La reprise s’organise depuis une semaine partout en France. Environnement-magazine.fr propose aux professionnels de partager leur organisation, des réflexions sur l’impact du confinement et leur vision de l’après-crise. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Baudouin Vercken, co-fondateur d’EcoTree.
Comment le déconfinement s’organise-t-il dans votre entreprise ?
Au cours du confinement, les forestiers d’EcoTree ont à peine ralenti leur activité. En effet, l’avantage de travailler dans les forêts, c’est qu’on n’y est pas à l’étroit et que les règles de distanciation physique ne sont pas difficiles à appliquer. Et comme nous privilégions les circuits courts et l’économie locale, nos pépiniéristes sont tout près des forêts que nous gérons.
Les forestiers sont donc toujours sur le terrain, ils installent en ce moment des ruches que nous proposons aux entreprises de parrainer.
Pour le reste des équipes, nous favorisons le télétravail, ce qui s’est organisé sans problème dès le début du confinement. Nous avons l’habitude de travailler à distance, une partie de nos équipes étant toute l’année à Brest, une autre à Paris et une autre à Copenhague. Nous avons invité nos collaborateurs à continuer le télétravail autant que possible.
Pour le reste, nous portons avec nos clients cette même volonté de construire un monde plus durable bâti sur de nouvelles bases et il est à peu près certain que le télétravail sera amené à se développer dans la majorité des entreprises, à l’avenir.
Quelles leçons pouvez-vous tirer du confinement concernant l’organisation du travail et de votre entreprise ?
Pour ce qui concerne EcoTree, le confinement a été une période très prolifique. Nous avons tiré le meilleur parti des contraintes que nous avons tous subies, faisant contre mauvaise fortune, bon coeur. Nous avons ainsi pris le temps de miser sur l’innovation. Nos méninges ont été en constante ébullition au cours des deux derniers mois et nous sommes très satisfaits des projets qui en sont nés. Je veux parler de l’installation de ruches dans nos forêts, du développement d’une offre d’e-learning sur les forêts, qui est en cours de préparation, de l’organisation de webinaires à thème qui ont rencontré un franc succès auprès des entreprises, et de nombreux projets d’enrichissement de la biodiversité auxquels nous avons eu le temps de réfléchir.
Par ailleurs, le confinement a soudé les équipes mieux qu’aucun team building ne l’aurait fait. Chacun a pris le temps d’appeler ses collègues, et de nouvelles affinités sont nées, nous avons eu l’opportunité de nous découvrir sous un jour nouveau. Le confinement nous a également montré à quel point la nature et l’homme sont fragiles, nous permettant de relativiser bien des choses et de saisir avec encore plus d’acuité combien il est essentiel de protéger l’environnement. Il a également été source de partage en vue de construire avec d’autres acteurs de l’écosystème un monde plus durable.
Quels seront, selon vous, les impacts de la pandémie sur votre entreprise ?
Nous avons compris que notre rôle était primordial dans les futures luttes qui seront à mener. Bien entendu, EcoTree seule ne sauvera pas le monde. Mais cette contribution que nous apportons à la lutte contre le réchauffement climatique, si petite soit-elle à l’échelle du monde, n’est pas négligeable, parce que nous comptons sur l’effet boule de neige pour entraîner avec nous bien d’autres entreprises. Et plus nous serons nombreux à avoir la conscience éveillée sur ces sujets, plus nous avancerons vite, pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est ce qui nous donne un tel appétit de projets. Nous en avons plein les cartons, il ne reste qu’à les mettre en place.
Dans le monde post-confinement, il n’est pas envisageable que le développement durable soit le dernier poste de dépense, à la fois pour les entreprises et pour l’Etat. Mais chacun a aussi son rôle à jouer à sa juste mesure. Cela peut aller de l’achat d’un arbre à la contribution d’un projet de réhabilitation d’un écosystème particulier. Mais ce peut aussi être l’attention portée sur sa consommation et sur ses habitudes.
Qu’avez-vous hâte de refaire après ce long confinement ?
Deux choses me manquent cruellement : pouvoir retourner me promener dans les forêts, retrouver ce plaisir qu’offre un sentiment de liberté et d’harmonie avec la nature. Sentir l’odeur des pins et des bosquets en fleurs. M’émouvoir des traces laissées par la faune sauvage dans la terre humide. Mais aussi retrouver physiquement l’intégralité de l’équipe d’EcoTree, mes amis et ma famille. Nous avons tous passé beaucoup de temps au téléphone avec nos proches et nos collaborateurs, mais rien ne vaut une vraie rencontre, un verre partagé, une discussion enflammée sur le coin d’un bureau ou le partage d’un café le matin.
Selon-vous, à quoi ressemblera l’après Covid-19 ?
Nous allons entrer dans une nouvelle ère où nous devrons accélérer notre transition écologique. Est-ce que le monde a pris conscience de cela ? Je l’espère. Car il n’est pas envisageable de repartir comme avant, l’air de rien. Les choses changent depuis longtemps et bien des mises en garde nous avaient été adressées, que nous avons plus ou moins ignorées, par confort, par habitude ou par renoncement. La crise sanitaire liée au Covid-19 est un sérieux coup de semonce que nous avons tous senti. Il est temps et urgent de changer notre manière d’être et de faire. Nous devons nous préparer à affronter d’autres catastrophes écologiques et sanitaires. Peut-être n’arriveront-elles pas, mais si c’est le cas, c’est que nous aurons fait tout ce qu’il fallait. Si vis pacem para bellum. L’adage est toujours aussi actuel. Pour éviter un nouveau Covid-19, qui pourrait même être pire, mettons toute notre énergie au développement de la biodiversité, à la réhabilitation des écosystèmes forestiers et marins et réduisons notre impact carbone.
Mais je suis tout à fait optimiste. Le bon sens va reprendre ses droits. Il redeviendra, comme le disait Descartes, la chose la mieux partagée du monde. Nous allons ainsi assister à une relocalisation progressive mais massive de l’industrie et de la production française. Nous allons voir réhabilités les circuits courts, les initiatives solidaires et collaboratives… Toutes ces choses que nous appelons de nos voeux depuis des années mais qui tardaient à se mettre en place, alors que chacun de nous sait qu’elles sont les solutions. Chez l’homme, qui est tout de même un peu paresseux, l’habitude est une seconde nature, et il attend souvent d’être au pied du mur pour en changer. Prenons de nouvelles et bonnes habitudes, ainsi nous pourrons de nouveau paresser sans que les conséquences soient néfastes. J’ai très bon espoir que cela arrive.