Chaque année, les Français génèrent 245 millions de tonnes de déchets de chantiers de bâtiment et de travaux publics, 89 millions de tonnes de déchets non minéraux non dangereux (déchets ménagers, industriels et tertiaires ordinaires) et plus d'un million de tonne de biodéchets professionnels (alimentaires et végétaux), vient de rappeler le ministère de l'Ecologie. La loi portant engagement national pour l'environnement du 12 juillet 2010, dite « Grenelle 2 », et à sa suite l'ordonnance du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets ont notamment introduit, dans les outils de la planification des déchets, la hiérarchie de traitement des déchets prévue par la nouvelle directive-cadre relative aux déchets (prévention, réutilisation, recyclage, valorisation, notamment énergétique, et élimination - art. L. 541-1). Cet arsenal législatif définit également une échéance de révision des plans d'élimination des déchets existants, afin d'intégrer les nouvelles orientations nationales.
Le décret publié au Journal officiel du 12 juillet 2011 permet la mise en oeuvre de ces nouvelles mesures destinées à améliorer la prévention et la gestion des déchets. Il vise en particulier à renforcer la planification des déchets, créer un plan de gestion des déchets issus de chantiers du BTP, limiter la capacité des installations d'incinération et de stockage et rendre obligatoires la collecte séparée et la valorisation pour tous les gros producteurs de biodéchets.
I. CLASSIFICATION ET HIÉRARCHISATION DES DÉCHETS
Pour reprendre le principe de la hiérarchisation de la gestion des déchets, le titre du chapitre Ier du titre IV du livre V du Code de l'environnement intitulé « dispositions générales relatives à l'élimination des déchets » devient « dispositions générales relatives à la prévention et à la gestion des déchets ». L'élimination n'est en effet qu'une voie de traitement possible et relève d'un bloc plus vaste correspondant à la gestion. La distinction entre déchets dangereux ou non dangereux éclipse les désignations considérées comme obsolètes, par exemple celle des déchets industriels spéciaux (DIS). Les textes reposent désormais principalement sur une approche du classement des déchets en fonction de leur nature intrinsèque et de leur dangerosité, et non plus en fonction de leur provenance, que ce soit un ménage ou un industriel. L'article R. 541-8 fournit la définition des déchets dangereux, ainsi que par la négative celle des déchets non dangereux. Les critères et méthodes d'évaluation des propriétés de dangers énumérées à l'annexe I à l'article R. 541-8 seront désormais fixés par arrêté du ministre de l'Ecologie sans l'avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le déclassement de déchets dangereux en déchets non dangereux ne pourra se faire par dilution en vue d'une diminution des concentrations initiales en substances dangereuses sous les seuils définissant le caractère dangereux d'un déchet, ajoute le décret. L'article R. 541-8 fournit également une définition des déchets ménagers et par la négative de celle des déchets d'activités économiques, ainsi qu'une définition des déchets inertes.
II. BIODÉCHETS
L'article R. 541-8 définit enfin la catégorie des biodéchets qui comprend « tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires ». Le décret insère (au chapitre 3 du titre IV du livre V) une section 13 consacrée aux biodéchets ainsi définis. Le texte définit les modalités de tri et de collecte séparée pour les producteurs professionnels de biodéchets qui produisent des quantités de biodéchets ou d'huile alimentaire supérieures aux seuils fixés par arrêté du ministre l'Ecologie pour ces deux catégories de déchets, à l'exception des installations de traitement de déchets et des ménages. Cette obligation qui rentrera en vigueur progressivement entre 2012 et 2016 concernera les secteurs d'activité suivants : commerce alimentaire, restauration collective, entretien des espaces verts et industrie agroalimentaire.
A compter du 1er janvier 2012, les producteurs ou détenteurs de quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets seront tenus de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou, lorsqu'elle n'est pas effectuée par un tiers, une collecte sélective de ces déchets pour en permettre la valorisation de la matière de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol. Sont considérés comme étant composés majoritairement de biodéchets, les déchets dans lesquels la masse de biodéchets « représente plus de 50% de la masse de déchets considérés, une fois exclus les déchets d'emballages », précise le décret (R. 543-225). Un arrêté du 12 juillet 2011 fixe les seuils à partir desquels les professionnels sont considérés comme producteurs ou détenteurs « d'une quantité importante de biodéchets » au sens de l'article L. 541-21-1. Du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 inclus, le seuil est ainsi fixé à 120 tonnes de biodéchets par an (et à 1 500 litres par an pour les déchets d'huiles alimentaires) ; du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 inclus à 80 t/an (ou 600 litres/an) ; du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 inclus à 40 t/an (300 litres/an) ; du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 inclus à 20 t/an (ou 150 litres/an) ; à partir du 1er janvier 2016 à 10 t/an (ou 60 litres/an). Les professionnels justifient de leur situation au regard de ces seuils soit sur la base de pesées ou de mesures volumétriques, soit sur la base de ratios de production, estimés au regard de l'activité ou des équipements de gestion mis en place, ajoute l'arrêté.
Le décret exclut de ce dispositif les sous-produits animaux des catégories 1 et 2, les biodéchets contenant une fraction crue de viande ou de poisson, les biodéchets liquides autres que les huiles alimentaires, ainsi que les déchets de taille ou d'élagage de végétaux lorsqu'ils font l'objet d'une valorisation énergétique.
III. NOUVEAUX PLANS DÉPARTEMENTAUX
Les « plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés » laissent la place aux « plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux ». Le décret introduit un programme de prévention, renforce les objectifs et les indicateurs sur le recyclage et la valorisation, prend en compte les déchets issus des catastrophes naturelles, améliore leur suivi permanent et prévoit leur évaluation tous les 6 ans. Les articles R. 541-13 à R. 541-15 définissent ainsi les conditions d'élaboration des plans départementaux (ou interdépartementaux) de prévention et de gestion des déchets non dangereux qui excluent les déchets issus du BTP couverts par des plans spécifiques. L'Ile-de-France est quant à elle couverte par un plan régional. Les plans départementaux comprennent un diagnostic de la façon dont s'organise le département pour gérer et traiter tous les flux de déchets. Recensement des acteurs clés et des EPCI de collecte et/ou traitement, inventaire des installations existantes, modalités de gestion en place : cet état des lieux sera approfondi. A ce diagnostic s'ajoute un programme de prévention, plus intégré qu'auparavant, afin que les deux démarches soient d'autant mieux coordonnées. Y figurent les objectifs et priorités fixés, ainsi que l'architecture du dispositif de suivi et d'évaluation. Pour être correctement appréhendé de tous, il tiendra compte de la nécessité qu'il y a à informer et communiquer sur son rôle et son suivi. Le plan départemental propose une planification de la gestion mise en place intégrant un volet prospectif des quantités de déchets qui seront à traiter dans 6 et 12 ans (contre 5 et 10 avant). Cet inventaire prévoit les types et capacités d'installations à créer et précise l'organisation à déployer en cas d'incident ou de catastrophe naturelle.
Le décret précise ainsi les objectifs assignés, qui doivent désormais comporter « un inventaire prospectif à horizon de six ans et à horizon de douze ans des quantités de déchets non dangereux à traiter selon leur origine et leur type en intégrant les mesures de prévention et les évolutions démographiques et économiques prévisibles ». Les plans doivent en outre intégrer des objectifs de réduction de la production de déchets et des objectifs de recyclage et fixer une limite aux capacités d'incinération et stockage. Ils doivent en particulier fixer les objectifs et les indicateurs relatifs aux mesures de tri à la source, de collecte séparée, notamment des biodéchets, et de valorisation des déchets. La capacité annuelle d'incinération et de stockage sera limitée à 60 % des déchets non dangereux produits dans chaque département.
Les dérogations à la hiérarchie des modes de traitement des déchets devront être justifiées « compte tenu des effets globaux sur l'environnement et la santé humaine, de la faisabilité technique et de la viabilité économique ». L'élaboration du plan et sa révision font l'objet d'une évaluation environnementale. Le décret modifie la composition de la commission consultative d'élaboration et de suivi prévue à l'article R. 541-18, qui comprend notamment désormais le président du conseil régional et le directeur de l'agence régionale de santé. Dans le cas où le plan est interdépartemental, il est établi une seule commission consultative dont la composition est également précisée. Le projet de plan est désormais soumis aux groupements compétents en matière de déchets et, lorsqu'elles n'appartiennent pas à un tel groupement aux communes concernées par ce plan ainsi qu'aux conseils régionaux de la zone du plan. Accompagné du rapport environnemental, il est par la suite soumis à enquête publique. Tous les 6 ans, ce plan doit être évalué et donner lieu à un bilan complet en fonction des indicateurs suivis. Le décret précise la procédure d'évaluation et de révision. Les articles R. 541-29 et suivants reprennent la même articulation pour les plans régionaux (ou interrégionaux) de prévention et de gestion des déchets dangereux.
IV. CRÉATION D'UN PLAN DE GESTION DES DÉCHETS DU BTP
La loi Grenelle 2 a rendu obligatoires les plans départementaux (ou interdépartementaux) de gestion des déchets issus de chantiers BTP. La région Ile-de-France étant quant à elle couverte par un plan régional. Les textes consacrent ainsi une planification issue d'une démarche volontaire. L'enjeu est considérable, dans la mesure où les déchets de chantiers de bâtiment et de travaux publics représentent chaque année, selon le ministère de l'Ecologie, 245 millions de tonnes de déchets. Le décret fixe les objectifs, le contenu et les modalités d'élaboration, d'évaluation et de révision de ces plans (articles R. 541-41-1 et suivants), qui seront élaborés par les conseils généraux, en reprenant une structure identique à celle retenue pour les plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux et dangereux.
V. COLLECTE SÉPARÉE
Le décret du 11 juillet définit les mesures réglementaires nécessaires pour parachever la transposition de la directive-cadre du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui instaure une nouvelle hiérarchie dans les modes de traitement des déchets et impose la collecte séparée des déchets valorisables, « pour autant que cela soit réalisable d'un point de vue technique, environnemental et économique » (art. L. 541-21-2). Le décret s'intéresse à cet égard aux différentes catégories de déchets ou de produits. Il introduit ainsi certaines modifications aux dispositions relatives à la filière des huiles usagées ou aux substances dites PCB. Il précise en outre la définition d'emballages» et de «déchets d'emballages» (R. 543-43), ainsi que le contenu du cahier des charges des éco-organismes agréés dans le cadre de la filière des déchets d'emballages ménagers. Ce document fixe notamment « les bases des versements opérés par l'organisme agréé en vue d'assurer aux collectivités territoriales une prise en charge des coûts de collecte, de tri et de traitement à hauteur de 80% des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé » (R. 543-58-1). Le décret s'intéresse enfin à la filière des déchets de piles et d'accumulateurs (R. 543-124), dont ceux des automobiles (R. 543-129-1), à celle des déchets de pneumatiques (R. 543-137) ainsi qu'à celles des déchets d'équipements électriques ou électroniques ménagers (R. 543-180) et des déchets de produits textiles d'habillement, de chaussures ou de linge de maison destinés aux ménages (R. 543-214).
S'agissant des installations du stockage de déchets inertes, le décret précise que l'autorité titulaire du pouvoir de police est le préfet (R. 541-65-1). Il modifie par ailleurs la teneur du dossier de demande d'autorisation d'exploitation d'une telle installation, qui doit désormais comprendre, le cas échéant, l'évaluation des incidences Natura 2000.
Le décret modifie les dispositions relatives à la tenue des registres par chaque intervenant dans la chaîne de traitement des déchets. Il modifie également les dispositions relatives au transport, au négoce et au courtage. Le décret précise par ailleurs les dispositions nécessaires à l'application du règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts transfrontaliers de déchets.
Le présent décret est entré en vigueur le 12 juillet 2011, hormis ses dispositions relatives à la déclaration de certains transporteurs de déchets, aux installations de stockage de déchets inertes et aux garanties financières, qui entreront en vigueur le 1er juillet 2012. Les dispositions concernant la planification de la gestion des déchets en situation exceptionnelle, entreront en vigueur le 1er janvier 2013. A noter enfin, les plans régionaux ou interrégionaux de prévention et de gestion des déchets dangereux ainsi que les plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux en cours d'élaboration demeurent régis par les textes en vigueur avant la publication du décret, dans la limite d'un an.