EM : Qu’est-ce que la géo-énergie et à quels besoins répond-t-elle ?
La géo-énergie consiste à utiliser l’inertie thermique du sous-sol, qui est plus chaude que l’air extérieur en hiver, et plus fraîche en été. C’est une énergie locale et décarbonée qui permet par exemple de subvenir aux besoins en chauffage et en rafraîchissement d’un bâtiment.
EM : Quelle est la différence avec la géothermie ?
Le mot géothermie signifie étymologiquement la « chaleur de la Terre ». Il est plus adapté pour décrire l’exploitation de la chaleur souterraine issue de la désintégration de roches radioactives : quand on s’enfonce à plusieurs kilomètres, on va chercher de l’eau entre typiquement 70°C (pour le chauffage de quartiers) ou 150°C (pour la production d’électricité).
A contrario, dans le cas d’installations géo-énergétiques, on va à quelques dizaines de mètres chercher une température constante comprise entre 12 et 15°C.
EM : Quels sont les apports de la géo-énergie en matière économique et environnementale ?
Le dérèglement climatique va entraîner une multiplication de canicules et créer des tensions sur les systèmes électriques. La géo-énergie répond concrètement à cet enjeu, avec des rendements sont très intéressants : en puisant de la fraîcheur dans le sous-sol, pour 1 kWh d’électricité, on peut obtenir jusqu’à 20 kWh de frais.
Pour les applications liées au confort thermique des bâtiments, la géo-énergie permet de diviser par 5 les consommations énergétiques. Elle permet aussi de réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment jusqu’à 90%. Pour les entreprises qui disposent d’un parc immobilier important, pour les foncières, les promoteurs ou les bailleurs sociaux, le retour sur investissements est rapide.
EM : Concrètement, comment fonctionne cette technologie ?
Il y a deux grandes familles de techniques, les deux consistant à faire circuler de l’eau sous terre. En « système ouvert », on utilise l’eau s’écoulant naturellement dans les roches que l’on prélève avec un puits avant de la réinjecter avec un autre.
En système fermé, on construit notre propre échangeur avec le sol. La fraîcheur ainsi récupérée peut être directement utilisée pour rafraîchir un bâtiment, et pour le chauffer, on utilise une pompe à chaleur dont le rendement est nettement meilleur que si l’on partait de l’air extérieur.
EM : Pourquoi et comment Geosophy s’est-elle saisie de ce marché de la géo-énergie ?
L’inertie du sous-sol est sous-exploitée en France : seulement 2 % du chaud et du froid des bâtiments sont générés par cette énergie. Notre ambition est de devenir un acteur engagé de la transition énergétique en généralisant le recours à la géo-énergie. Car pour atteindre le Net Zéro d’ici 2050, il faudra tout faire et ne rien oublier. La géo-énergie est une source d’énergie robuste, décarbonée et non intermittente ; c’est pourquoi nous avons voulu en simplifier l’accès en créant le premier moteur de recherche dédié à la géo-énergie.
Le maître-mot, c’est la simplicité. D’abord, avec notre moteur de recherche, une adresse suffit pour analyser le potentiel d’un site. Ensuite, notre solution donne en un coup d’œil le retour sur investissement : sur l’empreinte carbone d’un bâtiment, sur les dépenses énergétiques et donc sur les factures de chauffage et de climatisation. Et enfin, nous accompagnons nos clients à toutes les étapes de la maîtrise d’ouvrage pour faire aboutir ces projets.
EM : Sur quels territoires pourrait être déployée cette technologie ? Quels sont ses coûts ?
Cette technologie est déployée partout en France. Pour les plus grands bâtiments, il faut éviter les zones à risque géologique, où les roches qui gonflent ou se dissolvent, des zones polluées ou des zones où l’on exploite l’eau potable. C’est 90 % du territoire hexagonal qui est ainsi exploitable. Pour les petits bâtiments, on peut envisager des échangeurs plus superficiels et donc s’affranchir de cette contrainte.
La phase d’évaluation de l’énergie disponible s’élève en moyenne à quelques milliers d’euros par bâtiment. Le coût des forages peut aller de 10 000 euros pour un bâtiment particulier à plusieurs centaines de milliers d’euros pour un parc immobilier plus important. Ces coûts peuvent sembler élevés, mais l’évolution de la réglementation – RE 2020, décret tertiaire – rend ces technologies très compétitives. D’autre part, 30 à 40% du coût des travaux peuvent être financés par le Fonds chaleur opéré par l’Ademe.
EM : Comment accompagnez-vous les territoires pour l’adoption de cette solution ?
A l’échelle de la France, un immense territoire est à conquérir. A Paris, 99 % du potentiel reste inexploité. Les infrastructures équipées depuis plusieurs dizaines d’années, comme l’aéroport de Nice, sont tout à fait exceptionnelles. A l’inverse, la Suède est dix fois plus équipée que la France, et aux Pays-Bas, la géo-énergie est en croissance de presque 90 % d’une année sur l’autre, contre 10 % en France.
Les bâtiments représentent presque la moitié de nos consommations d’énergie finale et un quart de nos émissions de dioxyde de carbone. Avec un patrimoine bâti de plus de 225 000 bâtiments, les collectivités sont de grandes consommatrices d’énergie. Nous pouvons intervenir auprès de toutes les collectivités qui souhaitent s’engager concrètement dans la transition environnementale, que ce soit pour leurs bâtiments soumis au décret tertiaire (Mairies, écoles, bibliothèques, centres sportifs, etc.) ou ceux des entreprises implantées sur leurs territoires. À l’échelle des territoires, nous pouvons adapter nos outils pour établir des « cadastres géo-énergétiques », c’est-à-dire une cartographie du potentiel géo-énergétique d’une zone donnée.
EM : Comment estimez-vous le potentiel géo-énergétique ?
Nous avons développé plusieurs briques technologiques, en partenariat avec plusieurs laboratoires académiques. Avec l’Ademe, nous avons établi un jumeau numérique du sous-sol, que l’on couple via une méthodologie brevetée avec un jumeau numérique du bâtiment pour identifier et classer les possibilités techniques. Enfin nous réalisons des modélisations financières et environnementales qui sont utilisées par nos clients pour sélectionner l’option la plus pertinente pour leur projet, en fonction de leur stratégie.
Exemple de modélisation numérique du sous-sol et de sa ressource en géo-énergie. (Sables de Cuise, Ile-de-France). Crédit : Geosophy
La solution de Geosophy repose sur trois technologies liées les unes aux autres : la création d’un jumeau numérique du sous-sol, la modélisation numérique du bâtiment pour estimer les besoins thermiques, et la modélisation économique globale (investissement, coût de l’énergie et valeur du bien). Le développement de cette solution a nécessité trois ans de R&D cofinancée par l’Ademe. Chaque brique technologique a mobilisé des acteurs de la recherche de référence comme l’IFPEN, l’Institut Géographique National ou l’Université Paris Dauphine.