Il n'y a pas que Fribourg dans la vie ! Destination fétiche des organisateurs de voyages d'études sur l'urbanisme, la ville allemande connue pour ses écoquartiers Vauban et Rieselfeld a toujours la cote. Mais ses voisines néerlandaises (Utrecht, Amsterdam, Rotterdam), autrichiennes (Vienne, Land de Vorarlberg), nordiques (Mälmo, Stockholm, Helsinki) ou anglaises lui taillent des croupières. « Ces villes ayant dix ans d'avance sur nous, découvrir leurs pratiques, s'enrichir de leurs retours d'expérience est stimulant, estime Michel Le Sommer, gérant du bureau d'études Le Sommer environ nement. On découvre aussi au passage leurs erreurs, comme l'unité de cogénération au bois de l'écoquartier Bedzed qui s'est avérée trop bruyante. »
S'il y a mille et une manières d'organiser un voyage d'étude, la sienne est originale : une fois par an, il promène trois jours durant sa vingtaine de salariés pour observer des opérations terminées, renforçant ainsi la cohésion interne tout en leur offrant un autre regard sur leur métier. Budget serré oblige (7 000 euros en tout), billets d'avion et chambres d'hôtel sont réservés six mois à l'avance. Et les visites animées par lui-même, « les guides disponibles étant désarmés face à nos questions d'experts ». Après une virée l'an dernier au cœur d'une réserve ornithologique « pour peaufiner nos connaissances en biodiversité », direction Venise cet été « pour rencontrer des architectes à la Biennale ». « La cité des Doges est une destination prisée, rebondit Pierre Omnes, fondateur de Solutions 21. Mais pour des thèmes tels que l'impact du tourisme de masse ou le risque de montée des eaux. » Discrète, sa PME organise à la carte une vingtaine de voyages par an pour le compte de collectivités, établissements publics, industriels ou fédérations professionnelles. « Leurs motivations sont diverses, poursuit-il, le voyage peut s'inscrire dans une dynamique de formation interne ou de veille sur l'innovation. Dans les collectivités, les participants sont souvent un élu adjoint et le directeur des services techniques. Selon leurs attentes, nous leur faisons rencontrer des profils variés, ingénieur ou urbaniste. »
L'inattendu est le bienvenu. À Copenhague, un voyage d'étude sur le vélo et la cohabitation piéton-cycliste a séduit les troupes. « On s'immerge dans un contexte sans l'enjoliver. Les travers des écoquartiers nordiques en termes de lien social ou de commerce de proximité sont abordés sans tabou. » Le fait de disposer de relais et de partenaires dans les villes hôtes lui donne une marge de manœuvre pour réduire et adapter le prix du voyage aux profils visés : « Les élus de petites communes et les bailleurs sociaux y sont sensibles ». Nouveauté de son catalogue : des voyages d'études dits « ouverts », avec prise en charge sur place mais dé pla cement et hébergement non compris.
Autre approche originale, celle du conseil général de Lot-et-Garonne : les membres de sa mission d'évaluation des impacts du changement climatique sur la ressource en eau partiront fin mai en Andalousie. « Pour se mettre dans la peau d'un territoire où le climat correspond à celui dont notre département héritera si rien n'est fait pour enrayer ce fléau », éclaire Raymond Girardi, l'élu qui préside la mission. Dans les voyages d'étude qu'il organise en parallèle à son activité de gérant d'une agence d'aménagement urbain (Siamconseils), Gilles Gallichet privilégie, pour sa part, les programmes riches, sans temps morts : « Les participants en ont pour leur argent. Un vidéaste nous accompagne, j'invite les participants à s'exprimer et chacun rapporte un film exploitable à sa guise, les élus apprécient ». Taille de groupe idéale : entre quinze et vingt participants. « Une fois le thème trouvé à partir des retours de notre réseau, d'un besoin émergent ou d'un enjeu d'actualité réglementaire comme la qualité de l'air intérieur, il faut nouer six mois à l'avance des contacts avec la ville hôte, conseille Aude Catoire, à l'Agence régionale de la construction et de l'aménagement durables (Arcad). Puis demander les devis, bâtir le programme, annoncer le voyage, laisser du temps aux gens de s'inscrire et une marge si besoin pour annuler. » L'an dernier, l'Arcad a choisi Bruxelles pour un point sur la construction basse consommation. Cette année, ce sera en France. Car à bien y réfléchir, le pays déborde de réalisations à faire connaître. Par exemple, cette résidence vosgienne HLM bois-paille qui, fin mars, a fait l'objet d'un voyage sur les matériaux bio-sourcés organisé par l'association Hespul. Chez Energy Cities, un réseau qui a une trentaine de voyages d'étude à son actif, la responsable de l'information Blandine Pidoux souligne, pour finir, que « l'après-voyage est à ne pas négliger et nécessite un suivi ». Questionnaires de satisfaction, rappel des contacts rencontrés et documents présentés sur le terrain, carnet de voyage, tout est bon pour marquer le coup et continuer à faire fructifier les échanges. Tout en donnant l'envie de repartir. l