Une rive en France, l’autre en Suisse, le Léman est le plus grand lac alpin et subalpin d’Europe centrale. Il constitue une réserve en eau potable pour 900?000 habitants. La surveillance scientifique des eaux du lac a commencé dans les années 1960 face au constat d’une dégradation de la qualité engendrée par des pollutions domestiques. C’est à cette époque, en 1963 précisément, que la France et la Suisse décident de réagir en créant la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (Cipel) afin de coordonner la politique de l’eau entre les trois cantons suisses de Genève, de Vaud et du Valais et côté français, les départements de l’Ain et de Haute-Savoie. Ses recommandations permettront la construction de stations d’épuration intégrant le traitement du phosphore.Depuis, la commission a poursuivi ses missions de veille environnementale. Elle cible notamment depuis dix ans la surveillance des micropolluants dans les eaux du lac dont la présence est encore en partie influencée par les rejets d’industries agrochimiques et pharmaceutiques suisses. « Nous avons commencé par mettre en place ces programmes sur les phytosanitaires. En 2004, avec l’avènement des techniques analytiques de pointe, nous sommes ainsi passés d’une quinzaine de substances recherchées à près de 300 », résume Audrey Klein, secrétaire générale de la Cipel. En 2010, la Cipel a lancé une première campagne exploratoire sur les résidus médicamenteux présents dans l’eau brute et l’a transformé en programme de surveillance de routine pour une soixantaine de substances. D’autres substances émergentes sont aujourd’hui dans le viseur de la Cipel : filtres UV, muscs… « Chaque année, nous ciblons de nouveaux micropolluants que nous suivons ponctuellement pour constituer un état des lieux. »Actuellement, 171 stations d’épuration déversent leurs rejets dans le bassin-versant du lac Léman, 30 côté français et 141 côté suisse. Contrairement à la France qui mène actuellement une politique de réduction des micropolluants à la source, la réglementation suisse a instauré dès 2014 l’obligation de traitement pour une centaine de stations d’épuration identifiées prioritaires sur les 700 que compte le pays. Globalement, la Suisse imposera d’ici à vingt ans aux Step de plus de 80?000 habitants ou de capacité inférieure mais situées en milieu sensible le traitement de 80 % des composés traces organiques via la mise en œuvre de traitement tertiaire à base d’une ozonation et/ou de charbon actif suivi d’une étape de finition comme la filtration. « Pour nous, ces deux politiques, traitement et prévention sont complémentaires, l’objectif commun étant de réduire l’impact des micropolluants sur les milieux aquatiques », observe encore Audrey Klein.Alexandra Delmolino