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Le casse-tête de la gestion des digues

PUBLIÉ LE 1er JUIN 2016
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Les digues protègent des inondations, mais seulement jusqu’à une certaine limite, et pour autant qu’elles ne rompent pas. En cas de défaillance, les conséquences sont souvent plus graves qu’une inondation naturelle. Plusieurs crues en ont fait la démonstration ces dernières années (en Camargue en 1993-1994, dans l’Aude en 1999, sur le Rhône en 2002-2003, Xynthia en 2010, pour ne parler que des plus importantes), avec des centaines de victimes et des milliards d’euros de dégâts matériels. C’est dire que ces ouvrages sont à la fois une protection et une menace. Phénomène aggravant : du fait d’une absence de crues majeures depuis le XIXe siècle, les populations oublient souvent l’existence des digues. Alors que leur gestion est souvent devenue défaillante, les habitants vivent toujours dans une illusion de sécurité. Avec l’ambition de changer cette situation, la loi Maptam du 27 janvier 2014 a attribué aux communes une compétence obligatoire de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), à transférer a? l’EPCI a? fiscalite? propre dont elles sont membres : communauté de communes, d’agglomération, urbaine ou métropole. L’objectif : structurer une maîtrise d’ouvrage territoriale et apporter de la cohérence dans la gestion, au regard des politiques d’urbanisme et d’aménagement. Cette évolution réglementaire est lourde de contraintes pour les futurs gestionnaires uniques des ouvrages de protection. « L’objectif du gestionnaire de digues est de surveiller et maintenir un patrimoine d’ouvrages en bon état de fonctionnement pour qu’il remplisse son rôle lors d’un événement, de bien connaître les limites de protection de ces ouvrages, d’intervenir si nécessaire pendant puis après les crues, et de modifier, si besoin, en lien avec d’autres décideurs, les ouvrages ou les objectifs de protection, résume Rémy Tourment, ingénieur-chercheur ouvrages hydrauliques à l’Irstea. Attention à ne pas faire de confusion : la réglementation n’est pas un but en soi pour le gestionnaire, c’est plutôt un véhicule utile, lorsqu’il est assis sur de véritables bases techniques. »La compétence Gemapi devait initialement entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Elle a finalement été repoussée au 1er janvier 2018 par la loi NOTRe du 7 août 2015, pour laisser le temps d’en clarifier l’organisation et permettre aux nouveaux responsables de se préparer. Les EPCI à fiscalité propre pourront soit gérer la compétence directement, soit la déléguer à des syndicats mixtes, des EPTB (établissement public territorial de bassin) ou des Epage (établissement public d’aménagement et de gestion des eaux). Dans l’esprit de la Gemapi, l’Epage, à l’échelle d’un bassin-versant hydrographique d’un fleuve co?tier ou d’un sous-bassin versant d’un grand fleuve (taille inférieure ou équivalente à un territoire de Sage) est censé être l’outil opérationnel de maîtrise d’ouvrage. Alors que l’EPTB, à l’échelle d’un grand bassin-versant ou d’un ensemble de bassins-versants, aura plutôt un rôle de coordination, d’animation et de conseil, éventuellement de maître d’ouvrage de projets d’intérêt commun. Enfin, pour le financement de cette compe?tence, les EPCI a? fiscalite? propre auront la faculte? d’instituer une taxe Gemapi re?partie entre les contribuables versant une taxe foncie?re, la taxe d’habitation ou la contribution foncie?re des entreprises. Le produit de la taxe ne peut de?passer 40 euros/an/habitant. Dans ce nouveau paysage, le décret digues du 12 mai 2015 est venu changer radicalement l’approche de la gestion. Premièrement, on ne doit plus raisonner ouvrage par ouvrage, mais par systèmes de protection. Ces derniers sont constitués d’un ensemble de digues, mais aussi de remblais ayant d’autres fonctions (routes, voie ferrée) et d’éléments naturels (dunes, tertres…). Le décret demande au gestionnaire de définir le système de protection qu’il prend en charge, ainsi que la zone protégée correspondante, et de s’engager sur un niveau de protection (par exemple : crue centennale). Sur le papier, cela veut dire que le gestionnaire sera exonéré de responsabilité en cas de rupture de digue ou de déversement pour un événement supérieur au niveau de protection. « Mais l’indemnisation des dommages sera-t-elle prise en charge par le Fonds catastrophes naturelles en cas d’inondation de la zone protégée pour un événement inférieur au niveau de protection affiché par la collectivité ? En clair, que se passe-t-il si on se trompe ? On n’est pas sur des sciences exactes : compte tenu des incertitudes liées à l’hydrologie, l’hydrométrie, la résistance à l’érosion interne, etc., le risque d’erreur n’est pas négligeable », souligne Thibaut Mallet, directeur technique du Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (Symadrem).Cette structure, qui existe dans sa forme actuelle depuis dix ans et qui dispose d’une grande expérience, gère 210 km de digues fluviales et 25 km de digues maritimes. Elle va a priori poursuivre ses missions dans le cadre de la Gemapi, moyennant une évolution de ses membres et de ses statuts. Son président, Jean-Luc Masson, adjoint au maire d’Arles, inquiet du passage d’une logique d’obligation de moyens à une obligation de résultat, a écrit en mai 2015 un courrier, resté sans réponse, à Ségolène Royal, ministre de l’Environnement. Il rappelle le montant des dommages de 700 millions d’euros, occasionnés dans le delta du Rhône lors de la crue de décembre 2003, et prévient qu’une « prise en charge même partielle des dommages par le gestionnaire apparaît inconcevable », sachant que le budget annuel de fonctionnement du Symadrem est de 4 millions d’euros.Ces questions de responsabilité suscitent de nombreuses craintes. « Personnellement, je pense que le nouveau cadre met les élus face à leurs responsabilités, mais qu’il ne les expose pas plus qu’ils ne l’étaient déjà. Auparavant, la responsabilité des maires pouvait déjà être engagée : le jugement du maire de la Faute-sur-Mer l’a bien montré », estime Jean-Louis Léonard, maire de Châtelaillon-Plage, vice-président de la communauté d’agglomération de La Rochelle. Pour lui, les nouvelles dispositions seraient donc plutôt de nature à clarifier la situation, en définissant plus lisiblement le rôle de l’État et des collectivités locales. « Concrètement, on ne sait pas trop à quoi s’attendre sur la mise en œuvre de ces dispositions : les gestionnaires vont-ils avoir une propension à opter pour la sécurité en fixant un faible niveau de protection, qui réduira le risque d’engagement de leur responsabilité, ou au contraire à le maximiser en recherchant une sorte de retour sur investissement en termes de foncier urbanisable ? », s’interroge Stéphanie Bidault, directrice du Centre européen de prévention du risque d’inondation (Cepri). Le sujet est complexe, d’autant plus que les sources d’inondations sont diverses (possibles phénomènes de montée de nappe, de ruissellements, débordement de ruisseaux non endigués à l’arrière des digues) : même si les digues sont bien entretenues, peut-on vraiment garantir que tout le monde gardera les pieds au sec ? « Il faut s’attendre à des contentieux assez compliqués », prévient Stéphanie Bidault.Quelques intercommunalités ont déjà pris la compétence Gemapi de façon anticipée : la communauté urbaine de Dunkerque, Bordeaux Métropole, la communauté d’agglomération Val-de-Garonne, la communauté de communes du Grésivaudan… Avec un constat immédiat : la nécessité d’anticiper la démarche le plus en amont possible, avant le démarrage effectif du transfert des ouvrages. Car la tâche est immense, surtout quand on part d’une page blanche (ce sera le cas sans doute d’une grande majorité des intercommunalités, à l’exception par exemple de l’agglomération d’Agen ou du Grand Troyes, qui gèrent déjà des digues). Aujourd’hui, ces intercommunalités défrichent le terrain et essuient les plâtres. Elles découvrent que rien n’est vraiment prêt, même sur le plan administratif. La communauté urbaine de Dunkerque s’est ainsi trouvée confrontée à l’absence de documents types pour les conventions de mise à disposition des ouvrages, à de nombreuses questions sans réponse sur la mise en œuvre des servitudes, etc. Pour Bordeaux Métropole, l’enjeu est la mise en place d’une organisation offrant une cohérence d’action à l’échelle du bassin-versant : la métropole s’investit d’ailleurs fortement dans un Papi à l’échelle de l’estuaire (qui prévoit 55 millions d’euros de travaux, dont une partie significative en restauration et confortement de digues), et elle anime l’élaboration de la stratégie locale de gestion des risques inondations (SLGRI) sur le territoire à risque important d’inondation (TRI) de Bordeaux (17 communes de la métropole et 11 communes extérieures). « La prise de compétence Gemapi ayant eu lieu au 1er janvier 2016, deux syndicats ont été dissous (Spird et Sijalag). Un troisième (Spipa) est maintenu jusqu’au transfert des ouvrages appartenant au Département en 2020. Un quatrième syndicat (SMBVAM) couvre le territoire de communes de la métropole et de communes extérieures : pour préserver la logique de bassin-versant, on envisage de lui rétrocéder la gestion des digues métropolitaines », détaille Kevin Subrenat, maire d’Ambès et conseiller métropolitain délégué aux risques technologiques et naturels.Concrètement, la mise à disposition des ouvrages se fera de façon étalée dans le temps.Les structures qui assurent aujourd’hui la gestion peuvent la poursuivre jusqu’au 1er janvier 2020. Les digues gérées par l’État (ou par des établissements publics de l’État), les seules sur lesquelles pèse une obligation de remise en état, peuvent faire l’objet d’une mise à disposition plus tardive, jusqu’en 2024. Cette phase transitoire sera bienvenue, car les besoins sont importants en matière d’acquisition de connaissance, de besoins en diagnostics et, surtout, de réalisation des études de dangers (EDD) réglementaires. À noter que la sortie de l’arrêté sur les EDD “version Gemapi” est attendue à l’été 2016. Au Symadrem, cinq ingénieurs supervisent les travaux neufs ou s’occupent de l’exploitation au quotidien, deux autres se consacrent exclusivement aux EDD. Le Symadrem a pourtant démarré ce chantier en 2011. « On n’était pas encore arrivé au bout de ce que demandait le décret de 2007, mais avec le décret de 2015 la donne a changé, explique Thibaut Mallet. Le raisonnement par système d’endiguement est certes bien plus pertinent. Mais l’EDD est coûteuse en temps. Rive droite, on a bien avancé, mais pas terminé. Rive gauche, cela va nécessiter encore deux à trois ans. Le problème est que l’on ne peut pas réaliser de nouveaux travaux, même si ceux-ci sont 100 % justifiés, tant que ce n’est pas fait. » Pour la communauté d’agglomération Val-de-Garonne (aire urbaine de la ville de Marmande), qui a pris formellement la compétence Gemapi au 1er janvier 2016, la situation est différente. Elle récupère 110 km de digues, gérées auparavant par six syndicats et une association syndicale autorisée. « Les EDD “anciennes formules” qui devaient être rendues fin 2014 n’ont pas été réalisées : sur ce point, on part vraiment de zéro », témoigne Sylvain Thierry, directeur général adjoint. Selon les syndicats, on a même parfois du mal à avoir la carte des ouvrages ! » Cela n’augure rien de bon concernant l’état des digues qui, heureusement, sont de faible hauteur et protègent peu de zones à fort enjeu. Pour autant, là comme ailleurs, il ne faudra pas négliger la communication. « Les études de dangers sont des documents très lourds, très techniques. Pour que le processus soit vertueux, il est important d’en faire une traduction simple auprès des habitants et des élus communaux. Il faut avoir le courage d’expliquer à la population que les digues ne protègent pas de tous les événements », plaide Stéphanie Bidault.La Gemapi est donc porteuse de bien des défis. D’autant qu’elle s’inscrit dans une période assez défavorable, avec en toile de fond la mutation de la carte de l’intercommunalité. Malgré tout, elle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. « Elle focalise l’attention sur la gestion des digues, mais ce n’est qu’un aspect de la prévention et de la protection, qui est bien plus vaste (gestion de la crise et de l’après-crise, réduction de la durée du retour à la normale, etc.), rappelle Stéphanie Bidault. Elle est donc un outil, à l’intérieur de la stratégie locale de gestion des risques inondations. C’est cette dernière qui est porteuse d’une vision globale de l’avenir du territoire dans le but de renforcer la sécurité des personnes exposées et de stabiliser ou réduire le coût des dommages. » Fabienne Nedey
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