« C'est un cas d'école », analyse Abelardo Zamorano, vice-président de Yonne Nature Environnement lorsqu'il décrit la situation des captages d'eau potable dans le département de l'Yonne. « Il existe d'importants problèmes de pollutions diffuses essentiellement liés aux nitrates et aux produits phytosanitaires », explique Maïlys Cochard, responsable de l'unité Ressources en eau et pollutions diffuses à la direction départementale des territoires (DDT) de l'Yonne.116 captages ont déjà été abandonnés et le département concentre à lui seul la moitié des captages Grenelle de l'ancienne région Bourgogne qui compte quatre départements. 40 captages ont été jugés prioritaires que ce soit via le dispositif Grenelle, la Conférence environnementale, le Sage de l'Armançon ou désignés directement par la Mission inter-service de l'eau et de la nature (Misen). Sur cinq d'entre eux des programmes d'actions volontaires ont déjà été appliqués. « Le premier bilan de leur mise en œuvre a été mitigé. Il convenait donc d'aller plus loin dans la construction des programmes d'actions et la mobilisation des acteurs locaux. Rendre les programmes d'actions obligatoires par arrêté n'était pas la solution adéquate pour l'instant », détaille la responsable de l'unité qui a justement été créée il y a un an afin de mieux traiter cette question des pollutions diffuses. En effet, après trois ans de mise en œuvre d'un programme d'action volontaire, le préfet a la possibilité de le rendre obligatoire s'il le juge nécessaire.Avant d'en arriver là, il a lancé une charte départementale construite avec les services de l'Etat. « Il s'agit de répondre à la question : comment concilier une démarche portée globalement avec des actions locales. L'objectif est aussi de créer une dynamique collective autour de cet enjeu », précise Francis Schneider, directeur territorial Seine-Amont à l'agence de l'eau Seine-Normandie qui a été partie prenante de l'élaboration de la charte avec notamment la chambre départementale d'agriculture et l'agence régionale de santé (ARS). La charte prévoit en effet un engagement à l'action de l'ensemble des signataires à l'échelle du département notamment par la participation à un Comité départemental de l'eau se réunissant au minimum deux fois par an pour assurer une veille sur l'ensemble des démarches. « Cela permettra de faire le bilan sur des éléments partagés, de faciliter le dialogue et de s'assurer de la mobilisation de chacun des signataires », détaille Francis Schneider. « Le comité permettra aussi de faire converger les moyens techniques et économiques. Certaines actions à mener avec les coopératives ou les négoces se raisonnent à l'échelle d'une filière et non à l'échelle d'un bassin d'alimentation de captage (BAC) », ajoute Maïlys Cochard. La charte précise ensuite les modalités de gouvernance à l'échelle de chaque captage et propose la mise en place de plans d'actions locaux dotés d'indicateurs précis de moyens et de résultats. Ils seront intégrés dans une charte d'engagements signée par les acteurs locaux.« Il s'agit de remettre les collectivités distributrices de l'eau potable et responsables des captages au centre des projets et de renforcer la concertation », précise Maïlys Cochard. En particulier avec la profession agricole. Pour Etienne Henriot, président de la chambre d'agriculture de l'Yonne « Il faut rappeler à tous les acteurs l'importance d'être présents et actifs pour la réussite des actions. Nous restons persuadés que plus tôt l'agriculteur est intéressé au projet, plus on a de chance de le faire adhérer au programme d'action ». Une trentaine d'acteurs, organismes agricoles (coopératives, négoces, syndicats d'agriculteurs, groupement d'agriculteurs biologiques), association des maires de France, le Département, la Région Bourgogne-Franche-Comté ou encore une association de consommateurs (UFC Que Choisir) ont signé la charte. Le premier comité départemental a eu lieu en décembre dernier.Seul son de cloche dissonant, deux associations environnementales ont refusé de signer le document. Yonne Nature Environnement dénonce ainsi une « coquille organisationnelle vide » dans un communiqué publié l'été dernier. « Pour nous, il s'agit seulement de rassurer le milieu agricole sur le fait qu'il ne sera pas poursuivi. Il n'y a aucun engagement de la profession agricole à réduire son utilisation d'intrants dans cette charte. Il n'y a aussi aucun bilan précis de l'état initial », égrène Abelardo Zamorano. Il rappelle d'ailleurs que le précédent préfet avait déjà mis en place un comité de suivi des captages Grenelle à l'échelle départementale. « On aurait pu s'attendre à quelque chose de plus consistant », regrette-t-il. Mais pour les partisans de la charte, la signature ne remet pas pour autant en cause la possibilité pour le préfet de durcir le ton si la situation n'avance pas sur les captages concernés. « L'idée n'est pas d'abandonner le levier réglementaire mais de l'utiliser de manière plus cadrée. Des arrêtés de programmes d'actions volontaires seront pris progressivement sur les BAC jugés prioritaires et au bout de trois ans, les actions menées seront évaluées », affirme Maïlys Cochard. Sur le BAC de Lasson, l'un des cinq ayant fait l'objet d'une évaluation, la première charte locale détaillant un nouveau programme d'actions est déjà en cours de validation. Pauline Rey-Brahmi