Transformer le sous-sol du site de Fukushima en un large filtre in situ à strontium radioactif, plus de cinq ans après la catastrophe nucléaire. Voilà la solution proposée par Suez et Areva pour séquestrer le strontium radioactif qui contamine encore les nappes d’eau souterraines. « En partenariat avec le laboratoire japonais Anadec/Atox, nous avons suggéré d’utiliser des barrières perméables réactives, ou PRB. Elles consistent à injecter, par l’intermédiaire de petits forages, un coulis de suspensions réactives qui piègent le strontium », explique Boris Devic-Bassaget, directeur technique chez Suez Remédiation.C’est le Mitshubishi Research Institute - l’équivalent de l’ANR française – qui a lancé un appel d’offre mondial en 2014 pour répondre à un impératif précis : passer d’une radioactivité de 2000 Bq/L à 30 Bq/L dans les eaux pompées par un puits situé entre l’ancienne centrale et la mer.Première étape pour relever ce défi technique grâce à des PRB ? Identifier le réactif le plus sélectif, qui permet de piéger le strontium radioactif dans un milieu salé. Car c’est bien là toute la difficulté : le strontium radioactif est noyé parmi les grandes quantités de strontium naturellement présent dans l’eau de mer qui pénètre dans la nappe. « Nous avons donc mené des essais dans les laboratoires de Suez puis d’Areva, afin de tester différents réactifs tels que l’apatite, le phosphate, la poudre d’os ou la zéolite. Parmi eux, seules les zéolites artificielles ont un pouvoir de décontamination satisfaisant dans un milieu salé », souligne Boris Devic-Bassaget. Ces cristaux de zéolite, formés d'un squelette microporeux qui agit comme un tamis, permettent en effet de retenir jusqu’à 99,9% du strontium. Restait pourtant un défi à relever : dimensionner les ouvrages pour permettre l’injection de ces zéolites artificielles de taille nanométrique à micrométrique. « Nous avons finalement estimé qu’il fallait injecter ces zéolites à faible débit, ce qui permet de ne pas modifier la perméabilité du massif. Grâce à des modélisations hydrodynamiques, nous avons également évalué les distances minimales à respecter entre ces PRB et le puits de pompage pour éviter l’érosion du réactif ».Tepco, la multinationale japonaise de production d’électricité a finalement adopté une autre solution : le confinement du sous-sol par congélation. Cette technique consiste à former un écran vertical imperméable en faisant geler l’eau souterraine, via des injections d’azote liquide ou de saumure refroidie en surface. Il s’agit donc d’une méthode complexe à mettre en œuvre et très énergivore. « Si les résultats ne sont pas satisfaisants, Tepco pourra adopter le plan B des PRB injectées dans le sol. Et grâce aux résultats des essais de faisabilité, on sait désormais que cette technique fonctionne en cas d’accident sur une centrale littorale », conclut Boris Devic-Bassaget.Marine Bollard