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EAU

Une réforme à la hussarde

PUBLIÉ LE 1er SEPTEMBRE 2014
LA RÉDACTION
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Le magazine des professionnels de l’eau et de l’assainissement.
La France détonne dans le panorama européen par le nombre et la taille de ses services publics d'eau (environ 14 000) et d'assainissement (21 000). « Des démarches autoritaires de rationalisation ont eu lieu en Angleterre et, dans une moindre mesure, en Italie, note Rémi Barbier, professeur de sociologie, directeur de l'UMR Geste à l'Engees. En France, la voie choisie a plutôt été celle d'un changement dans la durée, sous la houlette des services de l'État. Mais la poussée volontariste associée à la première phase des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) ne semble pas avoir produit beaucoup d'effets sur les services. » La réforme engagée par la loi du 16 décembre 2010 visait surtout à rattacher chaque commune isolée à un EPCI à fiscalité propre (communauté de communes, d'agglomération, urbaine ou métropole) et à élever la taille de ces structures à au moins 5 000 habitants. Mais il s'agissait aussi de dissoudre ou de fusionner une partie des 15 000 syndicats intercommunaux et syndicats mixtes auxquels adhèrent les communes. Dans chaque département, la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) devait élaborer un schéma (SDCI), sur la base de propositions fournies par le préfet. Aujourd'hui, le bilan de cette réforme apparaît mitigé. Même si les approches ont été très différentes d'un département à l'autre, globalement, face à la fronde des élus locaux, les préfets se sont « dégonflés ». Les schémas ont surtout entériné des mouvements déjà engagés ou qui ne soulevaient pas d'opposition forte. Ainsi, 300 fusions de communautés ont eu lieu en 2013 et 2014, « mais, en termes d'impact sur l'organisation des services d'eau et d'assainissement, les conséquences sont marginales », analyse Éric Brejoux, directeur de projet à l'Onema. Comme l'on pouvait s'en douter, les fusions n'ont pas beaucoup incité les nouvelles communautés de communes et d'agglomération à prendre des compétences optionnelles comme l'eau ou l'assainissement. Il y a toutefois des cas particuliers : la création de la métropole niçoise a conduit à l'absorption automatique de petits services d'eau à la suite du ralliement de communes de montagne. De toute façon, la question des compétences, pourtant aussi importante que celle des périmètres, a rarement été au cœur des débats dans les CDCI. Dans 33 départements, surtout dans le Grand Sud-Ouest, il n'y a toujours pas de schéma arrêté. Occupés à faire rentrer les communes isolées dans le rang et à reconfigurer les communautés au-dessus du plancher de 5 000 habitants, les préfets ont par ailleurs laissé un peu de côté la suppression des syndicats. Même si le nombre de ces structures baisse (en moyenne 134 par département en 2014 contre 148 en 2012), la tendance est limitée. En Gironde, le préfet annonçait, en 2011, « ne vouloir conserver que 57 syndicats intercommunaux sur les 289 existants, dont 10 en eau et assainissement à la place de 63 ». « Il n'y a pas eu de regroupement autoritaire : la CDCI a conclu que la situation n'était pas mûre et le préfet n'est pas passé en force », commente Pierre Ducout, maire de Cestas et fin connaisseur de la gestion de l'eau dans le département. Évoquant un « cinéma technocratique », l'élu indique que les services de l'État n'ont pas procédé à « une véritable analyse de l'existant qui aurait permis d'identifier sur quel territoire et dans quelles conditions il était intéressant, en termes d'efficacité et de coûts, de regrouper les services ». En Dordogne, le scénario est similaire. « Le SDCI prévoyait des fusions assez importantes des syndicats, mais les élus ont rejeté la proposition de nouvelle carte, puis le préfet a changé. À la fin, à l'exception d'une ou deux situations particulières pour lesquelles le préfet a imposé des regroupements (territoires complètement imbriqués, raisons techniques…), les seules fusions réalisées ont eu lieu sur la base du volontariat », témoigne Estelle Espalier, directrice du syndicat mixte départemental de l'eau de Dordogne. La réforme a tout de même abouti à des remaniements intelligents des services d'eau, souvent dans des territoires où les conditions s'y prêtaient. Les services de l'État ont alors cherché à proposer au cas par cas des solutions cohérentes et rationnelles, comme dans le Maine-et-Loire, où l'État a proposé une réorganisation de 31 services d'eau sur 45, et a adopté une démarche consensuelle et participative. Celle-ci s'appuyait, très en amont, sur la Direction départementale des territoires (DDT), qui, grâce à ses missions d'assistance et de conseil, avait une bonne connaissance des problématiques de l'eau, de l'organisation des services et des relations à entretenir avec les élus. La démarche a laissé de côté les services dont la taille était jugée suffisante, ainsi que ceux qui ne voulaient pas participer. Elle a conforté les syndicats en place, qui étaient généralement plus gros que les communautés de communes, en proposant des regroupements selon des critères étayés : fusion de syndicats proches ayant des intérêts communs, intégration de communes isolées, etc. Une communauté de communes a été appelée à prendre la compétence eau potable, parce que son territoire recouvrait exactement celui de deux syndicats existants et que les élus étaient favorables à cette option. Autre cas unique en son genre : dans la Vienne, le SDCI a conduit à la suppression de 40 syndicats ayant pour compétence la distribution de l'eau et l'assainissement. Le préfet a en effet considéré que ces territoires pouvaient être intégrés au Syndicat des eaux de la Vienne (Siveer), rassemblant déjà 200 communes sur les 281 du département. Ainsi, en 2015, il n'y aura quasiment plus que deux autorités organisatrices de l'eau dans le département, le Grand Poitiers et le Siveer, lequel desservira 265 communes. « Plusieurs syndicats adhérents n'avaient transféré, par exemple, que l'exploitation, ou bien ne nous confiaient que des missions ponctuelles. En 2013 et 2014, 13 syndicats couvrant 80 communes ont ainsi été dissous après que l'ensemble des compétences qu'ils exerçaient ont été transférées au Siveer », détaille Marcus Agbekodo, son directeur. Une petite trentaine de syndicats disparaîtront en janvier 2015, quand leur territoire entrera dans le giron du Siveer. Pour l'essentiel, il s'agit de structures amies, avec lesquelles le Siveer avait des conventions de vente d'eau ou qu'il dépannait parfois, pour de la recherche de fuites par exemple. « La présence du Siveer est structurante dans le paysage de la Vienne depuis soixante-cinq ans, la réforme a donc précipité des regroupements qui se seraient faits. Le pas a pu être franchi, sous l'égide d'un préfet volontariste, parce que le terrain était propice, et que les mentalités étaient prêtes. Personne n'a été forcé, l'évolution a eu lieu dans un relatif consensus », constate le directeur. Il faut préciser qu'une refonte des modes de gouvernance au sein du syndicat avait été réalisée, par anticipation, en 2010 et 2011, pour que les élus des anciens syndicats puissent conserver des responsabilités dans la gestion de l'eau. « Cet élément, et le fait que la coexistence de modes de gestion sur le territoire du Siveer ne pose aucun problème, a joué pour beaucoup dans l'acceptation de cette mutation », complète Gilbert Beaujaneau, président du Siveer et maire de Nieul-l'Espoir. Reste maintenant à digérer le changement. Le Siveer n'en est pas à sa première fusion-absorption, mais celle-ci est d'une ampleur sans précédent. « Le management humain polarise toute notre attention : il faut être à l'écoute du personnel qui va nous rejoindre, rassurer, considérer chaque situation individuellement… Sans négliger nos agents, qui s'inquiètent d'éventuelles répercussions sur leur poste et sur l'organisation. Cet effort d'accompagnement devra perdurer au moins quatre ou cinq ans », précise Marcus Agbekodo. Dans d'autres cas, la réforme a eu des effets très perturbateurs sur les services d'eau. Quelques préfets ont en effet procédé, à la stupéfaction générale, à des mariages forcés. Pour les services concernés, ces fusions au forceps ont été très mal vécues. « Personne n'a pensé que le préfet passerait outre l'opposition des élus, à tel point que certaines communes n'ont même pas pris la peine de délibérer contre une fusion dont elles ne voulaient pas ! » témoigne un directeur de syndicat pris dans la tourmente. « Ensuite, les arrêtés préfectoraux ont été signés dans une totale impréparation, ce qui a généré, et génère encore, une cascade de déboires. » Aucune difficulté n'avait été anticipée : les transferts d'emprunts, la gestion des contrats d'affermage, la disparité des tarifs, et les conséquences pour les agents… « Les services de l'État se sont inquiétés du transfert de personnel en septembre, pour une fusion, et la disparition simultanée de l'autre structure, au 1er  janvier. Cela a bouleversé le quotidien des familles des agents dont les situations étaient appelées à changer. On a connu une vague de départs, avec les conséquences que l'on peut imaginer, pour le personnel restant, d'assurer la continuité du service », poursuit-il. Le pire, c'est que les équipes et les élus ont l'impression que cette épreuve, dont ils ne sont pas encore sortis, n'est que le hors-d'œuvre. « Le préfet a voulu ménager la chèvre et le chou avec une petite fusion sur un petit territoire, mais on est encore loin d'une organisation territoriale optimale : on s'attend à repasser à la moulinette avec une fusion à plus grande échelle à l'horizon 2017. Au vu des terribles conséquences administratives, juridiques, financières, comptables, techniques et humaines que nous avons connues avec le regroupement de deux services aussi différents, finalement, on aurait préféré fusionner dans un grand tout, une bonne fois pour toutes », analyse ce responsable. De grands syndicats d'eau et d'assainissement ont par ailleurs été déstabilisés au profit de l'intercommunalité à fiscalité propre. Ces syndicats à large échelle, unanimement reconnus pour leur organisation intégrée et mutualisée, leur performance, leur capacité à assurer une solidarité urbain-rural, se retrouvent déshabillés par le départ de certaines communes. En effet, auparavant, les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre pouvaient continuer à confier leur compétence en eau ou en assainissement à un syndicat, via un mécanisme dit de représentation-substitution. Mais le législateur a progressivement généralisé un principe de retrait de ces communes, dès qu'il y a une modification de l'EPCI auquel elles appartiennent (évolution du périmètre, des compétences exercées, etc.). Les syndicats concernés sont alors amputés et subissent des pertes de ressources financières. Le Siden-Sian, l'un des plus gros syndicats d'eau et d'assainissement de France (700 communes, syndicats et EPCI du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Aisne et de la Somme) est ainsi sur le point de perdre 23 communes de la périphérie de Lille (voir encadré). « L'objectif de regrouper les services est louable, mais enfin, vouloir à tout prix donner ces compétences à des EPCI à fiscalité propre va finir par faire disparaître de grands syndicats qui fonctionnent très bien, s'énerve Paul Raoult, président du Siden-Sian. On émiette au lieu de regrouper, en générant une ridicule perte d'argent public et en cassant la solidarité urbain-rural. » Dans le Lot-et-Garonne, le syndicat Eau 47 est dans une situation délicate. Cette structure d'appui et de mise en commun de moyens a été transformée en 2013 en un syndicat départemental de gestion de l'eau potable, de l'assainissement collectif et non collectif, qui couvre 238 communes sur les 320 du département. Mais, dans le même temps, l'Agglomération d'Agen, née de la fusion de l'ancienne communauté d'agglomération avec une commune et une communauté de communes voisines début 2013, a pris la compétence en eau et en assainissement, entraînant le retrait de droit de 23 communes du syndicat. La difficulté est de partager l'héritage : des réseaux imbriqués, et une usine d'eau financée et exploitée par Eau 47, mais qui est un patrimoine commun. Celui qui conservera l'usine vendra de l'eau à l'autre, mais il faudra, afin de comptabiliser les mètres cubes vendus, poser des compteurs à hauteur de 500 000 euros. « Jusque-là, il n'y a eu juridiquement aucun acte de cession du patrimoine, relate le directeur d'Eau 47, Gérard Pénidon. Nous avons demandé au préfet qu'il arbitre cette situation compliquée, mais il ne se prononce pas. Nous avons accepté que les délégataires reversent les redevances à l'agglomération, même si ce n'est pas légal : les contrats n'étant pas scindés, il n'y a pas de lien juridique entre eux. En parallèle, c'est le syndicat qui paye les emprunts, soit 700 000 euros par an. Remarquez, il y a pire : pour tout ce qui a été financé sur fonds propres par le syndicat, l'agglomération part avec sans rien devoir. » Un vrai gâchis ! Même une fois réglé l'imbroglio juridique, Eau 47 va se retrouver à gérer de très grands linéaires ruraux, avec une faible densité de population, et des recettes limitées. Il y aura des impacts sur le prix de l'eau, sur les rendements des réseaux, et sur leur renouvellement. En outre, la solidarité urbain-rural a pris un sérieux coup dans l'aile. Aujourd'hui, ces grands services regardent l'avenir avec inquiétude : ils pourraient exploser si, demain, le mouvement s'amplifie, et si les EPCI à fiscalité propre sont incités plus fortement à prendre les compétences eau et assainissement. Or le projet de loi sur la réforme territoriale, post-redécoupage des régions, prévoit déjà d'élever la taille minimale des EPCI à fiscalité propre à 20 000 habitants et de fixer une échéance à fin 2016 pour la réduction des syndicats. « Des ordres ont même été donnés par le ministère de l'Intérieur pour anticiper sur cette loi qui n'a pas encore été votée : dans certains secteurs, des élus locaux ont été convoqués par le sous-préfet pour commencer à réfléchir à une reprise en main de l'eau et de l'assainissement par les communautés ! » indique Paul Raoult.
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