Il aura fallu dix ans pour que le delta du Rhône puisse bénéficier d'un plan d'action pluriannuel pour diminuer les pollutions diffuses et restaurer ce milieu totalement artificiel, bloqué entre les digues du Grand et du Petit-Rhône. Entre les deux bras de fleuve, le triangle de terre, l'île de Camargue, se compose d'étangs, de lagunes et de marais salants. L'endiguement, puis la segmentation du delta et la création d'un réseau de canaux ont permis la culture du riz et la récolte du sel. Cependant, tous ces aménagements ont bouleversé les flux de l'eau. « Et s'y ajoutent d'importantes pollutions, à cause de l'agriculture et d'un d'assainissement défaillant », renchérit Marie Granier, chargée de mission eau et milieux aquatiques au parc naturel régional de Camargue. Sans parler des fréquentes inondations qui touchent ces terres situées entre 1,5 m au-dessous et 4 m au-dessus du niveau de la mer. C'est dire que ce système complexe nécessitait une gestion commune des acteurs locaux.
Le contrat de Delta, signé ce mois d'octobre, est piloté par le parc naturel régional de Camargue, qui a porté le projet avec l'agence de l'eau Rhône, Méditerranée et Corse. Il engage 22 maîtres d'ouvrage et financeurs (communes, agence de l'eau, Région, conseil général, État, Europe, etc.) et dispose d'un budget de 22 millions d'euros sur six ans. Le comité de Delta, qui discute et choisit les solutions de gestion, rassemble 54 membres représentant tous les acteurs. « Ce projet est novateur au niveau de la Camargue car c'est le premier programme d'action coordonné pour une gestion de l'eau », explique Marie Granier. Cette concertation s'applique à une zone de 86 410 ha, ré partis sur les communes d'Arles et des Saintes-Maries-de-la-Mer. D'ores et déjà, 64 actions ont été adoptées. « Mais certaines ont été lancées en parallèle du dossier », précise Marie Granier.
Des formations sur la prévention et la lutte contre les pollutions par les hydrocarbures ont déjà été conduites auprès des acteurs locaux. Parmi les futures opérations, une surface de 6 500 ha d'anciens salins, rachetée par le Conservatoire du littoral, doit aussi être réhabilitée. « Des travaux de restauration du réseau hydraulique vont être entrepris. Pour reconnecter les étangs, très segmentés pour la culture du sel, il faudra rétablir la circulation des eaux et instaurer un suivi », détaille la chargée de mission du PNR.
Pour lutter contre les pollutions, des solutions sont discutées avec les riziculteurs pour réduire les produits phytosanitaires, la consommation d'eau pour les cultures et donc les rejets dans les milieux. Le territoire comporte aussi une partie maritime de 35 000 ha. Sur cette zone, le syndicat mixte du parc doit mettre en place une réserve marine protégée. « Une procédure d'arrêté ministériel pour un cantonnement de pêche sur 450 ha est en cours », atteste Marie Granier. Le programme s'adaptera aussi aux résultats. « En 2014, nous réaliserons un bilan de mi-parcours. Il restera sûrement des choses à améliorer, comme la question de la continuité écologique, peu prise en compte dans le programme actuel. »