Les résultats du programme de recherche des drogues dans les eaux usées mené par Veolia, l'association Safe et la faculté de pharmacie de l'université Paris-Sud ont été publiés cet été dans la revue Science of the Total Environment. Ils présentent de multiples intérêts pour chacun des partenaires : mesurer l'efficacité des traitements épuratoires sur ces micropolluants, estimer leur impact environnemental et orienter efficacement les politiques de prévention de la toxicomanie.
Des échantillons ont été prélevés en entrée et en sortie de vingt-cinq stations d'épuration de tailles variées (de 12 000 à 950 000 EH) et réparties sur toute la France. En couplant chromatographie liquide et spectrométrie de masse (HPLCMS), dix-sept substances psychotropes ont ensuite été dosées : cocaïne, amphétamines, opiacés, cannabis et leurs métabolites, allant du nanogramme au microgramme par litre.
En sortie de Step, les taux d'élimination sont très variables selon les techniques de traitement et les molécules. « Ils dépendent principalement du temps de séjour et de l'âge des boues », précise Luis Castillo, expert en polluants émergents au centre de recherche et innovation de Veolia. Si la morphine et la cocaïne sont bien éliminées par les boues activées, la méthadone et ses métabolites accusent des abattements inférieurs à 50 %, quel que soit le procédé. Les impacts neurotoxiques ont aussi été évalués sur des poissons zèbres en aquarium : la toxicité aiguë s'est avérée faible, et l'exposition chronique des poissons aux doses environnementales ne montre aucun effet notable sur leur comportement.
À l'échelle nationale, les résultats mettent en évidence de fortes disparités géographiques : les drogues consommées varient selon les régions, la taille de la ville, son caractère urbain, rural ou universitaire. Les concentrations mesurées sont plus importantes le week-end qu'en semaine, et les événements festifs se traduisent par des pics remarquables ! Pour Yves Levi, responsable du groupe santé publique environnement à l'université Paris-Sud, « cette grande variabilité démontre l'importance de mettre en place un véritable observatoire afin de mieux adapter les politiques de prévention aux pratiques ».
La méthode développée, dont la faisabilité et la reproductibilité sont démontrées, permet une appréciation scientifique de la consommation, d'estimer le nombre d'usagers sur une zone de collecte, de dresser des profils de consommateurs. Par sa grande réactivité, elle fournit des données de proximité en temps réel et permettant de suivre l'évolution des produits et des pratiques. « Nous pouvons ainsi localiser et objectiver les besoins en prévention, pour justifier la mise en place de nouveaux programmes auprès des pouvoirs publics », souligne Catherine Duplessy, directrice de l'association Safe, dont l'objet est la réduction des risques infectieux liés à l'usage de drogues par injection. Par exemple, les automates d'échange de seringues pourront être implantés au plus près des consommateurs.