«L e terme “alternatif” ne colle plus. Préférez “gestion intégrée”, une expression beaucoup plus représentative de la tendance. » Devant les avertissements unanimement formulés par les acteurs que nous avons rencontrés, une petite mise au point terminologique s'avère nécessaire. En effet, les techniques dites alternatives (TA), que nous nommons parfois ainsi dans ces pages par facilité de langage, sont passées dans la conscience des maîtres d'ouvrage et des aménageurs au même titre, voire devant les réseaux d'assainissement ou pluviaux. Et si elles ne sont pas toujours mises en œuvre, elles sont systématiquement envisagées. Imaginé il y a trente ans par un groupe d'experts passionnés, le concept de techniques alternatives – aux réseaux – constituait alors une réponse innovante pour maîtriser les coûts et limiter les problèmes d'inondation urbaine par débordement de réseaux. « À l'époque, par alternatif, nous sous-entendions aussi alternatif à la DDE. Car cette direction départementale réalisait systématiquement les nouveaux projets d'urbanisation avec des réseaux. Puis, les DDE ont progressivement disparu de la maîtrise d'œuvre, alors que notre discours a peu à peu réussi à se faire entendre et à convaincre », analyse Michel Benard, président-directeur général d'Infra Services, l'un des bureaux d'études pionniers sur la mise en œuvre des techniques alternatives.
De l'ère du tout-tuyau à l'ère de la gestion intégrée des eaux pluviales, on peut parler d'une « petite » révolution de l'hydraulique urbaine, qui s'accompagne forcément d'une période d'ajustement. « La vision des ingénieurs reste trop technique et hydraulique, estime Michel Benard. Sur le dimensionnement des projets, ils raisonnent encore souvent par analogie aux tuyaux en utilisant des termes comme “débit entrant”, “débit sortant”, “modélisation” et avec une tendance à restreindre l'application des TA uniquement à l'infiltration. Alors que la réflexion devrait être plus nuancée. » Dans les collectivités, le développement de la gestion à la source s'appuie sur de nouvelles règles inscrites dans les documents d'urbanisme et de planification. Le zonage pluvial annexé au plan local d'urbanisme permet ainsi de favoriser le stockage et l'infiltration des eaux pluviales en fixant des rejets à débit limité sur le territoire. Certaines collectivités vont même jusqu'à instaurer le « zéro rejet ». « Une cartographie des bonnes conditions à l'infiltration (place et perméabilité du sol suffisantes, aucune contre-indication au titre de la protection de la ressource en eau souterraine) est alors un préalable indispensable avant d'envisager ce scéna-rio », insiste Daniel Pierlot, directeur technique de Sepia Conseils. Infra Services confirme de son côté l'importance des tests de per-méabilité des sols, mais constate aussi sur le terrain la difficulté de les voir bien réalisés et bien interprétés. Ce zonage, lorsqu'il découle d'une étude approfondie des sols et de l'hydrologie urbaine, peut alors conduire à un pilotage fin des eaux pluviales, en introduisant, comme à Paris, différentes zones soumises chacune à un abattement volumique adapté de la première lame de pluie.