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Accueil > Actualités > Eau > Réforme de l'intercom munalité : un terrain miné
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Réforme de l'intercom munalité : un terrain miné

PUBLIÉ LE 1er SEPTEMBRE 2011
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
La volonté de l'État de renforcer l'intercommunalité affecte fortement les services d'eau et d'assainissement, en prévoyant notamment une réduction drastique du nombre de syndicats. Beaucoup d'élus dénoncent une démarche trop arithmétique, ne prenant pas en compte les réalités du terrain. Début 2011, le top départ de l'un des principaux chantiers de la réforme des collectivités a été lancé, celui de la simplification de la carte de l'intercommunalité. L'objectif affiché pour les nouvelles commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), renforcées par la loi du 16 décembre 2010, est de clarifier l'organisation territoriale et de mettre fin à l'enchevêtrement et à la superposition de structures. Premier enjeu : consolider les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en imposant un seuil minimal de 5 000 habitants pour les EPCI à fiscalité propre (communauté de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines, métropoles et syndicats d'agglomération nouvelle). Cela concernera principalement les plus petits et les plus nombreux d'entre eux, les communautés de communes. Deuxième cible : faire en sorte que toutes les communes isolées rejoignent un EPCI à fiscalité propre. Enfin, troisième point : dissoudre ou fusionner une partie des syndicats intercommunaux et des syndicats mixtes. UN CALENDRIER SERRÉ Dans chaque département, le préfet doit élaborer le schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) sur la base d'une procédure de consultation des communes concernées et de la CDCI qui a, en théorie, quatre mois pour se prononcer. Le timing est serré car le schéma doit être adopté par le préfet avant le 31 décembre 2011. À partir du 1er janvier 2012, et jusqu'au 30 juin 2013, viendra, le cas échéant, l'heure d'imposer des fusions, de rattacher des communes, de dissoudre des syndicats, suivant les décisions du SDCI. Selon les informations que l'Association des maires de France (AMF) a collectées au printemps auprès de 69 associations départementales de maires, la carte intercommunale issue des projets de SDCI, tels qu'ils ont été proposés par les préfets, compterait 1 266 EPCI à fiscalité propre contre 1 969 aujourd'hui, soit une baisse de plus de 35 %. Dans certains départements, c'est même une réduction drastique de près de 70 % qui est prévue, comme dans le Lot (de 23 EPCI à 7), l'Aude (10 structures au lieu de 29), les Hautes-Alpes (7 contre 20) et le Nord (18 contre 48). Dans quelques départements, le nombre de communautés devrait peu bouger : le Finistère (même nombre d'EPCI), le Calvados (37 au lieu de 39), le Maine-et-Loire (28 contre 30), la Lozère (22 contre 24) ou le Cantal (17 contre 19). Et une poignée de départements pourraient le voir augmenter, notamment dans les Yvelines (7 EPCI de plus). S'agissant du nombre de syndicats, la volonté de simplification est de 36 % en moyenne. UNE APPROCHE HÉTÉROGÈNE Le 28 juin dernier, lors d'une réunion exceptionnelle organisée par l'AMF pour faire un point d'étape sur l'élaboration des schémas, Jacques Pélissard, son président, s'est fait l'écho « de la très grande hétérogénéité des approches des préfets » et a évoqué « certains scénarios maximalistes créant des communautés XXL, et d'autres qui à l'inverse manquent d'ambition ». Lors de la clôture de cette rencontre, Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales, a répondu qu'aucune consigne de gigantisme n'avait été donnée. Il a précisé que « l'hétérogénéité des schémas n'est pas un signe de faiblesse mais un signe de capacité d'adaptation » et qu'il s'agit « bien évidemment, de faire attention à ne pas être en rupture avec le territoire ». « À la fin de l'année, la CDCI de chaque département aura à se prononcer sur un projet de schéma qui aura été modifié par les résultats de la concertation », a aussi rappelé le ministre. Ce « rien n'est figé » visait à rassurer les élus locaux souvent très critiques à l'égard d'une consultation jugée trop étroite - seuls les maires directement touchés par le redécoupage sont consultés, d'une démarche menée « au pas de charge », voire « à la hussarde ». Nombre d'entre eux sont convaincus que la carte soumise au vote de la CDCI sera à peu de chose près celle que le préfet a présentée au printemps. Localement, les préfets se sont efforcés de les convaincre du contraire. Comme le préfet de Gironde, qui n'a eu de cesse de répéter en présentant sa copie, que « ce n'était pas le schéma définitif » et que « l'État ne faisait que des propositions ». Cela n'a pas empêché son rapport - qui prévoit de réduire de 45 à 18 le nombre de communautés de communes, de créer une métropole (Bordeaux), deux communautés d'agglomération (Arcachon et Libourne) et de ne conserver que 57 syndicats intercommunaux sur les 289 existants (dont 10 en eau et assainissement, au lieu de 63) - d'échauffer les oreilles de l'assistance. « Il n'y a pas eu de débat mais quelques échanges assez vifs », avouait un élu en quittant la salle. UNE CONCERTATION DÉCEVANTE On peut rappeler que la CDCI composée de représentants des collectivités a un rôle d'avis et d'amendement. Mais, en pratique, les élus locaux ont dû organiser en hâte leur représentation au sein de cette instance. En outre, le timing de sa constitution était assez mal choisi puisque, à ce moment-là, les élections cantonales mobilisaient massivement leur énergie et leur attention. « Surtout, les membres de la CDCI disposent de très peu de temps pour discuter du schéma, eu égard à son impact et de la complexité de ses enjeux. On les somme finalement de trancher très vite dans des dynamiques territoriales qui ont mis des années à se construire, avant que le préfet n'impose ses solutions », déclare Stéphane Loukianoff, délégué général de l'Union nationale des acteurs et des structures du développement local ( Unadel). ORGANISATION DE L'EAU La révision de la carte intercommunale n'a pas vocation à aborder spécifiquement la question de l'organisation territoriale de la gestion de l'eau, elle est beaucoup plus large. Malgré cela, elle aura des conséquences directes, et encore mal mesurées, en matière d'eau et d'assainissement. Ainsi, le transfert de la compétence eau ou assainissement à de nouveaux EPCI à fiscalité propre pourrait se traduire, dans certains cas, par un territoire de gestion moins pertinent qu'avant. « J'ai en tête un cas précis : un projet de création de deux communautés de communes, sur les deux bords d'un cours d'eau, là où, jusqu'à présent, l'assainissement était géré à une échelle plus large, par un syndicat regroupant l'ensemble des communes du bassin versant, indique Régis Taisne, adjoint au chef de service de l'eau à la FNCCR. Cela reviendrait à faire disparaître une structure qui fonctionne, qui est dimensionnée sur un périmètre pertinent, pour la remplacer par un nouveau paysage assez complexe, nécessitant de créer de nouveaux ouvrages, de passer des conventions... Paradoxalement, avec son optique comptable un peu obtuse, la réforme risque donc parfois de complexifier les choses : attention au chevauchement de périmètres et à la fausse bonne idée. »Il reconnaît que la réforme peut aussi, inversement, être l'occasion de franchir le pas vers des regroupements intelligents de services d'eau ou d'assainissement, « mais uniquement dans les secteurs où, préalablement, une réflexion sur les périmètres pertinents a été menée ». Ainsi, un projet de création d'une communauté, là où de très petits services d'eau ou d'assainissement peu performants se côtoient actuellement, pourrait constituer une opportunité d'aboutir à un service mieux organisé, mieux géré, doté de personnel, capable de réaliser des économies d'échelle, de porter des investissements... « Cela s'est déjà produit par le passé, mais ne rêvons pas trop. La prise des compétences eau et assainissement n'est obligatoire que pour les métropoles et les communautés urbaines, alors que les nouveaux EPCI à fiscalité propre qui vont se créer seront sans doute surtout des communautés de communes, rappelle Sylvian Rotillon, chef de projet à l'Onema. Or on peut se douter que les mariages forcés ne vont pas inciter ces nouvelles structures à prendre des compétences optionnelles. » LA QUESTION DES COMPÉTENCES Si cette analyse se révèle juste, alors le fait, pour chaque commune isolée, d'intégrer un EPCI n'aura donc même pas pour conséquence de réduire le grand nombre de services d'eau gérés à la seule échelle municipale. Peut-être même que la réforme augmentera ce nombre. En effet, avec les nombreuses fusions d'EPCI à fiscalité propre qui sont au programme (plus de 300 en projet, selon l'Assemblée des communautés de France), il y a un risque d'alignement vers le bas en termes de compétences. La fusion de deux EPCI dont l'un a moins de compétences que l'autre pourrait en effet entraîner la reprise en main, au niveau municipal, de l'eau, de l'urbanisme, de l'action sociale ou de la petite enfance... Certes, il y a des incitations financières et juridiques invitant à ne pas retransférer ces compétences aux communes (renforcement du coefficient d'intégration fiscale, délai de deux mois pour rétrocéder les compétences à la mise en place du nouvel EPCI, sinon elles sont considérées comme conservées). Malgré cela, beaucoup d'élus sont inquiets. Ils constatent que la question des compétences, qui est au moins aussi importante que celle des périmètres, n'a jamais été au coeur des débats. Ainsi, dans le Rhône, le SDCI propose la dissolution de trois syndicats d'assainissement correspondant approximativement au périmètre de la communauté de communes de l'Arbresle, ce qui impliquerait la prise de compétence assainissement par cet EPCI à fiscalité propre. Mais aucun débat n'a eu lieu sur le sujet. L'un des objectifs de la réforme est de réduire au moins de moitié, si possible des deux tiers, les 15 000 syndicats intercommunaux existants en France, jugés trop nombreux et trop spécialisés. À l'inverse des EPCI à fiscalité propre, ils n'ont pas de compétences obligatoires ou optionnelles d'où un transfert de compétence très variable. LE DILEMME DES SYNDICATS C'est donc un grand ménage qui se profile. Dans l'Oise, il y a actuellement 347 syndicats. « Entre ceux qui n'ont plus d'activité, ceux dont les compétences peuvent être reprises par une communauté de communes ou une communauté d'agglomération, les syndicats d'électricité qui se fondraient dans le syndicat d'électricité de l'Oise et les syndicats des eaux, qui sont pléthore, j'évalue à 147 le nombre de structures qui pourraient disparaître dans les dix prochaines années sans préjudice », a annoncé Nicolas Desforges, préfet de l'Oise. En théorie, cela a l'air imparable. « Le problème est que l'eau coule de haut en bas et pas à plat sur une carte », observe Régis Taisne. En matière d'eau et d'assainissement, il est clair que les services sont gérés à trop petite échelle, qu'ils sont trop fragmentés et que des regroupements sont nécessaires (lire Hydroplus n° 199, octobre 2010, p. 24). « Mais il faut s'inscrire dans une logique territoriale cohérente : celle d'un bassin versant, rappelle Sylvain Rotillon. Les syndicats d'eau sont des territoires de gestion souvent pertinents qu'il conviendrait d'élargir, mais réorganiser la gestion de l'eau au niveau des communautés n'est pas forcément la bonne réponse. Les communautés correspondent plutôt à des bassins de vie et ont peu de lien avec les réalités topographiques et hydrologiques. » Quoi qu'il en soit, les syndicats d'eau ou d'assainissement sont aujourd'hui dans l'oeil du cyclone. Tous ne sont pas menacés de suppression, mais certains craignent d'être « déshabillés » par la réforme, si leurs membres intègrent un EPCI à fiscalité propre ayant la compétence eau ou assainissement. Amputés d'une partie de leur périmètre et des rentrées financières correspondantes, certains pourraient avoir à surmonter une recomposition un peu compliquée. C'est le cas du syndicat mixte SIDEN-SIAN (700 communes, syndicats et EPCI du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Aisne et de la Somme) qui pourrait perdre certaines communes mais récupérer de nouveaux secteurs. Pour d'autres, c'est leur survie même qui pourrait être mise en jeu s'ils n'arrivent pas à équilibrer leur budget pour continuer à fonctionner. UN AVENIR INCERTAIN C'est toute l'ambiguïté de cette refonte de la carte intercommunale qui affecte des organisations extrêmement complexes sans en avoir anticipé toutes les conséquences. « Dans beaucoup de départements, une logique arithmétique pure semble avoir été appliquée pour aboutir à une proposition de SDCI, observe Sylvian Rotillon. Supprimer pour supprimer n'a pas de sens. L'effet d'affichage est fort mais c'est un trompe l'oeil. Derrière, il n'y a pas d'organisation territoriale cohérente en ce qui concerne l'eau et l'assainissement dont la gestion obéit à des principes complexes dépendant des ressources, du bassin versant, des infrastructures présentes, des personnels... » Or cette complexité a rarement été prise en compte, sans parler des conséquences techniques et financières de la réforme sur la gestion de l'eau, absentes du débat. Du coup, la CDCI est censée valider des décisions alors qu'elle n'a aucune visibilité sur leurs effets. Seuls quelques départements font exception. La réforme a été l'occasion de mener une véritable réflexion sur une réorganisation pertinente de la gestion de l'eau, en étudiant au cas par cas la meilleure option pour chaque territoire. C'est le cas en Maine-et-Loire (lire l'encadré p. 24). Mais au final, sauf cas un peu à part où le territoire était déjà « mûr » pour avancer, la réforme n'apparaît pas comme le bon levier pour la mise en place d'une organisation plus cohérente de la gestion de l'eau et de l'assainissement. Le calendrier n'est d'ailleurs pas approprié, à quelques mois des élections. Et de fait, le soufflet s'est dégonflé ces derniers temps. Des élus influents ont fait entendre leur voix. Et des directives auraient été adressées aux préfets pour qu'ils calment le jeu. Personne ne sait donc vraiment ce qu'il restera de cette réforme à la fin de l'année. « Ne va-t-elle pas accoucher d'une souris ? », s'interroge Sylvain Rotillon. « Tout ne peut pas se faire d'un coup et il faudra sans doute procéder par étapes, par touches successives », estime Jacqueline Gourault, sénatrice et présidente de la commission Intercommunalité de l'Association des maires de France. Avec d'autres, elle réclame « une clause de revoyure », pour rebattre les cartes après 2014. En matière d'eau et d'assainissement, on ne pourra de toute façon pas se passer d'une réflexion approfondie pour faire émerger une vision d'une intercommunalité pertinente pour l'eau.
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