La crise du Covid-19 a montré l’importance de la mission des « héros du quotidien » qui assurent la gestion de l’eau en France. Frédéric Van Heems, directeur général de l’activité eau de Veolia en France, présente le soutien que les technologies numériques leur apportent pour assurer la continuité des services et tire les premiers enseignements de ce test en conditions réelles.
Les mesures de confinement vous ont conduit à réduire les équipes dans les unités de production d’eau potable et de traitement des eaux usées. Comment la technique, notamment le numérique, est-elle venue aider le personnel ? Veolia a une responsabilité particulière envers les Français, puisque les services que nous assurons (la production et la distribution de l’eau potable, la collecte et l’épuration des eaux usées) sont essentiels. Dans la situation actuelle, nos priorités absolues sont la préservation de la santé et de la sécurité de nos collaborateurs, le respect des règles permettant de limiter la propagation du virus et le maintien de la continuité des services essentiels que nous assurons à la collectivité. Nous nous sommes organisé ces dernières semaines pour parvenir à concilier ces priorités non négociables, et le digital joue effectivement un rôle essentiel dans notre stratégie.
Les contacts avec les particuliers usagers des services sont limités : nos sites d’accueil physique sont fermés conformément aux directives communiquées par les pouvoirs publics, et nous limitons nos interventions chez les particuliers aux urgences. Cependant, il est important de maintenir le lien avec nos consommateurs pour pouvoir informer de la qualité de l’eau, des éventuels incidents et pour recueillir les réclamations ou signalements. Nous avons donc remplacé ce lien physique par un usage accru de nos sites de relations à distance avec les consommateurs. Nos plateformes téléphoniques de relations consommateurs restent elles aussi disponibles et complètement opérationnelles grâce au formidable travail de nos équipes informatiques : nos conseillers peuvent ainsi répondre à nos usagers depuis chez eux en toute transparence. Les outils digitaux, et notre système de relation consommateur Iris, ont permis de conserver cette qualité de service indispensable pour tous les usagers.
Pour nos services opérationnels, les mesures de confinement nous ont conduits à mettre en œuvre des plans de rotation de nos équipes dans les unités de production et de traitement d’eau et sur le terrain, conformément au plan de continuité d’activité déployé par Veolia. Ainsi, nous continuons à intervenir sur la voie publique et à réparer les grandes fuites, pour préserver la ressource en eau, sécuriser l’alimentation en eau des hôpitaux et de chaque foyer. Concernant les tâches préventives ou non urgentes (comme certaines opérations de maintenance ou les relevés de compteur), nous les reportons.
Il devient donc essentiel d’être en mesure de détecter les situations nécessitant une intervention pour éviter une dégradation du service. Là encore le digital joue un rôle essentiel et nous nous appuyons sur les outils digitaux déployés au travers de notre plateforme Hypervision 360, qui sont accessibles de n’importe où à partir d’une simple connexion internet.
Pour nos clients et nos exploitants, nous continuerons à partager des données d’exploitation du service en toute transparence grâce aussi à elle, en cette période où la transparence et la disponibilité de l’information en temps réel sont d’autant plus essentielles. Nos portails clients, nos outils de gestion des demandes, nos solutions de visualisation cartographique, nos outils de gestion de crise en ligne se sont ainsi automatiquement adaptés aux évolutions d’usages et sont partagés avec nos clients collectivités et exploitants. C’est ainsi plusieurs millions de données qui sont consolidées chaque jour automatiquement pour faciliter le pilotage en temps réel des opérations.
Dans les stations d’épuration (Step), les outils de supervision et de télégestion permettent là encore de prioriser les interventions, par exemple de manière à minimiser les risques de déversements et ainsi maîtriser la qualité des rejets. Grâce à Hypervision 360 ainsi qu’à la télégestion de l’ensemble des stations d’épuration que nous gérons, nos équipes sont informées en temps réel des éventuels dysfonctionnements rencontrés dans les usines. Ces outils permettent ainsi aux agents mobilisés à distance sur la surveillance de la Step d’établir un premier diagnostic de la situation avant de décider d’une intervention. Il est également possible d’intervenir à distance sur certains sites grâce à la téléexploitation. Mais la mobilisation physique et plus nombreuse de nos équipes demeure essentielle en ces circonstances exceptionnelles, afin d’assurer la maîtrise de la qualité des rejets d’eaux usées et la préservation du milieu naturel.
Nous suivons par exemple le niveau de concentration de chlore grâcĉe à des capteurs de qualité, nos sondes Kapta, qui mesurent différents paramètres en temps réel et les transmettent à Hypervision 360 : nous suivons ainsi la « trace de l’eau » dans nos réseaux jusqu’aux consommateurs.
Et bien sûr, nous surveillons également étroitement le niveau de fuites sur nos réseaux d’eau potable grâce aux milliers de capteurs connectés que nous y avons installés : débitmètres télégérés, corrélateurs acoustiques, sondes de pression. Cela nous permet de localiser plus rapidement les zones de fuites et leur ampleur, et de prioriser finement l’envoi nos équipes de réparation.
Les Français s’inquiètent de la qualité de l’eau potable servie à leur robinet. Quel rôle les outils numériques pourraient-ils jouer pour les rassurer ? Je rappelle qu’il n’y a aucun risque de contamination de l’eau potable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aucun cas de contamination au Covid-19 n’est en lien avec l’eau potable. Boire de l’eau du robinet ne présente donc aucun risque. L’eau potable est le produit alimentaire le plus contrôlé en France. Sa qualité est encadrée par des normes très strictes définies en application d’une directive européenne suivant elle-même les recommandations de l’OMS. Elle peut donc être consommée en toute confiance.
Tous les virus, et donc également le Covid-19, sont ainsi éliminés de l’eau potable : lors de la production d’eau bien sûr, où nous les détruisons par des traitements d’ozonation, de rayonnement UV ou de charbon actif ; puis tout au long de leur acheminement vers les consommateurs au travers des réseaux d’eau potable et des réservoirs avec la chloration. Ces dispositifs sont suivis à distance et émettent des alertes dès qu’un paramètre sort des seuils de sécurité que nous avons programmés. Comme les gestes barrières, nous avons des « dispositifs barrières » extrêmement fiables vis-à-vis du covid-19.
Cette crise aurait-elle pu être gérée de la même façon sans les apports des technologies numériques ? Clairement non. Depuis dix ans, le digital révolutionne nos métiers comme il le fait ailleurs : sur les process de production, avec l’automatisation et la supervision des tâches ; sur les plateformes de contact avec nos consommateurs, nos collectivités clientes, nos fournisseurs ; sur les capteurs sans cesse plus nombreux qui permettent de « voir » à distance ; sur les outils embarqués pour nos agents de terrain.
Notre entreprise étant un opérateur d’importance vitale, nous sommes depuis longtemps préparés aux crises qui pourraient survenir. Pour cela, le numérique joue bien sûr un rôle central dans l’organisation de nos services essentiels issue de notre plan de continuité d’activité. Et l’un de nos points forts est dans la cybersécurisation de nos outils digitaux à tous les étages : Veolia a une organisation spéciale sur ce sujet, des procédures fortes, des moyens importants adossés à des partenaires puissants pour stocker et sécuriser nos données.
Mais nos services essentiels continuent aussi à fonctionner principalement grâce aux femmes et aux hommes de Veolia qui sont tous les jours mobilisés sur le terrain et en toutes circonstances. Aussi, laissez-moi vous dire combien je suis fier de nos héros du quotidien : qu’ils soient dans nos usines, sur le terrain, dans les centres d’appels ou de facturation, à distance avec nos outils digitaux, ou en réserve, pour que nous restions mobilisés dans la durée. Ils jouent tous un rôle clé pour continuer à assurer aux Français des services plus importants que jamais.
Veolia est en pointe en matière de numérique pour les métiers de l’eau. À l’échelle du groupe, en quelques jours seulement au début de la crise, nous avons su créer une belle dynamique, trouver des modes de fonctionnement nouveaux, établir des interactions nouvelles. Le numérique a par ailleurs joué un rôle central dans le pilotage de la mobilisation de nos équipes, notre première mission ayant consisté à mobiliser les 12 000 salariés de l’activité eau de Veolia en France pour nous maintenir nos activités, et aujourd’hui elle consiste à poursuivre cette mobilisation.
Nos outils digitaux ont pleinement révélé leur efficacité pendant cette crise. Grâce au télérelevé de nos 3 millions de compteurs intelligents installés, nous pouvons ainsi accompagner les consommateurs en les aidant à bénéficier au mieux de leurs services d’eau, et en leur délivrant des conseils ou en leur proposant des services via des applications, par exemple pour le règlement des factures et notamment les consommateurs en difficulté pour régler leurs factures dans le contexte actuel.
Par ailleurs, la relation client dans les services de l’eau n’aurait pu être aussi qualitative en cette période de crise sans les profondes transformations qu’a subies le métier de services à nos consommateurs au cours des dernières années. Notre application CRM Iris (gestion de la relation client), accessible à tous nos conseillers clientèle en télétravail, permet de continuer à délivrer nos services sur le web à tous nos consommateurs finaux. Ils sont aussi accessibles par téléphone en télétravail et sur nos plateformes, avec la même qualité de service grâce aux nouvelles solutions de téléphonie intelligentes. Ainsi, nous traitons chaque jour environ 2.000 appels urgents concernent des fuites, des coupures d’eau, des obstructions du branchement d’assainissement.
Enfin, la particularité de Veolia dans les services liés à la gestion de l’eau est d’avoir développé des outils « glocaux » grâce auxquels les informations sont renvoyées directement vers les opérateurs. Notre plateforme Hypervision 360 permet grâce au numérique et à l’intelligence artificielle de piloter l’ensemble des réseaux, des usines, et d’être plus réactifs. Ce type d’outil est perpétuellement enrichi de modules complémentaires afin d’aller toujours plus loin dans la transparence de l’information et la qualité de service.
Quelles leçons tirer de la crise du Covid-19 d’un point de vue technique ? Tout d’abord, comme l’a affirmé notre P-DG Antoine Frérot, il y a des métiers de service qui sont fondamentaux pour que la vie en collectivité puisse se poursuivre en toute sécurité. Beaucoup de gens aujourd’hui n’ont pas connu le temps où ils n’existaient pas. Je pense à l’eau potable, mais également à mes collègues de la collecte et du traitement des déchets. Ces services collectifs sont d’une grande noblesse, même si avec l’habitude qu’ils fonctionnent sans aucun dysfonctionnement : on les oublie, on n’en mesure pas l’importance. Ce que j’espère, comme lui, c’est qu’une fois la crise passée, on prenne davantage en considération ces métiers et les salariés « héros du quotidien » qui les exercent.
Je pense que cette crise va amplifier le besoin de digitalisation des métiers de l’eau. Sur le besoin de gestion à distance, tant pour l’exploitation d’usines, que pour la gestion des consommateurs ou le pilotage général, ce qui implique de poursuivre l’automatisation des processus de traitement en usine, de développer l’acquisition et la visualisation de données à distance (réseaux de capteurs, télérelevé des compteurs, supervisions, hypervision des services), de développer les plateformes de gestion consommateurs, mais aussi de la logistique qui doit être optimale en temps de crise. Elle va amplifier le développement des robots pour certaines tâches répétitives : notre capacité de mutualisation, de fonctionnement en mode « glocal » grâce au digital ont fait la différence pendant cette crise. Elle va renforcer le besoin d’outils prédictifs, sans aucun doute basés sur de l’intelligence artificielle, qui permettraient par exemple d’identifier plus rapidement des foyers de contamination (maladies, pollution, etc.). Enfin, cette « digitalisation à tous les étages » va nécessiter une attention particulière sur la cybersécurisation des données.
Et en parallèle de cette montée en puissance de la digitalisation, nous devons développer une gestion attentionnée des hommes et des femmes : marier une organisation humaine et une organisation digitale, cela suppose un effort de formation, de réduction de la fracture numérique, pour nos agents mais aussi pour nos clients collectivités, pour nos consommateurs finaux aussi. Ce monde ne sera pleinement digital que s’il est encore plus humain.