Ne pas rouvrir Orly et installer des fermes sur les espaces verts de l’aéroport, réaffecter aux mobilités actives et aux jardins des surfaces dévolues à la voiture : le confinement stimule les idées de réappropriation d’une partie de l’espace occupé par les infrastructures. En zone dense francilienne, préserver le végétal et reconquérir des sites dégradés relèvera du vœu pieux sans l’impulsion des documents d’urbanisme. Retour sur l’atelier en ligne organisé par l’Institut Paris Région début avril.
Le cœur de l’Ile-de-France est une terre de mission pour la renaturation. Surtout au sens que lui donnent les écologues, à savoir « la restauration de sols vivants en pleine terre », pose Marc Barra, de l’Agence régionale de la biodiversité. La définition stricte exclut potagers hors-sol, toitures végétalisées, espaces verts d’ornement. « Recréer des sols fonctionnels prend sept à dix ans, pour un coût de 100 à 400 €/m² », développe le chargé de mission économie et biodiversité.
Des gains même en site artificialisé
De 2012 à 2017, 250 ha/an ont été renaturés (1) en Ile-de-France. Une donnée moyennement éclairante, intégrant des opérations sans intérêt écologique (friche végétalisée réduite à un boisement mono-espèce, type peupleraie) et en ignorant d’autres pourtant bénéfiques, comme la conversion de parkings en surfaces engazonnées (13 ha entre 2012 et 2017), non incluses dans la catégorie des espaces naturels agricoles et forestiers.
« Des emprises artificialisées (parcs, jardins, espaces arborés) peuvent héberger des sols de bon niveau de fonctionnalité écologique », assure l’agro-pédologue Xavier Marié. Et, si « les espaces de pleine terre permettent la recharge de nappe, ceux sur dalle permettent l’évapotranspiration », note Sébastien Derieux, à l’Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN).
Débitumage
L’espace alloué au stationnement (818 ha à Paris) et surtout les zones d’activité de la région (28.000 ha) recèlent un fort potentiel de désimperméabilisation, que soutient l’AESN en zone dense (2) pour limiter le flux d’eaux pluviales à acheminer en sous-sol. Noues au centre de routes ou de parkings, bordures de trottoir enherbées, toitures végétalisées ou pieds d’immeuble en pleine terre absorbent « les petites pluies (8-10 mm/24h) soit 80 % des volumes », indique Sébastien Derieux.
Au sein des friches (qui ont fondu de 50 % de 1982 à 2002), Marc Barra distingue celles à désasphalter de celles d’intérêt écologique, qualifiées de « hot spots ». De façon générale, « la biodiversité est trois à quatre fois plus riche sur les sites évoluant spontanément que sur ceux entretenus ».
Zonage et échange de terre
Qu’il s’agisse d’alléger la charge des réseaux d’assainissement, de rafraîchir la ville, d’interconnecter les espaces, d’améliorer la qualité de vie (3), l’écologue souhaite que les documents d’urbanisme s’enrichissent de « zones à renaturer » et d’un coefficient de pleine terre s’imposant à tout projet d’aménagement public ou privé. Préserver de l’espace au sol suppose « le concours de la collectivité, abonde Marie Verrot, chez le promoteur Nexity : bâtir en hauteur réduit la consommation de terre mais se heurte au plafond que fixe le plan local d’urbanisme ».
Xavier Marié défend la systématisation d’un volet agro-pédologique dans les études d’impact, associé à une séquence ERC (éviter, réduire, compenser). Pour le fondateur du cabinet Sol Paysage, « les terres de qualité, excavées en zone périurbaine dans le cadre des chantiers du Grand Paris, sont à mobiliser en site dense, pour créer des sols-éponges qui atténueront le phénomène d’îlot de chaleur ».
(1) : et 840 ha/an artificialisés (2) : 50 % du coût des études ; 40 à 80 €/m² déconnecté du réseau d’assainissement pour les toitures végétalisées (substrat de 8 cm minimum) et 12 à 24 €/m² pour les autres surfaces. (3) : le seuil de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 10 m² d’espace verts publics/hab. n’est pas atteint en petite couronne.