Vous livrez votre première opération en octobre à Ris-Orangis, dans l’Essonne. En quoi se distingue-t-elle ?Il s’agit du plus grand bâtiment résidentiel par son nombre de logements construits en bois massif CLT, ou bois lamellé contrecroise?, d’Europe. Ce programme baptisé Quai de la Borde a obtenu la certification Bâtiment bio-sourcé de niveau 3. Cerqual l’a également labellisé Bâtiment bas carbone, la certification tierce partie créée par l’association BBCA dont nous sommes un des membres fondateurs. Ce bâtiment de 8?880 m² compte 140 logements pour une consommation prévisionnelle de niveau RT 2012 -30 %. Il a été conçu par le cabinet Wilmotte et associés et bâti par le groupement constitué par Eiffage et Mathis. Nous l’avons vendu à Immobilière 3F au prix du marché. Nous avons en effet conclu fin 2014 un partenariat avec le bailleur social pour développer de tels bâtiments, écologiques et bas carbone. Woodeum-Promicea s’affiche comme « le premier promoteur de logements collectifs en bois massif ». Le marché est-il prêt ?Oui, le marché est mûr pour ce type de bâtiment. La société a généré un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros en 2015, que nous espérons bien doubler cette année. Nous avons plus de 1?000 logements, soit une douzaine d’opérations, dans notre portefeuille : 23 à Issy-les-Moulineaux (92), 48 à Saint-Ouen (93)… Nous avons également un projet d’hôtel de 230 chambres à Gentilly (94) et nous accompagnons Eiffage pour la tour Hypérion de Bordeaux. Il existe un réel engouement de la part des particuliers, un vrai capital sympathie autour du bois. Les ventes se déroulent avec succès, les investisseurs nous suivent, et nous sentons bien que villes et aménageurs sont convaincus des bienfaits de la construction en bois massif. Vous étiez auparavant membre du comité de direction de Sodearif, au sein du groupe Bouygues. Pourquoi avoir rejoint l’aventure Promicea ?Précisions d’abord que Woodeum-Promicea, société spécialiste du CLT, a été fondée par Guillaume Poitrinal et Philippe Zivkovic qui se partagent l’actionnariat. J’ai rencontré les deux hommes fin 2013 et j’ai eu un authentique coup de cœur pour ce projet assis sur une véritable conviction scientifique. Cette volonté de mêler écologie et innovation m’a vraiment emballé. Le fait aussi de revenir aux fondamentaux, de se poser la question : avec quels matériaux faut-il construire… ? Le bois lamellé contrecroise? se prête par ailleurs tant à l’immobilier d’entreprise qu’au logement avec une mise en œuvre bluffante, rapide et sans bruit. Des propriétés qui sont également précieuses pour améliorer l’acceptabilité des projets. Quels sont les autres avantages du CLT ? C’est d’abord un matériau bio-sourcé et recyclable qui stocke du carbone au lieu d’en émettre. Le bois massif est aussi quinze fois plus isolant que le béton. La performance thermique des bâtiments est ainsi supérieure, se traduisant par des économies de charges pour les usagers. Sa moindre inertie ne constitue pas un problème : avec une bonne enveloppe, le bâtiment ne monte pas vite en température. Grâce à la préfabrication, le gros-œuvre est deux fois plus rapide et le chantier, sec, génère moins de déchets et de poussières. Cinq fois plus léger que le béton, le CLT permet de réaliser des opérations innovantes, du franchissement de voirie par exemple, comme Woodeum a pu l’illustrer sur le projet Réinventer Paris de la porte des Ternes. De manière générale, la conception en CLT n’est pas plus compliquée, juste différente. Il faut en particulier veiller à prendre en compte les aspects logistiques en amont. Nous accompagnons de toute façon les architectes qui ne connaissent pas le produit. La construction en elle-même coûte jusqu’à 5 % plus cher. Mais cela demeure indolore pour l’acheteur car ce surcoût s’amortit à l’échelle d’une opération immobilière, principalement en raison des gains de temps sur chantier.Quel potentiel d’innovation le CLT présente-t-il encore ?Nous avons beaucoup travaillé sur les performances acoustiques, mais il subsiste des marges de progrès pour réduire encore l’épaisseur des planchers notamment. Nous menons ainsi des recherches en relation avec le Centre scientifique et technique du bâtiment et des certificateurs pour mettre en place des complexes de planchers pour les bureaux et les logements. Il nous reste aussi à innover sur des systèmes de façade à accrocher au bois. Et nous visons des performances thermiques de plus en plus élevées, avec toujours en tête cet objectif bas carbone pour la construction et l’exploitation. Propos recueillis par Fabian Tubiana
