En France, les rendements moyens des réseaux de distribution atteignent aujourd’hui près de 80 % avec des différences encore marquées entre milieu rural et urbain dense. En imposant un rendement réglementaire compris entre 65 et 85 % selon l’indice linéaire de consommation, la loi Grenelle 2 favorise l’implication des collectivités dans une gestion patrimoniale et dans la mise en œuvre d’actions de recherche et de réduction de fuites. Car, pour avoir des résultats durables sur les rendements, renouvellement et réparations vont de pair.De manière théorique, les méthodologies de recherche de fuites s’articulent dans un ordre précis dit « de l’entonnoir », en resserrant progressivement les mailles de la surveillance afin de débusquer les fuites. La première étape consiste à sectoriser les réseaux, en délimitant des zones hydrauliques homogènes équipées en entrée de débitmètres électromagnétiques ou de compteurs pour mesurer les volumes mis en distribution. Les consommations nocturnes étant très faibles, le suivi des débits de nuit représente alors le meilleur indicateur du débit de fuites. « La sectorisation permet de quantifier les fuites. Nos data loggers LS relèvent les données des compteurs et débitmètres selon une fréquence configurable, par exemple toutes les quinze minutes, et les transmettent quotidiennement par GSM-GPRS vers le poste central de supervision qui les traite pour analyse », souligne Jean-Marie Laurendeau chez Lacroix-Sofrel.De son côté, le groupe Suez profite des réseaux de télérelève déjà implantés chez ses clients afin de coupler sectorisation et télérelève des compteurs abonnés. « Cela permet de soustraire les consommations télérelevées du débit de nuit introduit en distribution, donc d’analyser directement un débit de nuit des fuites, beaucoup plus précis. Sans télérelève des compteurs client, il faudrait des secteurs beaucoup plus petits pour pouvoir identifier de telles dérives », affirme Jean-François Renard, expert distribution à la direction technique Eau France de Suez. Ainsi, « la sectorisation a beaucoup progressé entre 2005 et 2010. Aujourd'hui, le marché est mature en France, analyse le spécialiste de Lacroix-Sofrel, qui souligne les différences d’application entre réseaux ruraux et urbains. En milieu rural, où les linéaires sont importants et le maillage faible, la sectorisation peut être le cœur de la démarche et n’associer qu’une écoute au sol pour finaliser la localisation de la fuite. En revanche, en milieu urbain dense où les branchements sont nombreux, sectorisation et prélocalisation acoustique sont complémentaires. »La prélocalisation acoustique détecte la présence du bruit sur les réseaux métalliques urbains sur une distance d’une centaine de mètres. L’efficacité de cette méthode, qui repose sur des enregistreurs du son nocturne, dépend du diamètre, de la pression et des matériaux du réseau. Elle ne convient pas aux réseaux plastiques qui absorbent le bruit. Disponible en mobile et en fixe, le choix de la configuration est un compromis entre le coût d’investissement et la main-d’œuvre. Les réseaux ruraux auront cependant plutôt tendance à l’utiliser en tournée mobile, alors que la configuration fixe s’adapte mieux aux réseaux urbains maillés avec une forte densité de branchements, sachant que près de 80 % des fuites se font au niveau des branchements. En fixe, les loggers de bruit sont installés dans les bouches à clé et espacés de quelques centaines de mètres.Chez Sewerin, on parle alors de sectorisation acoustique. « Nous avons lancé nos premiers loggers fixes en 2005 en mode de communication GSM. Cette technologie reste aujourd’hui la plus utilisée par les collectivités, mais nous avons complété notre gamme de communication radio en 169 et 868 MHz pour être compatibles avec toutes les offres du marché de la télérelève », précise Maxime Kieffer, responsable commercial et marketing chez Sewerin.Sollicité par Veolia, Primayer a, quant à lui, commercialisé une solution en 868 MHz (Phocus HR) et une version communicant en GSM-GPRS (Phocus 3M). En France, Suez a posé ses premiers prélocalisateurs fixes en 2005 et en recense aujourd’hui plus de 10?000 installés sur près de 6?000 km de réseaux. « Nous testons tous les modèles du marché, sachant que ces appareils sont soumis à des milieux agressifs (eau, sel, hydrocarbures). Et globalement, nous constatons une amélioration notable de leur fiabilité », juge l’expert de Suez qui a élaboré, avec sa filiale Smart Solutions, une technologie de communication radio VHF en 169 MHz. « Grâce à l’effet volume et la communication radio moins chère que le GSM, le coût des prélocalisateurs a été divisé par deux en dix ans. ».Dernières étapes de « finition », l’écoute au sol par méthode électroacoustique (pointe ou cloche) et la corrélation acoustique. Cette dernière, avec l’enregistrement du son entre deux points de mesure rapprochés, réduit l’incertitude de localisation à quelques mètres. Encore majoritairement mobile, la corrélation commence à être déclinée par certains fabricants en fixe. Si l’investissement est coûteux, puisqu’il faut en général densifier le nombre de capteurs à comparer à la prélocalisation, les résultats sont fiables. « Le corrélateur multiple fixe Enigma 3M est vraiment notre grosse innovation 2016. La méthode de corrélation fournit alors en continu le lieu précis des fuites », annonce Bruno Guigue, chez Primayer.Enfin, sur les réseaux en PVC, sur les gros diamètres ou les grands linaires sans branchement, la recherche de fuite aux gaz (hydrogène ou hélium) peut être utile. Et la modulation de pression dans certains secteurs à risque représente une alternative intéressante pour limiter les fuites et préserver les performances des ouvrages.Alexandra Delmolino