Mots-clés : Espaces naturels sensibles, droit de préemption Caa Marseille 5 décembre 2013 M. et Mme H n° 13MA00168
Dans une affaire relative à la mise en œuvre du droit de substitution en matière de préemption dans les espaces naturels sensibles, le juge administratif a dû déterminer les conséquences du non-respect par une commune de la priorité donnée au parc naturel régional pour exercer, en lieu et place du département, ce droit de préemption.
1. Considérant que les époux H ont signé un compromis de vente le 11 mai 2011 aux fins d'acquérir deux parcelles cadastrées section CH 11, lieu-dit « Derrière Saint-Jean » et CE 1, lieu-dit « En bas du chemin de Saint-Jean », la vente ayant été réitérée suivant acte authentique du 27 avril 2012 ; que le 8 juillet 2011, le maire de la commune d'Aureille a décidé d'exercer, par substitution du département des Bouches-du-Rhône, le droit de préemption sur ces parcelles ; que, constatant que sa décision n'était pas motivée, le maire l'a retirée le 17 août 2011, et a le même jour exercé à nouveau le même droit de préemption ; que par jugement du 12 novembre 2012, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé la décision du 8 juillet 2011, et, d'autre part, rejeté les conclusions des époux H dirigées contre la décision du 17 août 2011 ; que ceux-ci relèvent appel de ce jugement qu'en tant qu'il a rejeté ces dernières ;
ur la légalité de la décision de préemption du 17 août 2011 :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 142-1 du Code de l'urbanisme : « Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels…, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non (…) » ; que selon les dispositions de l'article L. 142-3 du même code : « Pour la mise en œuvre de la politique prévue à l'article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption (…) / Sur le territoire d'un parc national ou d'un parc naturel régional et dans les réserves naturelles dont la gestion leur est confiée, l'établissement public chargé du parc national ou du parc naturel régional ou, à défaut, la commune peut se substituer au département et, le cas échéant, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, si ceux-ci n'exercent pas leur droit de préemption. Pour un parc naturel régional, l'exercice de ce droit de préemption est subordonné à l'accord explicite du département. Au cas où ni le Conservatoire ni l'établissement public chargé d'un parc national ou d'un parc naturel régional n'est compétent, la commune peut se substituer au département si celui-ci n'exerce pas son droit de préemption (…) » ;
3. Considérant que ces dispositions ont pour effet d'instituer un ordre de priorité dans l'exercice du droit de préemption dévolu en premier lieu au département ; que la commune ne peut ainsi en bénéficier que pour autant que ce dernier et, le cas échéant, l'établissement public chargé du parc national ou du parc naturel régional ou le Conservatoire de l'espace littoral qui seraient compétents en la matière n'ont pas souhaité expressément l'exercer ; que l'absence de respect de cet ordre de priorité a pour effet de rendre incompétent la commune ou l'établissement public qui aurait préempté ;
4. Considérant, en l'espèce, qu'il est constant que la commune d'Aureille se situe sur le territoire du parc naturel des Alpilles, qui a été classé comme parc naturel régional par décret du 30 janvier 2007, et qui a notamment pour objet de protéger, de gérer et de partager un patrimoine naturel, culturel et paysager ; que par courrier du 29 juin 2011, le département des Bouches-du-Rhône a fait connaître à la commune son intention de ne pas faire usage de son droit de préemption et a précisé à celle-ci qu'elle pouvait se substituer à lui ; que, toutefois, ni ce courrier, ni la décision contestée, ni aucune autre pièce du dossier ne permet de considérer que le parc naturel a tout au moins été informé de la renonciation du département et ainsi été mis en mesure de prendre une position sur cette question ; que, par ailleurs, la commune ne peut utilement se prévaloir de ce que le parc n'aurait pas reçu un accord explicite du département pour exercer le droit de préemption alors que, comme il l'a été dit, en toutes hypothèses, il n'est pas établi que ce dernier aurait été informé, par le département, de sa volonté de ne pas faire usage de ce droit et aurait donc demandé un tel accord ; que même si ledit accord est une condition nécessaire à la substitution du parc au département, alors qu'il n'est pas nécessaire s'agissant de la commune, il n'appartenait pas au département de modifier l'ordre de priorité institué par l'article L. 142-3 du Code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que la commune d'Aureille n'était pas compétente pour préempter par substitution du département les parcelles en cause ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme H sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du maire de la commune d'Aureille du 17 août 2011 ; que ce jugement, dans cette limite, et cette décision doivent ainsi être annulés ;
6. Considérant que pour l'application de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire également à l'annulation de la décision contestée ;