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Accueil > Actualités > Biodiversité > La foresterie mena ce-t-elle la forêt ?
BIODIVERSITÉ

La foresterie mena ce-t-elle la forêt ?

PUBLIÉ LE 1er MARS 2011
LA RÉDACTION
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Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
2011, Année internationale de la forêt. Année cruciale pour la forêt française, puisque les négociations engagées dans le cadre du prochain protocole d'accord entre l'État et l'Office national des forêts (ONF), qui définit les orientations en matière de gestion forestière, va être signé pour la période 2012-2016. L'objectif est de répondre à la demande accrue de bois, aussi bien pour la construction que pour l'énergie. Ce protocole devrait être dans la droite ligne d'un accord signé le 18 septembre 2007 entre France nature environnement ( FNE), l'ONF, la Fédération nationale des communes forestières ( FNCofor) et Forestiers privés de France ( FPF). Conclu à la suite du Grenelle de l'environnement, il vise à « produire plus de bois tout en préservant mieux la biodiversité ». L'objectif est assez consensuel, puisque le bois est un moyen de choix pour lutter contre le changement climatique. Dans la construction et l'ameublement, il constitue un stock de CO2 contrairement aux matériaux comme le béton, les métaux ou les plastiques, dont la fabrication est polluante. Sous forme de bois-énergie, il évite le recours au gaz, au fioul ou au charbon. Mais cet objectif est-il tenable ? Pour les professionnels de la filière, oui, à condition de revoir notre vision de la forêt. Ils réclament des plantations massives de résineux pour « mieux adapter l'offre à la demande », car « nous ne ferons pas une filière bois avec une forêt multifonctionnelle »1. Pour eux, une forêt incapable de fournir du bois est une « forêt fictive ». Secondaires, donc, les autres rôles des espaces boisés en matière de biodiversité, d'épuration de l'eau, d'accueil du public, de préservation du paysage... Une vision qui s'oppose clairement à celle des associations, mais aussi de l'ONF, puisque le rapport publié le 20 octobre dernier par son président, Hervé Gaymard, tranche clairement en faveur d'une forêt multifonctionnelle. Ce que souhaite aussi la filière bois, c'est changer de pratiques. Par tradition, la France encourage la gestion des forêts par régénération naturelle : on laisse pousser les arbres qui ont germé naturellement, et on éclaircit. Une méthode assurant le développement d'essences diverses. D'autres pays, comme l'Allemagne, préfèrent la gestion par plantation d'espèces. Ce système, qui a bien sûr la préférence des pépiniéristes car ils peuvent ainsi vendre leurs plants, favorise des forêts plus homogènes, mais souvent moins riches en biodiversité. Au coeur de la polémique sur le « produire plus » se trouve aussi l'estimation de la quantité de bois « mobilisable ». Les chiffres de l'inventaire forestier national montrent qu'on ne récolte pas la totalité de l'accroissement des forêts : 20 millions de mètres cubes chaque année. Pour la filière bois comme pour le gouvernement, il faut le récolter en totalité. « Ce sont 21 millions de mètres cubes de bois supplémentaires qu'il faudra sortir de nos forêts d'ici à 2020 ! » s'exclame le chef de l'État à Urmatt, en Alsace, lorsqu'il visite en mai 2009 une scierie. Mais tout ce bois est-il récoltable ? Clairement, non. « Dans les forêts domaniales, nous avons 35 000 hectares de réserves intégrales, non exploitables, ainsi que des zones difficilement accessibles, surtout en montagne, où la récolte n'est pas possible économiquement, indique Bernard Gamblin, directeur technique et commercial du bois à l'ONF. Pour ce qui est des forêts communales, une partie de la ressource supplémentaire vient de parcelles pauvres en bois de valeur, qu'il faut donc laisser pousser. » En fait, 80 % des volumes supplémentaires à récolter se cachent dans les forêts privées, morcelées et donc coûteuses à exploiter. « Si l'on s'intéresse au bois facilement exploitable, proche des pistes forestières, la ressource mobilisable est à peine suffisante pour répondre à la demande », estime Éric Lacombe, professeur à l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts ( Engref). Exploiter du bois pour les filières naissantes, comme le bois-énergie, implique d'améliorer les conditions d'accès. La crainte est donc grande que les forêts publiques situées en plaines, les mieux équipées, soient davantage mises à contribution. « Dans certaines régions, comme en Normandie, on prélève déjà plus que l'accroissement naturel, avertit François Lefèvre, pilote du réseau forêt à FNE. La tentation est grande de spécialiser les espaces : telle forêt bien desservie servira à la production de bois, telle autre à la biodiversité. Ce n'est pas la bonne méthode. La forêt doit être multifonctionnelle. La biodiversité est utile pour produire plus à long terme. Par exemple, laisser un arbre mort permet d'abriter des oiseaux qui mangent les chenilles qui attaquent les arbres. » Un avis que partage Jacques Le Héricy, directeur du développement durable à l'ONF. « Les forêts remarquables sont déjà préservées, rappelle-t-il. L'enjeu principal aujourd'hui, c'est la biodiversité des forêts "ordinaires". Pour cela, nous nous sommes dotés de cahiers des charges qui s'imposent à nos partenaires. » C'est donc essentiellement en mobilisant la forêt privée que l'on parviendra à produire plus de bois. Plus facile à dire qu'à faire : la majorité des propriétaires possèdent de toutes petites parcelles et ne connaissent rien à la gestion forestière. Pire, certains ne savent même pas qu'ils possèdent un bois. Or, bien gérer une forêt, ce n'est pas la laisser à l'abandon. « Certains propriétaires ont tendance à laisser s'accumuler les arbres, mais ce n'est pas bon : la forêt devient très dense et peu de lumière pénètre. Lorsque les arbres tombent, par exemple lors d'une tempête, le sol reste à nu, explique Éric Lacombe. Les forêts irrégulières et ouvertes (peu denses, ndlr) préparent mieux l'avenir. » Mais comment pousser les propriétaires privés à exploiter leurs forêts ? En les réunissant. C'est ce que fait Gilles Martinez, chargé de mission au Centre régional de la propriété forestière de la région Paca. Dans les Alpes-de-Haute-Provence (04) et le Vaucluse (84), la forêt gagne dans l'arrière-pays, une conséquence de la déprise agricole. Au point de devenir une gêne : les espaces se referment, les paysages s'uniformisent, les risques d'incendie augmentent, les pâturages disparaissent... « Mon rôle est d'identifier et de rassembler des propriétaires au sein d'une structure, par exemple une association, afin d'élaborer un plan de gestion concertée et multifonctionnel, pour des massifs d'environ 1 000 hectares, sur dix à vingt ans, explique Gilles Martinez. Puis de contractualiser la vente des coupes avec les acteurs locaux de la filière. Nous avons mis en place un approvisionnement pérenne pour la chaudière collective de la communauté de communes du pays de Forcalquier. Cette méthode - d'abord développer la gestion, puis l'insérer dans la demande locale - est menée sur tout le territoire dont j'ai la charge. Nous pratiquons aussi l'assistance à maîtrise d'ouvrage, pour aider les collectivités à définir la qualité des combustibles souhaitée. » Les communes forestières ne sont pas en reste. « Nous avons créé une association, France-Forêt, en partenariat avec la forêt privée, afin de regrouper l'offre publique et privée pour que les exploitants puissent acheter des coupes de taille suffisante », indique Alain Lesturgez, secrétaire général de la FNCofor. Mais d'autres solutions existent pour mobiliser le bois privé, à l'instar de celle imaginée par Vincent Arnaud, gérant de Financière de Champlain. « Nous proposons à des particuliers d'investir dans une forêt gérée durablement, en régénération naturelle, avec la mise en oeuvre de la certification FSC. Nous avons levé 2,5 millions d'euros l'an dernier auprès de 340 actionnaires, ce qui va nous permettre d'acquérir 500 hectares de forêts, et nous envisageons une augmentation de capital du même montant en 2011. Nous nous sommes associés au cabinet Couderc, expert forestier depuis plus de cent ans, pour acquérir des forêts correspondant à nos critères environnementaux et économiques. Nous prévoyons des contrats d'approvisionnement avec les acteurs locaux du bois (scieries...). L'idée est de sécuriser l'approvisionnement de la filière, à un moment où la demande croît : le marché des maisons en bois a été multiplié par trois entre 2000 et 2008. » Reste que la ressource est limitée, et que le bois doit être utilisé le plus efficacement possible. Cela signifie notamment de refuser les centrales thermiques au bois sans cogénération, et d'encourager au maximum les usages locaux (par exemple une chaufferie collective au bois). Certains souhaiteraient consacrer des forêts uniquement au bois-énergie, au grand dam des associations. « Ce n'est pas en multipliant les plantations à croissance rapide qu'on développera le bois-énergie, estime Sylvain Angerand, chargé de campagne pour la protection des forêts aux Amis de la Terre. C'est en favorisant le bois d'oeuvre, car il produit 40 % de déchets utilisés pour les panneaux de particules et l'énergie. » Utiliser le bois efficacement ne veut pas dire tout récolter : il faut éviter de récupérer les rémanents (branchages, feuilles) qui renferment la majorité des minéraux, dont le retour au sol est impératif. Pour une production de bois équivalente, le mode d'exploitation du bois peut être plus ou moins respectueux des autres usages de la forêt. Par exemple, les engins d'exploitation tassent le sol, un inconvénient pour les sols les plus fragiles, limoneux ou argileux, pour lesquels le compactage peut avoir des conséquences pendant trente à cinquante ans. Le sol tassé, plus imperméable, favorise l'accumulation d'eau (donc les maladies) et gêne le développement des racines. Il faut avant tout bien organiser l'exploitation, afin que les engins passent le plus possible au même endroit. Mais avec le développement de la mécanisation, on en est presque à amener les machines au pied de chaque arbre ! « Le travail des bûcherons est pénible et dangereux, rappelle Bernard Gamblin. La mécanisation est donc indispensable si l'on veut augmenter les récoltes, mais nous luttons contre la tendance du marché européen à proposer du matériel toujours plus gros. » De techniques respectueuses de l'environnement sont aisément déployables : huile biologique pour tronçonneuses, pneus moins nocifs pour le sol, kits de franchissement de cours d'eau... Reste la question cruciale, l'aspect financier. Côté privé, les propriétaires n'exploiteront leurs forêts que si c'est rentable (ou, du moins, si ça ne leur coûte rien). L'augmentation de la production de bois passe aussi par l'amélioration de la commercialisation des produits forestiers, qui implique une vision à long terme des prix. Il faut donc développer les contrats d'approvisionnement pluriannuels, afin que tous les acteurs aient une visibilité suffisante pour investir et se développer. C'est aussi vrai pour le bois issu de forêts publiques. Il faudra donc changer la tradition qui, en France, fait vendre le bois « au coup par coup ».
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