Avec le Green New Deal, qui vise la neutralité carbone d’ici 30 ans, l’Europe paraît prendre ses responsabilités, en termes d’objectifs climatiques. Le programme présente toutefois une ambiguïté importante : est-il destiné à garantir une réduction des GES ou à assurer des débouchés pour les produits supposés verts, en particulier numériques ?
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La solution est donc d’aller plus loin : plus de renouvelables, plus d’efficacité matière et énergie, plus de produits « verts », au moyen d’incitations pour les entreprises et pour les consommateurs. Les mesures d’efficacité énergétique devraient réduire la consommation d’énergie de moitié, sur le modèle de l’étiquette-énergie. Les renouvelables ramèneraient la part des fossiles à 20 %; la consommation d’énergie serait réduite de 28 %, par rapport aux niveaux actuels.
Efficacité et renouvelables sont donc les maitres-mots du Pacte. Est-ce suffisant ? L’Union reconnaît dans le même temps que la réduction des GES stagne ; en cause, dans l’ordre, la croissance économique, la décroissance tendancielle des gains en efficacité énergétique, notamment dans le transport aérien, les SUV et l’ajustement suite à la fraude aux émissions automobiles (+30% !). Plus grave, les émissions nettes de l’UE ont augmenté de 8 % des émissions, sur la période 1990-2010, pourtant très favorable (crise de 2008, chute de l’URSS). Comment relancer la machine ? Le pari est résolument technologique, et le numérique tient une place importante : les technologies numériques s’avèrent d’une importance cruciale pour atteindre les objectifs fixés par le pacte vert en matière de développement durable, et ce dans une grande variété de secteurs, notamment la 5G, la vidéosurveillance, l’internet des objets, l’informatique en nuage ou l’IA.
Pourtant les objectifs de l’industrie du numérique ont peu en commun avec ceux du Pacte Vert. Alors que Microsoft déclare vouloir « amener 7 milliards de personnes vers le jeu autour du monde », Cisco interroge : « si le « cloud gaming » devient populaire, il peut rapidement devenir l’une des catégories principales de trafic sur internet ». La voiture autonome ? Un gouffre : 30 petaoctets de données par jour ; « la fonction de traitement de données du véhicule électrique ou de la voiture autonome sera sans doute plus consommatrice d’énergie que sa fonction de mobilité ». Et la voiture autonome va faciliter le triplement attendu du transport passager entre 2015 et 2050, non l’empêcher. Sans parler de véhicules volants qui dégageront de nouvelles voies de circulation, permettant ainsi de l’augmenter. Et la voiture autonome n’est qu’une application de l’intelligence artificielle, secteur pour lequel McKinsey attend un marché de 13.000 milliards de dollars, d’ici 2030. Samsung a déjà mis sur le marché des appareils 5G et 8K, exactement ce qu’il faut pour augmenter massivement la consommation. Et citons enfin la « vidéo volumétrique », à base de caméras 5K, qui génère un flux de 3 To par minute, soit 50 Go/s. Un film « volumétrique » de 2h ne « pèserait » donc pas moins de 180 To. Et Intel estime sans sourciller que ce format est « le futur d’Hollywood ». « Il faut 25 ans –une génération– pour transformer un secteur industriel et toutes les chaînes de valeur. Pour être prêts en 2050, nous devons prendre des décisions et des mesures dans les cinq années à venir ».
Urgence, mobilisation, oui, mais quel est le but véritable ? S’agit-il de sauver le climat ou de déployer « de toute urgence » la troisième révolution industrielle ?