Cette semaine, Romain Bailly et Maëva Sophie, consultants mc2i, reviennent sur l’impact environnemental du gaz naturel et détaillent la filière française du gaz vert ainsi que son rôle dans la transition énergétique.
Le 28 juin dernier, la publication du décret d’application de l’achat de dernier recours entérine le soutien de l’État français à la filière du biogaz. En garantissant un débouché aux producteurs, le gouvernement réaffirme sa volonté de faire du gaz vert un outil de transition écologique. Représentant 20% du mix énergétique français, l’impact de la consommation de gaz naturel s’avère loin d’être négligeable pour le climat. Des alternatives émergent néanmoins et poussent le secteur à accélérer sa transition verte.
Les limites du gaz naturel traditionnel
La première limite du gaz naturel réside dans le fait qu’il s’agit d’une énergie fossile provenant des sols et dont les réserves sont limitées. En France, la production est aujourd’hui quasi nulle, cela implique d’être dépendant de pays tiers : le gaz naturel est majoritairement importé de Norvège (40%), de Russie (25%) et des Pays-Bas (11%).
Outre le fait d’être une énergie épuisable, il s’agit d’une des sources d’énergie les plus émettrices de gaz à effet de serre (après le pétrole et le charbon). On estime qu’elle est responsable de 20% des émissions de CO2 dues à l’utilisation d’énergie par l’activité humaine.
Développer le biogaz / biométhane dans le cadre de la transition énergétique
C’est à ce titre que le développement du gaz vert (gaz bas carbone) est pertinent, et plus précisément le biométhane. Celui-ci peut être produit selon trois procédés différents : - À partir de biomasse fermentescible (déchets, résidus liquides) : par méthanisation puis épuration - À partir de biomasse ligneuse (bois, paille) : par pyrogazéification puis méthanation et épuration - À partir d’électricité décarbonée : par électrolyse puis méthanation (power-to-gas)
La différence entre biométhane et biogaz est que le biométhane est une version plus épurée du biogaz et une fois contrôlé par GRDF, il peut prendre l’appellation « biométhane » afin d’être injecté sur le réseau de distribution français.
Avec l’injection du biométhane dans le réseau, il peut ainsi se substituer au gaz naturel et contribuer à la décarbonation du mix gazier français avec un bilan carbone 10 fois moins élevé.
La transition énergétique du secteur des transports...
Le biométhane peut être injecté dans le réseau existant de transport sous le nom de BioGNV (gaz naturel vehicule), sous forme comprimée (BioGNC) ou liquéfiée (BioGNL). La démocratisation de ce carburant peu carboné participe à la réduction des émissions de GES, environ 80% des émissions du diesel et également à la baisse plus globale de la pollution de l’air (particules fines, oxydes d’azote). Si l’objectif de 250 stations-service GNV / BioGNV disponibles a été fixé pour l’année 2020, un grand effort national dans le maillage des stations d’avitaillement est indispensable pour assurer une large couverture sur réseau routier français.
… tout en accompagnant la transition agricole et territoriale
Le secteur agricole, actuellement au cœur des enjeux environnementaux, participe grandement à la démocratisation du biométhane. Environ 80% des producteurs de biométhane sont agriculteurs. Le processus de méthanisation permet la valorisation des cultures intermédiaires, essentielles à la conservation des sols, et met à disposition des agriculteurs un fertilisant produit localement : le digestat.
Plus généralement, la filière biométhane entre dans une logique d’économie circulaire en valorisant des produits jusque-là considérés comme déchets. Elle participe, dans ce cadre, au dynamisme des territoires ruraux par la génération de ressources nouvelles et la création d’emplois locaux. L’agence Transitions estime, dans un rapport paru en juillet 2019, que pour chaque unité de production supplémentaire, ce sont 17 ETP directs et indirects qui sont créés.
La transition territoriale peut également s’appuyer sur l’utilisation la plus répandue du biométhane : la production à la fois d’électricité et de la chaleur permise par le principe de cogénération. Cette technique permet d’atteindre un rendement relativement élevé de production et de répondre localement aux besoins en chauffage.
La mise en place de cette transition
Dans le but d’atteindre les objectifs français fixés par la PPE et la SNBC, à savoir 10% de gaz renouvelable en 2030 et la neutralité carbone en 2050, un cadre et des garanties ont été fixés pour accompagner les exploitants qui souhaitent se lancer dans le projet de la méthanisation. Afin de garantir la rentabilité des unités nouvelles, un tarif d’achat garanti pour 15 ans, fixé entre 64 et 139 euros/MWh suivant la taille et les intrants utilisés, est accordé aux producteurs par les fournisseurs de gaz, qui perçoivent en retour une compensation de l’Etat. L’obligation d’achat en dernier recours renforce davantage la sécurité des débouchés des producteurs. En 2020, le pays compte environ 650 unités de méthanisation (en cogénération ou injection), un nombre en croissance continue.
Quel potentiel de gaz durable ?
Si l’Ademe comme les gestionnaires de réseau anticipent une demande de gaz en baisse autour de 350 TWh en 2050, l’objectif de mix gazier neutre en carbone reste un défi immense. L’IFP Energie Nouvelles a établi un scénario pour atteindre une substitution totale de la demande de gaz naturel par du biométhane : la méthanisation avec un potentiel maximal de 140 TWh jouerait un rôle de pionnier, mais ne serait pas suffisant pour atteindre ces ambitions. La pyrogazéification, dont le développement est attendu dans les prochaines années, pourrait, quant à elle, permettre la production de 180 TWh supplémentaires. Si l’on y ajoute l’hydrogène généré via le power-to-gas permettant le stockage des énergies intermittentes, la production décarbonée pourrait alors atteindre la demande prévisionnelle.
La réussite de ce scénario dépend néanmoins du niveau de développement de ces 3 filières 100% « bio » qui vont nécessiter des investissements importants pour pouvoir être déployées largement au sein du réseau national français.
Et il faut préciser que ce scénario n’anticipe pas forcément une hypothétique transition du secteur des transports vers le biométhane carburant, dont le potentiel pourrait faire exploser la demande. Ce scénario propose en tout cas une feuille de route réaliste permettant d’atteindre le 100% gaz renouvelable d’ici 2050 et ouvre également la voie à l’indépendance énergétique pour la France qui importe actuellement 99% de son gaz naturel.
Romain Bailly et Maëva Sophie, consultants mc2i / DR