Accueil > Actualités > Territoires > [Tribune] Seul un rehaussement de l’ambition du dispositif des CEE nous permettra d’atteindre nos objectifs de neutralité carbone !
Frank Annamayer, président de Sonergia. Crédit : Sonergia
La crise qui avait été perçue dans un premier temps, comme une opportunité pour les particuliers confinés ou en télétravail de prendre soin de leur logement, a suscité un tel engouement pour la rénovation énergétique, qu’elle a précipité la chute du secteur. Avec plus de 25 % de baisse du cours des Certificats d’économies d’énergie (CEE), les acteurs du secteur sont financièrement mis à mal alors que nous entrons de plein pied dans la 5e période des CEE. Frank Annamayer, président de Sonergia, expose les enjeux et les difficultés liés à cette baisse.
Quand on parle de rénovation énergétique, la question du financement émerge rapidement. Si la conviction de réaliser des travaux pour gagner en confort et faire des économies sur sa facture est désormais majoritairement acquise, le passage à l’acte n’est toujours pas systématique. Le déploiement de MaPrimeRénov’ en 2021 et des guichets France Rénov’ au 1er janvier 2022 vont simplifier le parcours pour les ménages mais le sujet reste complexe, notamment quand il est question d’argent.
Bien que premier mécanisme de financement de la rénovation énergétique, avec plus de 3 Mds d’euros en 2022 quand MaPrimeRénov est évaluée à 2 milliards d’euros, les Certificats d’économies d’énergie (CEE) restent encore un mécanisme peu connu et mal appréhendé, alors même que tous les Français y sont éligibles et que ces deux aides financières sont cumulables.
Pour autant, de nombreux ménages ont pu bénéficier ces dernières années des dispositifs dits « Coups de pouce » permettant de bonifier les primes CEE versées et de limiter le reste à charge sur les travaux. Si cette initiative peut être saluée, elle a eu un effet inflationniste sur le nombre de CEE produits, se répercutant directement sur le montant de la prime versée au bénéficiaire.
Des freins à la dynamique de la rénovation énergétique
Le mécanisme des CEE est en effet dicté par une obligation de production par période. La 5ème période (P5) s’est ouverte le 1er janvier 2022 avec une obligation s’établissant à 2500 TWh cumac. Bien que revue à la hausse, cette augmentation est limitée car elle ne représente que 17 % par rapport à la 4ème période (P4). Il y a donc là clairement une marge de manœuvre, surtout lorsque l’on sait que la convention citoyenne appelait … au double !
Un re questionnement de l’objectif semble d’autant plus pertinent qu’en fin de 4° période, un stock de près de 7 mois de production de CEE a été pointé. Beaucoup de CEE produits donc, un prix qui s’effondre, une obligation qui apparaît peu ambitieuse même s’il sera plus difficile de produire des CEE en 5° période du fait de l’arrêt de certains coups de pouce et des bonifications ; autant de signaux négatifs qui freinent la dynamique de la rénovation énergétique dans les bâtiments mais également de décarbonation dans l’industrie couvert par les CEE, alors même que la massification est de mise.
Une solution de premier choix
Alors que faire pour à la fois répondre aux ambitions de rénovation, accompagner les Français et permettre aux acteurs du marché d’exercer dans de bonnes conditions sans que cela se fasse au détriment de la qualité ? L’idée n’étant bien entendu pas de freiner les ménages ou tout autre acteur dans leurs ambitions de rénovation énergétique, bien au contraire ! Ce mouvement de massification de la rénovation doit être encouragé et salué car c’est en partie grâce à cette dynamique que nous atteindrons l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le volume des obligations de CEE en 5° période a été défini en amont du rehaussement de l’ambition européenne d’économie d’énergie dans le Paquet Fit For 55. Revoir à la hausse le volume d’obligations de CEE pour la 5ème période apparaît donc comme une solution de premier choix pour redynamiser le marché et redonner visibilité et confiance aux acteurs.
Si la politique de rationalisation de production des CEE proposée par le gouvernement, de transparence et de contrôles renforcés était nécessaire et doit être saluée, elle n’est cependant pas suffisante pour répondre à l’atteinte de nos objectifs communs en termes d’efficacité énergétique et de neutralité carbone. Par ailleurs et alors que les prix de l’énergie continuent de s’envoler, il paraît plus que jamais pertinent d’investir dans les économies d’énergie pour limiter la demande et donc la production nécessaire. Le temps semble venu pour mettre sur la table le rehaussement de l’objectif P5, sans quoi le retard pris sur la réalisation des travaux de rénovation énergétique et la limitation de nos émissions de C02 risquent de devenir irrattrapables.