Certaines fonctionnalités de ce site reposent sur l’usage de cookies.
Les services de mesure d'audience sont nécessaires au fonctionnement du site en permettant sa bonne administration.
ACCEPTER TOUS LES COOKIES
LES COOKIES NÉCESSAIRES SEULEMENT
CONNEXION
Valider
Mot de passe oublié ?
Accueil > Actualités > Eau > Le casse-tête de la tarification de l'eau
EAU

Le casse-tête de la tarification de l'eau

PUBLIÉ LE 1er NOVEMBRE 2011
LA RÉDACTION
Archiver cet article
Toute l'information de cette rubrique est dans : Hydroplus
Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
En matière de prix de l'eau, la France se situe plutôt en bonne position par rapport à beaucoup de ses voisins. « C'est un constat positif. Mais, attention à ne pas réduire le débat au prix : il est essentiel de bien informer sur la constitution du coût de l'eau pour sortir des polémiques stériles », estime Bruno Bourg-Broc, maire de Châlons-en-Champagne et président de la Fédération des maires des villes moyennes, qui a publié en mai dernier un rapport sur la tarification de l'eau. Comprendre le prix de l'eau, c'est prendre en compte la variété des facteurs qui conditionnent le coût d'un service. Ainsi, les conditions géographiques, naturelles et techniques (disponibilité, proximité et qualité de la ressource, topographie, densité de l'habitat...) constituent autant de contraintes aux conséquences sonnantes et trébuchantes en matière d'équipements, de consommables, de personnel... On ne peut pas ainsi comparer le prix de l'eau à Paris, qui dispose de ressources de bonne qualité et d'un réseau d'eau potable accessible sans tranchée minimisant le coût du service, avec celui de la collectivité voisine, le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), pénalisée par une ressource de qualité médiocre, un réseau de distribution étendu, une topographie peu favorable, un nombre de branchements élevé... « En outre, les élus ont choisi de mettre en place un système ultra-sécurisé (usines de production d'eau volontairement surdimensionnées et interconnectées), qui a un coût », rappelle Philippe Knusmann, directeur général des services du Sedif. Le coût d'un service dépend naturellement des investissements réalisés et de leurs modalités financières. Ainsi, à Reims, la réalisation d'une station d'épuration respectant des normes de rejets draconiennes pèse significativement sur la facture d'eau, de même que le taux de renouvellement des réseaux, bien supérieur à la moyenne... « Le service ayant une dotation aux amortissements techniques importante a des coûts plus élevés, mais se place dans une approche préventive de renouvellement, qui permettra de lisser le prix de l'eau dans le futur », explique Loïc Mahevas, directeur de Service public 2000. À l'inverse, en pratiquant un faible amortissement, les coûts du service sont maintenus à un niveau bas, mais sans permettre d'entretenir convenablement les ouvrages. D'autres facteurs viennent aussi influer sur les charges financières d'un service, comme le niveau de subventions (pour un investissement de 1,5 million d'euros sur une commune de 8 000 habitants, le prix facturé aux usagers peut varier du simple au double selon que l'ouvrage est aidé à 80 ou à 60 %), ou encore la gestion des frais financiers. « Il arrive que certaines collectivités traînent des emprunts à des taux complètement déconnectés de ceux du marché, tout simplement parce que la structure est petite et qu'elle ne sait pas comment s'y prendre pour les renégocier », relate Arnaud Courtecuisse, chef du service études, évaluation économique et environnementale, action internationale à l'agence de l'eau Artois-Picardie. Le mode de gestion est une question particulièrement mise en avant dans le débat sur le prix de l'eau, mais c'est un sujet difficile à aborder en toute objectivité. Si la régie présente certains avantages au plan comptable et financier, la comparaison des prix sur le seul indicateur du mode de gestion reste discutable. Le cas de la ville de Paris, qui après la remunicipalisation, a annoncé une baisse du prix de l'eau, est-il significatif ? « 35 millions d'euros de gains d'exploitation ont été dégagés grâce à la suppression de la marge des distributeurs, à des économies générées par le regroupement de ce qui était auparavant découpé entre trois opérateurs et aux avantages fiscaux des régies », affirme Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris chargée de l'eau et de l'assainissement. Une vision que ne partage pas Marc Reneaume, directeur général adjoint de Veolia Eau, l'un des anciens opérateurs : « Paris profite mécaniquement des énormes investissements que nous avions réalisés et qui auraient également conduit à une baisse des prix si la délégation avait été poursuivie ». Sans entrer dans la polémique, il convient de rappeler que plusieurs grands services délégués, dont celui du Sedif, ont récemment enregistré une baisse du prix de l'eau, après renégociation du contrat de délégation. Des baisses qui ne sont pas toujours perceptibles par le consommateur. Ainsi, à Paris, les 8 euros économisés sur la partie eau potable de la facture sont compensés par une augmentation de la part assainissement et des taxes. In fine, quel que soit le mode de gestion, il apparaît que la marge de manoeuvre des collectivités pour faire baisser la facture d'eau est extrêmement limitée. « Face à des charges croissantes, le plus souvent la seule solution alternative des services est d'augmenter le prix de l'eau ou de diminuer les investissements, la qualité, le service rendu à l'usager... Une des principales variables d'ajustement est le taux de renouvellement des réseaux, qui n'en finit plus de baisser. Cela, évidemment, au risque d'une explosion du prix de l'eau lorsqu'il deviendra indispensable de faire une complète remise à neuf », rappelle Sylvain Rotillon, chef de projet à l'Onema. S'agissant de services opérés à échelle intercommunale, un enjeu stratégique pour les élus réside dans l'uniformisation du tarif. De nombreuses entités ont, en effet, hérité d'un patchwork de secteurs auparavant indépendants, avec une pluralité d'opérateurs et de prix. L'évolution vers un prix unique est alors longue et complexe. Elle consiste à appliquer par étapes un scénario de convergence tarifaire, en profitant de toutes les opportunités techniques, légales et contractuelles (renégociation quinquennale, échéance des contrats, passation de conventions intermédiaires, regroupement progressif en zones de gestion plus cohérentes, etc.). Dans une première phase, on peut trouver certaines marges de manoeuvre dans la négociation. « Les conditions de la négociation ont souvent plus d'impacts sur le prix que les conditions d'exploitation, ce qui permet d'engager une certaine convergence », témoigne Gérard Penidon, directeur de la Fédération départementale d'adduction d'eau potable et d'assainissement du Lot-et-Garonne. Cette structure, née il y a trente ans pour favoriser une harmonisation départementale des méthodes, des structures tarifaires et du prix de l'eau, évolue aujourd'hui pour se transformer en un véritable syndicat départemental de gestion. La période transitoire doit être mise à profit pour préparer des conditions viables d'instauration d'un prix unique. « Beaucoup de stratagèmes sont utilisés, mais seules deux options sont juridiquement solides, prévient Régis Taisne, adjoint au chef de service de l'eau à la FNCCR. Dans le cadre d'un affermage classique, un opérateur unique permet naturellement une péréquation du prix. Et si l'on veut conserver plusieurs opérateurs, ce qui est plutôt sain, il convient, comme l'ont fait Nantes Métropole ou Vendée Eau, de faire évoluer la nature des contrats de façon à ce que les opérateurs soient rémunérés par la collectivité, et non par les abonnés. » La clef de voûte de ces contrats atypiques est le mode de rémunération. Leur qualification juridique peut varier, entre contrat de délégation et marché public, selon le niveau d'autonomie financière de l'exploitant, la part de risque qu'il assume et le fait qu'une part substantielle de sa rémunération soit, ou non, liée aux résultats. La rédaction de tels contrats nécessite un bon niveau d'expertise, et le contrôle de leur application est lourd. Mais ils permettent à la collectivité d'appliquer sans difficulté une péréquation sur un territoire mixte (lire encadré ci-dessous). Quant au système, très utilisé, du lissage du prix en jouant sur le montant de la part collectivité de la facture d'eau, il n'est pas conforme à l'orthodoxie comptable et budgétaire : toléré par le contrôle de légalité au nom de la solidarité, il engendre néanmoins un risque de contentieux. Enfin, les structures syndicales de solidarité départementale sur le prix de l'eau (Morbihan, Loire-Atlantique), épinglées par les chambres régionales des comptes, doivent faire évoluer leurs statuts et leur périmètre de compétence si elles ne veulent pas disparaître. Une autre grande dimension stratégique de la tarification de l'eau est la structure tarifaire. Utilisée comme levier par les parlementaires pour favoriser la prise en compte d'enjeux environnementaux et sociaux, elle est dorénavant très encadrée. Ainsi, au nom de la lutte contre le gaspillage de la ressource, la loi sur l'eau de 1992 a remis en cause les systèmes à forfaits de consommation, privilégiant une facturation basée sur la consommation réelle. Puis la loi sur l'eau de 2006 a plafonné la part fixe (30 % pour les communes urbaines, 40 % pour les communes rurales, seules les communes touristiques y échappent), afin d'accentuer l'effet responsabilisant de la facturation volumétrique et d'améliorer l'accès au service des plus défavorisés. La part fixe est, en effet, jugée antisociale par les associations de consommateurs. La loi de 2006 a aussi autorisé un ajustement du tarif au mètre cube par tranches de consommation progressives (et, inversement, elle a prohibé la tarification dégressive dans les zones où existent des règles de répartition des eaux, qui témoignent de la rareté de la ressource). Cette possibilité de mettre en place un tarif par blocs croissants, plusieurs collectivités s'en sont emparées. Pour la communauté de communes de Moselle et Madon, confrontée à la nécessité d'harmoniser à la hausse le prix de l'eau sur son territoire, l'objectif était de limiter l'effort demandé aux plus petits consommateurs (lire encadré ci-dessous). De son côté, la ville de Libourne (33) a mis en place une première tranche à un prix symbolique (les quinze premiers mètres cubes, considérés comme vitaux, sont facturés 0,10 euro le mètre cube HT), ce qui déplace une grande partie des recettes sur les derniers mètres cubes consommés. Le débat va bon train entre experts sur les possibles effets négatifs de ce dispositif (notamment pour les familles nombreuses à bas revenus) et sur les difficultés générées en habitat collectif (avec, en perspective, un autre débat complexe sur l'intérêt, le coût et les effets de l'individualisation des compteurs). « Pour limiter les effets contre-productifs d'une tarification par blocs croissants, il faudrait pouvoir prendre en compte des informations complémentaires sur les usagers. Or, sur un produit aussi peu onéreux que l'eau, le coût de cette information dépasserait le gain que l'on peut en attendre », observe Bernard Barraqué, directeur de recherche au CNRS. Cet économiste rappelle régulièrement que, dans le domaine de l'eau, peu d'instruments peuvent concilier les trois objectifs stratégiques : économique, social, préservation de la ressource. Et, en effet, la structure tarifaire actuelle, progressive ou non, n'est pas du tout en phase avec la réalité économique des services d'eau et d'assainissement. Ceux-ci supportent plus de 80 % de coûts fixes, alors que leur financement est assuré à 80 % en fonction du volume consommé. Résultat : dans un contexte quasi généralisé de baisse des consommations, l'équilibre économique est sous tension. « C'est simple : quand la facture est basée uniquement sur la consommation, et que celle-ci baisse, le prix du mètre cube doit augmenter pour couvrir les frais de production », résume Sylvain Rotillon. Face à ce constat, de plus en plus de voix s'élèvent, malgré la difficulté d'acceptabilité sociale, pour réhabiliter un certain niveau de part fixe, moyennant de nouveaux mécanismes amortisseurs qui ne pénaliseraient pas les ménages les plus démunis.
PARTAGEZ
À LIRE ÉGALEMENT
Avis des pros : l’interconnexion des réseaux d'eau potable marque la solidarité entre les territoires
Avis des pros : l’interconnexion des réseaux d'eau potable marque la solidarité entre les territoires
Eaux pluviales : le drainage qui se fond dans le décor
Eaux pluviales : le drainage qui se fond dans le décor
Tamponnement de l’eau pluviale en milieu contraint
Tamponnement de l’eau pluviale en milieu contraint
Xylem dérive les eaux romaines
Xylem dérive les eaux romaines
Tous les articles Eau
L'essentiel de l'actualité de l'environnement
Ne manquez rien de l'actualité de l'environnement !
Inscrivez-vous ou abonnez-vous pour recevoir les newsletters de votre choix dans votre boîte mail
CHOISIR MES NEWSLETTERS