En cette semaine d’entre deux tours des élections municipales, le président et cofondateur d’Ecovégétal, Pierre Georgel, revient sur l’importance de construire des sols perméables, pour permettre l’évapotranspiration des eaux de pluie et le rafraîchissement urbain.
Notre récent sondage Opinionway le prouve. Les attentes en matière de réchauffement climatique sont au centre des débats. Les canicules et les inondations, des phénomènes aggravés par le changement climatique, seront toujours plus fréquentes, toujours plus violentes provoquant toujours plus de pertes de vie humaines et de dégâts. Résister aux solutions coûteuse n’est pas si difficile que ça !
Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut aussi résister aux solutions coûteuses et inefficaces qui traitent un petit bout de la chaîne sans penser "cycle de l’eau" dans sa globalité. Ajouter des bassins de rétention en amont des rivières dangereuses ne limitera pas les dégâts des inondations si l’on continue à artificialiser les sols en aval. Mettre la clim’ partout ne règlera pas le problème des îlots de chaleur urbains l’été. La première chose à faire pour les nouveaux élus sera donc d’éviter les fausses bonnes idées. Et surtout, de s’émerveiller de la puissance d’un phénomène particulier de la nature.
L’évapotranspiration
Qu’ils prennent juste quelques minutes pour le comprendre. Ce phénomène fascinant possède une puissance incroyable pour "capter" les eaux de pluies et rafraichir les villes, comme si la nature avait prévu depuis toujours la trousse de secours pour réparer l’erreur humaine. Le premier réflexe d’une goutte d’eau qui tombe au sol est en effet de chercher à s’évaporer. C’est plus facile pour elle que de ruisseler. Pour cela, elle adore être piégée par des végétaux qui vont la retenir, s’en nourrir et la “re-transpirer” ensuite, quelques heures plus tard.
Avec, à ce moment-là un effet de levier très puissant : quand la plante transpire la goutte d’eau, celle-ci, va utiliser l’énergie disponible sur place pour s’évaporer. L’évaporation va ainsi consommer des calories et, comme le fait un climatiseur, rafraîchir l’ambiance. Un tilleul adulte transpire 600 litres/ jour, l’été.
L’eau captée pendant les orages, restituée quand il fait trop chaud
Autant d’eau que l’arbre aura besoin de capter au premier orage. Or, un tilleul adulte représente une surface de feuilles (surface développée) bien supérieure à celle de sa seule ombre portée au sol. Plus il développe de surface, plus il capte d’eau, mieux il peut restituer de la fraîcheur.
Une grande surface développée pour capter des centaines de litres d’eau et les stocker dans le végétal, ce sont précisément des centaines de litres d’eau qui ne ruisselleront pas pour boucher les égouts et foncer vers les fleuves en emportant les polluants. Autant de dégâts en moins causés par l’orage et autant litres d’eau qui rafraîchiront, lors de la canicule du lendemain, les passants.
Une étude menée en 2002-2003 a prouvé qu’il suffisait de végétaliser seulement 6% des toits de Toronto pour réduire la température dans cette métropole de 1 à 2°C, l’été. Ces chiffres sont considérables.
Règles d’urbanisme
Comment intégrer la puissance de ce phénomène dans les règles d’urbanisme ? Tout simplement en ne traitant plus l’eau comme un nuisible. Arrêtons de diriger l’eau de pluie vers des tuyaux toujours plus gros, de la retenir tout en "bétonnant" les espaces en amont. Le jour où les tuyaux se révèlent trop étroits tout le monde se retrouve les pieds dans l’eau.
On sait désormais faire des sols qui absorbent la totalité de l’eau qui tombe, sans créer de boue, ni de ruissellement et avec une évapotranspiration maximale.
Vers de nouveaux Indicateurs de performance ?
Voilà pourquoi je plaide depuis plusieurs années pour que les règles d’urbanisme évoluent vers ce mode de raisonnement. Exiger des bâtiments qu’ils soient dotés d’un % d’espace vert consiste à geler de la surface au sol, très chère. Exigeons plutôt des projets bâtis des performances en matière de coefficient de ruissellement (minimum, voire nul) et d’évapo-transpiration (maximum).
Exigeons également des coefficients de compensation intelligents. Il faut raisonner “surface développée”, comme notre tilleul de tout à l’heure. Pour un mètre carré pris au sol, il faut restituer au moins X mètre(s) carré(s) en surface végétale développée sous la forme de toitures et balcons végétalisés, de parkings engazonnés, etc. Définir ce X doit devenir la responsabilité majeure du nouvel élu. Un vrai levier pour que tout projet urbain se transforme en climatiseur. Pardon, évapotranspirateur.
Voilà autant de solutions concrètes à mettre en place pour que le cycle de l’eau ne soit plus subi mais vécu comme une délivrance.
Pierre Georgel, président et cofondateur d'Ecovégétal