de sa compétence de procéder à l'élagage ou à l'abattage des arbres de leur propriété menaçant de tomber sur les voies, dès lors que cela porte atteinte à la commodité du passage. Le maire est en outre compétent pour établir les servitudes de visibilité prévues à l'article L. 114-2 du Code de la voirie routière, qui peuvent comporter l'obligation de supprimer les plantations gênantes pour les propriétés riveraines des voies publiques.
Enfin, l'autorité municipale peut, sur le fondement de l'article R. 116-2 du Code de la voirie routière, punir d'une amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (1 500 euros) ceux qui, en l'absence d'autorisation, auront établi ou laissé croître des arbres ou haies à moins de deux mètres de la limite du domaine public routier.
- S'agissant des chemins ruraux
Aux termes de l'article D. 161-24 du Code rural, les branches et racines des arbres qui avancent sur l'emprise des chemins ruraux doivent être coupées, à la diligence des propriétaires ou exploitants, dans des conditions qui sauvegardent la sûreté et la commodité du passage ainsi que la conservation du chemin. Par ailleurs, les haies doivent être conduites à l'aplomb de la limite des chemins ruraux.
II. L'EXÉCUTION D'OFFICE DES TRAVAUX D'ÉLAGAGE
Face à la défaillance d'un propriétaire, le maire peut, en application de l'article D. 161-24 du Code rural ordonner, après une mise en demeure infructueuse, l'exécution des travaux d'élagage par les services techniques de la commune, aux frais du propriétaire. L'exécution d'office de l'élagage des plantations privées riveraines d'une voie, aux frais des propriétaires défaillants, n'est explicitement prévue que pour les chemins ruraux en vertu de l'article D. 161-24 du Code rural. En revanche, il n'existe aucune disposition similaire concernant les voies communales, qui relèvent du Code de la voirie routière.
Dans son arrêt Prébot du 23 octobre 1998 (n° 172017), le Conseil d'Etat a estimé qu'étaient entachées d'illégalité les dispositions d'un arrêté préfectoral prévoyant, sans fondement législatif, qu'à défaut d'accomplissement par des propriétaires riverains, après une mise en demeure, de travaux d'abattage et d'élagage d'arbres en raison d'un risque de chute d'arbres ou de branches sur le domaine public routier national, les frais d'exécution d'office des travaux seraient mis à la charge du propriétaire. Aucune disposition législative ne prévoit en effet l'exécution d'office de ce type de travaux, aux frais du propriétaire défaillant, pour les propriétés riveraines des voies publiques communales ou départementales.
Toutefois, si la mise en demeure d'élaguer les arbres susceptibles d'entraver la circulation ou de mettre en péril la sécurité ne suffit pas, le maire peut saisir le juge administratif, sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative, pour obtenir, par voie d'urgence, une injonction, assortie éventuellement d'une astreinte.
Pour donner au maire plénitude de compétence en matière d'élagage des plantations privées qui empiètent sur l'emprise des voies publiques communales, une proposition de loi du sénateur (UMP) Patrice Gélard (n° 639) vise à remédier aux insuffisances du droit existant par l'adjonction d'un nouvel article au Code général des collectivités territoriales. Cette proposition de loi prévoit ainsi de compléter l'article L. 2212-1 du CGCT par une disposition qui permettrait au maire d'assurer l'exécution d'office des travaux d'élagage aux frais des propriétaires riverains négligents, afin de mieux garantir la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques.
CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Article L. 2212-2
La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :
1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées.
[...]
CODE RURAL
Article L. 161-1
Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune.
Article L. 161-2
L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.
Article L. 161-5
L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux.
Article D. 161-14
Il est expressément fait défense de nuire aux chaussées des chemins ruraux et à leurs dépendances ou de compromettre la sécurité ou la commodité de la circulation sur ces voies, notamment :
1° D'y faire circuler des catégories de véhicules et de matériels dont l'usage a été interdit par arrêté du maire, dans les conditions prévues à l'article D. 161-10 ;
2° De les dépaver, d'enlever les pierres ou autres matériaux destinés aux travaux de ces chemins ou déjà mis en oeuvre ;
3° De labourer ou de cultiver le sol dans les emprises de ces chemins et de leurs dépendances ;
4° De faire sur l'emprise de ces chemins des plantations d'arbres ou de haies ;
5° De creuser aucune cave sous ces chemins ou leurs dépendances ;
6° De détériorer les talus, accotements, fossés, ainsi que les marques indicatives de leurs limites ;
7° De rejeter sur ces chemins et leurs dépendances des eaux insalubres ou susceptibles de causer des dégradations, d'entraver l'écoulement des eaux de pluie, de gêner la circulation ou de nuire à la sécurité publique ;
8° De mettre à rouir des plantes textiles dans les fossés ;
9° De mutiler les arbres plantés sur ces chemins ;
10° De dégrader les appareils de signalisation et leurs supports, les bornes ou balises des chemins, les plantations, les ouvrages d'art ou leurs dépendances, les revêtements des chaussées et, d'une façon générale, tout ouvrage public situé dans les emprises du chemin, notamment les supports de lignes téléphoniques ou de distribution d'énergie électrique ou d'éclairage public ;
11° De faire des dessins ou inscriptions ou d'apposer des placards, papillons ou affiches sur ces mêmes chemins et ouvrages ;
12° De déposer sur ces chemins des objets ou produits divers susceptibles de porter atteinte à la sécurité de la circulation, notamment d'y jeter des pierres ou autres matières, d'y amener par des véhicules, en provenance des champs riverains, des amas de terre, d'abandonner sur la chaussée des produits tombés de chargements mal assurés, tels que fumiers, pulpes, graviers, gravois, et d'une manière générale de se livrer à tout acte portant atteinte ou de nature à porter atteinte à l'intégrité des chemins ruraux et des ouvrages qu'ils comportent, à en modifier l'assiette ou à y occasionner des détériorations.
Article D. 161-22
Les plantations d'arbres et de haies vives peuvent être faites le long des chemins ruraux sans conditions de distance, sous réserve que soient respectées les servitudes de visibilité et les obligations d'élagage prévues à l'article D. 161-24.
Toutefois, dans un souci de sûreté et de commodité du passage, le maire peut, par arrêté, désigner les chemins de sa commune le long desquels les plantations devront être placées à des distances au plus égales à celles prévues pour les voies communales.
Article D. 161-24
Les branches et racines des arbres qui avancent sur l'emprise des chemins ruraux doivent être coupées, à la diligence des propriétaires ou exploitants, dans des conditions qui sauvegardent la sûreté et la commodité du passage ainsi que la conservation du chemin. Les haies doivent être conduites à l'aplomb de la limite des chemins ruraux. Dans le cas où les propriétaires riverains négligeraient de se conformer à ces prescriptions, les travaux d'élagage peuvent être effectués d'office par la commune, à leurs frais, après une mise en demeure restée sans résultat.
CODE DE LA VOIRIE ROUTIÈRE
Article L. 114-2
Les servitudes de visibilité comportent, suivant le cas :
1° L'obligation de supprimer les murs de clôtures ou de les remplacer par des grilles, de supprimer les plantations gênantes, de ramener et de tenir le terrain et toute superstructure à un niveau au plus égal niveau qui est fixé par le plan de dégagement prévu à l'article L. 114-3;
2° L'interdiction absolue de bâtir, de placer des clôtures, de remblayer, de planter et de faire des installations quelconques au-dessus du niveau fixé par le plan de dégagement ;
3° Le droit pour l'autorité gestionnaire de la voie d'opérer la résection des talus, remblais et de tous obstacles naturels de manière à réaliser des conditions de vue satisfaisantes.
Article R. 116-2
Seront punis d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui :
[...] 5° En l'absence d'autorisation, auront établi ou laissé croître des arbres ou haies à moins de deux mètres de la limite du domaine public routier ; [...]