A u regard de la directive cadre sur l'eau, 21 % des rivières et 40 % des nappes souterraines sont en mauvais état chimique, des déclassements ma jo ri tairement liés à la présence de micropolluants. Dans le collimateur de l'Europe, 53 substances dangereuses, à réduire ou à supprimer à l'horizon 2021, auxquelles s'ajoutent un certain nombre de substances pertinentes propres à chaque bassin. Et dès 2015, des objectifs intermédiaires de réduction devront être respectés. Depuis une dizaine d'années, l'action nationale de Recherche et de réduction des émissions de substances dangereuses dans l'eau (RSDE) est mise en œuvre par les installations classées pour la protection de l'environnement et donne des résultats tangibles. Sur le bassin Seine-Normandie, 670 sites industriels (sur environ 3 000 à l'échelle de l'Hexagone) ont déjà réalisé l'étape de caractérisation de leurs rejets.
Les résultats intermédiaires de cette première campagne ont alimenté la réflexion des groupes IETE (groupes inter-agences d'échanges techniques pour l'industrie), qui ont engagé des études sectorielles approfondies. Une dizaine d'entre elles sont en cours ou achevées. Elles orienteront des études technico-économiques plus ciblées, encore rares aujourd'hui, demandées par arrêté préfectoral aux ICPE devant réduire leurs rejets.
Cette traque aux substances dangereuses est un enjeu prioritaire des 10es programmes des agences de l'eau. L'agence Rhône Méditerranée et Corse met l'accent sur les grands foyers industriels. Études, changements de process, substitution de produits, épuration : ces opérations ont concentré 80 % des aides aux industriels sur le bassin en 2013. Pour preuve : l'agence a financé une station physico-chimique sur un site du chimiste Arkema, réduisant de 98 % les flux de nickel et de plomb rejetés dans le Rhône. Dans le Sud-Est, les objectifs nationaux de 2015 pour le dichlorométhane, le nickel et le toluène sont atteints avec un an d'avance. À l'échelle du bassin, la situation s'améliore, notamment sur la réduction des métaux et les solvants chlorés, pour lesquels de gros efforts ont été faits. « Les persistants, comme les PCB ou les composés perfluorés, tendent à diminuer, mais sont encore largement présents dans les milieux aquatiques », ajoute Thomas Pelte, chargé d'études eaux superficielles à l'agence Rhône Méditerrannée et Corse. En Seine-Normandie, un déclassement généralisé des eaux de surface dû à la présence de certains HAP pyrolytiques est constaté. « Leurs origines diffuses compliquent la mise en œuvre des mesures de gestion », commente Baptiste Casterot, chargé de mission pollution toxique à l'agence de l'eau Seine-Normandie.
Les PME sont concernées avec des opérations collectives menées par secteur d'activité. « En finançant des emplois d'animateurs à l'échelle des bassins versants ou au sein des chambres de métiers et des chambres de commerce, nous mettons en place des relais de terrain indispensables pour accompagner les entreprises », indique Patricia Mauvieux, directrice du soutien aux interventions à l'agence Rhin-Meuse. Outre les aides incitatives des agences, un autre levier financier sera activé dès 2015, avec la modification de la redevance pour pollution non domestique. Elle introduit un nouveau paramètre qui intègre seize substances dangereuses pour l'environnement.
Les objectifs de réduction seront-ils atteints ? Difficile de se prononcer : « En 2001, ils ont été définis sur des bases lacunaires, alors que l'on avait une connaissance partielle des flux de certains produits », souligne Lauriane Gréaud, chargée de la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles à la direction de l'Eau et de la Biodiversité du ministère de l'Écologie. Depuis, de nombreux autres foyers de pollution ont été découverts : « L'élargissement des réseaux de mesure, l'augmentation du nombre de substances et l'amélioration des performances analytiques ont mis au jour de nouvelles sources », complète Thomas Pelte. Ainsi, pour certains paramètres, on constate une augmentation du flux connu plutôt qu'une réduction. Néanmoins, les chiffres transmis à l'Europe feront ressortir les flux de pollution évitée et, de fait, l'efficacité des actions menées. Par la suite, l'inventaire 2010-2013, rassemblant les résultats des campagnes RSDE et des études menées par les agences, devrait fournir une meilleure connaissance des émissions. Il servira de jauge pour revoir les objectifs et échéances dans le cadre de la révision des Sdage, pour un prochain examen de l'état des masses d'eau, et de l'atteinte des objectifs en 2021.