De gauche à droite, Hervé Paul, Denis Cheissoux, Patricia Blanc, Nicolas Juillet, Benjamin Lopez (BRGM IdF) et Guillaume Choisy. Crédit : A. Allion/FNCCR.
La FNCCR a organisé le 1er juin un colloque consacré aux épisodes de sécheresse et aux stratégies d’adaptation de différentes collectivités, qui ont pu parler de leur expérience, des difficultés auxquelles elles ont été confrontées, des solutions adoptées. Outre les économies mises en place, elles ont aussi insisté sur la professionnalisation des services d’eau.
Un des premiers constats est la nécessité de connaître la ressource disponible, les prélèvements effectués et les besoins en « temps réel » des différents consommateurs, précise Patricia Blanc, inspectrice générale à l’Igedd, pour améliorer la prévision, une des mesures inscrites dans le rapport émis par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable. Or les prélèvements ne sont pas tous connus, les forages ne sont pas tous instrumentés et les données disponibles ne sont pas relayées suffisamment tôt pour effectuer un suivi réel et adapter la consommation aux ressources disponibles. Une des mesures défendues également par la FNCCR qui rappelle « l’importance de l’obligation de déclaration et de comptage des prélèvements des forages privés, ainsi que la nécessité d’une approche plus globale des outils de tarification de l’eau, afin de garantir leur acceptabilité sociale et environnementale ».
540 arrêtés de dérogation Autre constat : les collectivités n’ont pas attendu le plan Eau du président pour mettre en place des mesures d’économie. Du côté du bassin Adour-Garonne, « En 2003, 2,7 milliards de mètres cubes ont été utilisés, aujourd’hui ce sont 2 milliards avec une population qui a augmenté », remarque Guillaume Choisy, directeur de l’agence de l’eau Adour-Garonne. Tous les usages ont été revus à la baisse (irrigation, eau potable, industrielle, etc.) avec la mise en place d’un binôme préfet et président d’EPTB pour affiner au plus près du terrain les décisions. En 2022, 450 communes ont connu des ruptures d’approvisionnement et il y a eu 540 arrêtés de dérogation sur ce territoire. Là aussi Guillaume Choisy note qu’il faut des outils pour anticiper. « 87 % des communes qui ont connu des ruptures d’approvisionnement étaient en gestion communale », observe-t-il.
Efficacité des services d’eau Une observation partagée par Nicolas Juillet, président du SDDEA et du comité de bassin Seine-Normandie, qui pense que l’efficacité ne peut passer que par la mutualisation et par une vraie vision du service public quant à la gestion de l’espace et de la ressource. Même son de cloche du côté de Nice Métropole : « On attend d’un service d’eau qu’il soit efficient », martèle Hervé Paul, vice-président de la Métropole Nice Côte-d’Azur et maire de Saint-Martin-du-Var. L’élu a appelé également à une professionnalisation des services d’eau face à la pénurie et aux différentes pollutions. Sur ce territoire, la métropole couvre une bande littorale fortement peuplée et des zones de montagne, où les communes en fonction de leur situation administrative – dans la métropole ou en dehors – n’ont pas forcément les mêmes obligations, ni les mêmes budgets pour faire face aux pénuries. Des décisions ubuesques à l’instar des arrêtés qui ont montré parfois des dissonances d’un territoire à l’autre.
Transfert des compétences Un constat que ne semble pas partager le Sénat. En effet, l’Assemblée nationale a rétabli le 8 juin, en première lecture d’une proposition de loi d’origine sénatoriale, le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes le 1er janvier 2026 que le Sénat avait rendu optionnel le 16 mars dernier. Ces allers-retours nuisent à la vision que doivent avoir les communes sur ces services publics et de sécurité des approvisionnements. Les montants des travaux à effectuer pour les interconnexions : « 50 millions d’euros », rappelle Guillaume Choisy sur le bassin Adour-Garonne, prouvent que les petites structures n’auront pas une assise financière suffisante pour faire face au changement climatique et aux pollutions émergentes.
Sobriété anticipée et voulue Dans sa conclusion auprès de la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Bérangère Couillard, Hervé Paul a notamment souligné qu’une « sobriété anticipée et organisée sera bien plus acceptable qu’une sobriété subie, qui pourrait alimenter des conflits entre les usagers de l’eau », et que cela passe, en premier lieu, par une meilleure réactivité et transparence dans la mise en place des arrêtés cadres sécheresse.