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BIODIVERSITÉ

Erwan Le Méné, président d'EcoTree : « Planter des arbres ne suffit pas »

PUBLIÉ LE 29 SEPTEMBRE 2023
PROPOS RECUEILLIS PAR PAULINE FRICOT
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Erwan Le Méné, président d'EcoTree : « Planter des arbres ne suffit pas »
Erwan Le Méné. / Crédits : @EcoTree
Planter des arbres c’est bien, mais le faire correctement, c’est essentiel, plaide Erwan Le Méné, cofondateur du fournisseur de solutions fondées sur la nature, EcoTree. Le président de la start-up déplore des stratégies uniquement centrées sur le captage du CO2, qui font fi des impacts sur la biodiversité et délaissent l’entretien des forêts existantes.

EM :  Emmanuel Macron a déclaré à la rentrée vouloir faire planter un arbre à chaque élève de sixième. Est-ce une bonne nouvelle ?


On réduit souvent la captation du carbone à la plantation d’arbres. Des municipalités décrètent par exemple des journées dédiées, ou lancent des initiatives comme « une naissance = un arbre ». Or, il n’y a jamais eu en France autant de forêts qu’aujourd’hui. Nombre d’entre elles sont cependant mal gérées et nécessitent des investissements. Au sein d’EcoTree nous ne sommes bien sûr pas opposés à la plantation, cela fait partie de notre métier, mais nous soutenons que celle-ci doit être réfléchie et que l’amélioration de la gestion des forêts existantes doit aussi être une priorité. Il faut donc être prudent : ce n’est pas parce qu’il existe une politique de reboisement qu’un projet est « vert ». Ce ne sont parfois que des opérations de verdissement d’image.

De plus, la plantation telle qu’elle est pensée aujourd’hui pose question. Pour capter du carbone, la stratégie consiste surtout à planter des arbres qui grandissent vite, comme les résineux, pour amasser rapidement du CO2. L’épicéa de Sitka est par exemple récolté environ 40 ans après sa plantation. Pour avoir la même masse volumique, il faut environ 100 ans à un chêne ! Le rendement en matière de captage du carbone peut donc aller du simple au double. Par conséquent, les monocultures de résineux sont les plus intéressantes en termes de captation de CO2… mais elles présentent de nombreux autres inconvénients, notamment en matière de biodiversité.
 
EM : C’est-à-dire qu’aujourd’hui le captage carbone est privilégié au détriment de la biodiversité ?

Oui. Ces cultures posent deux problèmes majeurs. D’abord, ces arbres poussent au même rythme : ils sont donc généralement récoltés en même temps, ce qui conduit à des coupes rases qui sont des désastres écologiques. Ensuite, ces forêts sont particulièrement fragiles. Les monocultures de résineux dans l’Est de la France sont par exemple décimées par les scolytes, un insecte qui grignote l’écorce. Dans une forêt gérée durablement, la menace est moindre, puisque ces petites bêtes sont mangées par les oiseaux, qui nichent dans les feuillus. La biodiversité est aussi un rempart contre les incendies : mixer les feuillus et les résineux permet de limiter la propagation des feux.

En somme : planter des arbres ne suffit pas ! En mélangeant les essences, on capte certes moins de CO2 mais on favorise la régénération des sols, on permet à la forêt d’être moins vulnérable aux aléas, aux maladies comme au réchauffement climatique. Notre politique au sein d’EcoTree est de toujours mélanger entre 7 et 8 espèces différentes, adaptées au sol et à la région. Quand on récolte l’épicéa, le chêne continue à pousser. Nous prélevons 10% de la forêt tous les ans. Au bout de 100 ans, toute la forêt a été récoltée, mais il y a toujours des arbres, et donc aucune coupe à blanc. Nous faisons de la captation carbone, mais avec une haute valeur environnementale. C’est une vision à plus long terme.
 
EM : Comment améliorer la prise en compte de la biodiversité ?

Il faut valoriser les projets qui prennent en compte la biodiversité, qui ne sont aujourd’hui pas compétitifs par rapport aux autres. Par exemple, avec 1000 euros, une entreprise pourra compenser plus d’émissions si elle se tourne vers un organisme qui plante des monocultures de résineux. En revanche, les comportements peuvent changer si ces mêmes entreprises peuvent concrètement mettre en avant, aux côtés de la captation carbone, leur impact positif sur la biodiversité.

EcoTree travaille avec d’autres partenaires, comme Carbon 4, aDryada ou l’Organisation for Biodiversity Crédit (OBC)  à l’élaboration de certificats biodiversité, sur le modèle des certificats carbone. Nous avons proposé une première méthodologie, qui doit être portée devant différentes instances européennes et étatiques pour être reconnues. C’est un travail de longue haleine ! Mais nous sommes persuadés que la mise en place d’un référentiel pourrait tout changer. 
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