Selon Matt Fisher, responsable des politiques chez Watershed, le moment est venu de montrer que le progrès économique va de pair avec la justice sociale et environnementale.
D’ici un an, un flux massif de données sur la durabilité des entreprises sera accessible au public. Les émissions de CO2, l’équité salariale, la gestion de l’eau et d’autres indicateurs cruciaux seront mesurés, vérifiés et divulgués de manière transparente pour des milliers d’entreprises à travers le monde, à l’instar de leurs données financières. Ainsi, les entreprises seront jugées non seulement sur leur performance financière, mais aussi sur leur impact environnemental et social.
Cette période marque un tournant décisif dans notre perception de la valeur économique et accélère la transition vers un modèle où chaque décision commerciale doit tenir compte de ses effets sur notre planète et nos sociétés. Nous entrons dans l’ère de « l’économie climatique », où la responsabilité envers la planète et l’humanité devient centrale pour les entreprises.
Au cœur de cette transformation se trouve la Directive européenne sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (CSRD). Cette législation révolutionnaire exige des entreprises qu’elles divulguent jusqu’à 1 100 indicateurs ESG avec la même rigueur que les données financières. En 2025, plus de 12 000 entreprises dans le monde commenceront à publier ces informations, et 36 000 autres suivront l’année suivante. Pour contextualiser : l’année dernière, 23 000 entreprises ont rapporté à l’organisation volontaire de divulgation climatique CDP, avec seulement 100 points de données. Le CSRD représente donc une avancée significative vers une transparence totale en matière de durabilité.
Mais le CSRD ne se contente pas de poser des défis techniques pour les entreprises en matière de collecte, d’analyse et de publication de données. Cette directive ouvre également des perspectives sociales et sociétales considérables. Cette transparence renforcée peut par exemple aider les entreprises à se concentrer sur l’amélioration de leur impact social par le biais d’initiatives telles que le versement de salaires équitables, un approvisionnement éthique et un engagement envers les communautés. Ces efforts peuvent renforcer la réputation d’une entreprise, approfondir la confiance avec les partenaires et construire un modèle économique plus durable.
Les entreprises auront donc une occasion unique de se distinguer et de créer de la valeur grâce à la durabilité, leur permettant de capter et fidéliser une nouvelle génération de clients et d’employés. Toutefois, il est essentiel de comprendre que la simple divulgation de données ne suffit pas à faire d’une entreprise un leader en matière de climat ou de questions sociales. Le CSRD mettra en lumière les véritables leaders et ceux qui ont encore des progrès à faire. Ce niveau de transparence va stimuler la concurrence entre les entreprises, les poussant à élever leurs standards ESG, au bénéfice de la société en fixant des exigences environnementales et sociales plus élevées.
En outre, et en rendant publics leurs plans de transition climatique, les entreprises ne se contenteront plus d’attirer des talents seulement, elles offriront aussi de meilleures perspectives de carrière. Tout dépend de la façon dont elles se positionnent en tant que leaders en durabilité. De plus en plus, les employés veulent un travail qui a du sens et qui reflète leurs valeurs. Les entreprises qui montrent clairement leur engagement envers la durabilité seront mieux placées pour attirer et fidéliser les meilleurs talents. Selon une enquête Deloitte de 2023, 69 % des travailleurs attendent de leur employeur qu’il prenne des actions concrètes sur les enjeux climatiques.
Dans ce contexte, les enjeux économiques deviennent également majeurs. Les organisations qui mettent l’accent sur la durabilité dès aujourd’hui se prémunissent contre la perte de clientèle et renforcent leur attractivité commerciale. Une étude récente d’IBM montre que les entreprises intégrant des principes de durabilité affichent un taux de croissance des revenus supérieur de 16 % et surpassent leurs concurrents en termes de rentabilité de 52 %. Il est également essentiel de noter que toutes les organisations, quelle que soit leur taille, font partie de la chaîne de valeur d’une autre entreprise.
L’importance croissante de la durabilité dans les chaînes d’approvisionnement (un tiers des entreprises indiquent recevoir des questionnaires sur la durabilité de la part de leurs clients) suggère que négliger de mesurer et de gérer l’impact climatique pourrait être crucial pour acquérir, conserver ou perdre un client.
Bien que le CSRD soit la réglementation la plus complète dans une récente série de réglementations sur la durabilité, elle n’est ni la première ni la seule de son genre. Des réglementations similaires apparaissent à travers le monde, de la réglementation FCA au Royaume-Uni à la loi CCDAA en Californie. À l’avenir, les entreprises devront intégrer les cycles de reporting de durabilité dans leurs calendriers annuels, tout comme elles le font pour les bénéfices trimestriels.
Pour les entreprises, le message est clair : agissez maintenant ou risquez d’être laissées pour compte. À l’instar de la transformation numérique qui a récompensé les acteurs rapides et pénalisé les retardataires, l’économie climatique déterminera les nouveaux leaders. Le changement apporte toujours son lot de défis et d’opportunités, mais cette fois, les enjeux sont plus élevés que jamais. Le moment est venu pour les entreprises de s’engager pleinement dans la durabilité et de montrer que le progrès économique peut aller de pair avec la justice sociale et environnementale.