Rendre ses voisins jaloux. Pas avec la dernière voiture à la mode, mais grâce à la rénovation énergétique de sa maison. Inimaginable ? Pas aux Pays-Bas où on vous propose une rénovation à énergie zéro garantie sur trente ans, un chantier en site occupé rapide et peu intrusif, le choix du rendu esthétique de l’isolation par l’extérieur réalisée avec des éléments préfabriqués… En prime, on est à l’écoute de vos besoins et envies et on vous offre la rénovation de votre cuisine ou de votre salle de bains ! Un modèle déclinable en France où le marché de la rénovation énergétique ne décolle toujours pas ?C’est le pari de la société Greenflex missionnée par l’Europe pour adapter au contexte hexagonal le programme Energiesprong (ou « saut énergétique ») lancé sous l’égide du gouvernement néerlandais. « La stratégie a été de concentrer, pour commencer, les efforts sur une niche : la maison individuelle en logement social. En France, ce marché ne représente que 4 % de la consommation des logements, mais le circuit de décision est beaucoup plus simple que dans le privé », explique Sébastien Delpont, directeur associé chez Greenflex. L’objectif est bien de faire boule de neige, d’enclencher une massification qui, notamment par l’amortissement des outils industriels, conduira à une baisse des coûts. En pays batave, où on s’attaque maintenant aux logements privés, c’est déjà le cas avec un coût global de rénovation qui a chuté de 145?000 euros pour les 100 premières opérations à 70?000 pour les 1?000 suivantes… Tous ces ingrédients bien dosés, la démarche Energiesprong a des chances de faire prendre la mayonnaise de la rénovation énergétique dans le pays. Et devrait a minima montrer aux décideurs qu’il est indispensable, dans ce domaine, de susciter l’envie en jouant sur l’émotion, en proposant un projet global et attractif.Car ni les messages écologiques culpabilisants, ni le registre froid du retour sur investissement ne fonctionnent pour les ménages. « Le confort, l’esthétique, la baisse des mensualités ou la valeur patrimoniale passent avant les questions environnementales. Comme pour vendre des yaourts, il faut savoir adapter son discours aux différents types de ménages pour les séduire », estime Sébastien Delpont, regrettant par ailleurs le manque cruel d’efficacité, par effet d’aubaine notamment, du crédit d’impôt transition énergétique. En 2014, dans la deuxième note de la Fabrique écologique, l’homme tempêtait déjà contre l’instabilité des outils d’incitations publics et de leurs critères d’éligibilité et imaginait une gouvernance collective et une déclinaison locale pour une marque unique, RGE par exemple, derrière laquelle se rangeraient tous les dispositifs, publics ou privés.Pour atteindre son objectif de 500?000 rénovations lourdes par an, le gouvernement mise aussi sur les plateformes de la rénovation énergétique que l’Ademe déploie avec les collectivités. Le ministère du Logement vient d’ailleurs de lancer l’évaluation des premières plateformes afin de promouvoir les modèles les plus performants, comme ceux de Brest métropole océane (guichet unique Tinergie créé dès 2012) ou du service public de l’efficacité énergétique de Picardie. La régie comptait en juillet dernier 1?225 logements à rénover pour 23 millions d’euros de travaux. « Nous proposons un service de tiers-financement et un accompagnement durant cinq ans. Pour convaincre les ménages, nous évoquons surtout la question énergétique, même si nous adaptons le discours en fonction des profils », explique Céline Willierval, responsable communication et marketing territorial de la régie. On se concentre donc ici encore sur l’outil, avant d’approfondir la question essentielle : comment donner envie ? « Du véritable guichet unique à la simple page internet de contact, ces plateformes présentent une grande diversité. Rares sont celles qui génèrent vraiment de la demande », observe Matthieu Paillot, DG de Teksial. La société de conseil détenue par la holding Cogac, filiale d’Engie, parie sur une approche plus offensive en couplant site internet d’accompagnement et offre s’apparentant à du marketing direct, auquel les collectivités sont souvent rétives. « Il faut aller chercher le citoyen, parler de valeur patrimoniale, de transmission et pas d’économies d’énergie quand on rencontre une personne âgée par exemple. On peut également cibler une campagne sur un lotissement, lancer une opération d’isolation des combles perdus... », imagine Matthieu Paillot, pour qui il faudrait redéployer localement les crédits utilisés dans des campagnes nationales trop homogènes. Via le site d’accompagnement www.monexpert-isolation.fr, Teksial s’adresse aussi directement aux particuliers. Izigloo.com, Rénovation Plaisir Énergie, HelloArtisan.com, travaux-et-renovation.fr, etc., certaines jeunes pousses parient d’ailleurs sur la mise en relation directe entre clients et artisans. Une « uberisation » – inéluctable ? – de la rénovation énergétique qui effraie nombre de professionnels s’attendant à voir débouler Google, Amazon ou une autre plateforme américaine, mais qui aurait le mérite de faire rapidement bouger les lignes. Fabian Tubiana