D’ailleurs, plutôt que d’un projet, il s’agit plus souvent d’un portefeuille de projets avec un large éventail de degrés de maturité voire de probabilités de réalisations. Aussi faudra-t-il gérer des situations complexes et variées. Alors que la valorisation d’un projet en exploitation pourra nécessiter des hypothèses de cash flows futurs rendant la valorisation complexe mais objectivable, celle d’un projet en développement sera plus difficile à appréhender du fait de la multitude d’hypothèses possibles et de la difficulté ou non à affecter les coûts de développement. Or, pour l’investisseur comme pour le dirigeant, il est essentiel de pouvoir valoriser le projet à tous ses moments clés. Comment procéder?
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Au lancement, le projet se caractérise par sa phase initiale de développement pendant laquelle les efforts sont concentrés sur l’identification des terrains, l’obtention des permis et la modélisation des flux anticipés. L’équipe est souvent constituée d’experts au profil « développement », soutenus parfois par un bureau d’étude, au sein d’une entité juridique propre.
Vient alors le moment du passage du projet en comité d’investissement. Son futur est soumis à un questionnement simple : doit-il être intégré dans une des SPV[1] du groupe, externalisé ou abandonné ? A ce stade, on observe parfois des endettements à 100 % : avec un cash-flow théoriquement « assuré » sur 20 à 25 ans[2] généré par des actifs tangibles et donc une perte limitée en cas de défaut, les établissements financiers sont en effet prêts à prendre plus de risques. Mais la pression sur les apporteurs de capitaux propres ou de quasi capitaux propres reste importante. Les visions sont de surcroît très différentes entre le développeur qui souhaite accumuler ses coûts, mettre en place sa construction et se rémunérer ensuite, et l’exploitant qui privilégie de comprimer ses CAPEX pour engranger dans ses structures la valeur de ses projets et conserver ainsi ses plus-values. Chacun raisonne alors différemment.
Lorsque le projet entre en phase d’exploitation, les questions portent sur la validité des hypothèses et risques modélisés lors de la première phase, sur le ratio dette / capitaux propres optimal, l’encaissement de la TVA, etc. Des incidences qui touchent toute l’organisation interne, à la fois comptable, analytique, juridique, fiscale et opérationnelle. Le cash-flow généré vient en premier lieu servir la dette puis les comptes courants associés et peut ensuite être distribué sous forme de dividendes.
Une fois les premiers projets bien développés, il est tentant d’en développer d’autres. Et lorsqu’il est question de valoriser ces nouveaux projets, le développeur s’appuiera notamment sur son retour d’expérience...
Bien sûr, les défis peuvent varier en fonction de la taille des acteurs concernés. Les gros acteurs rencontrent ainsi souvent des difficultés à garder une vue précise sur un “petit” projet, notamment pour matérialiser un encours de dette à l’échelle d’un groupe. Une des solutions est de créer une filiale dédiée à ces projets. Et pour les plus petits acteurs, le défi est plutôt celui de l’industrialisation des process et de la préparation à une organisation à grande échelle alors qu’ils sont eux même en cours de structuration.
Alors comment s’y préparer ?
Bien séparer les entités juridiques et anticiper les prix de transfert en séparant l’activité de prospection, celle d’EPCiste[3] et celle d’exploitant.
Sécuriser le foncier le plus tôt possible.
Envisager la création d’une holding afin de proposer aux investisseurs plusieurs niveaux d’investissement, en fonction de leur horizon d’investissement et de leur appétence au risque.
Calibrer la dette et réfléchir à son positionnement : la laisser dans les SPV permettant de gérer l’effet de levier financier au plus près des actifs, la lever dans la holding permettant de mutualiser les risques.
S’assurer du suivi analytique des coûts : code projet pour pouvoir le suivre toute sa vie et s’assurer du rattachement aux projets alors que souvent très atomisé
La dynamique induite par la transition énergétique rend le secteur du photovoltaïque très attractif et donc concurrentiel, le goulet d’étranglement étant le foncier disponible. Toutefois, si les perceptions sur la valeur de pipelines de projets peuvent être très différentes et parfois volatiles, plus on évolue dans la phase de développement, plus il est facile de réconcilier les visions des différents intervenants. A ce titre, le suivi de la valeur est un besoin réel à tous les stades du projet - un ou deux ans après la construction, en phase de maturité lors de la reprise d’un acteur ou dans la consolidation du secteur - qu’il est important d’anticiper. Sans quoi, le risque est d’aller jusqu’à l’interruption de deal ou d’autres opérations malgré un développement positif. Le cadre de développement ne suffit donc pas.
Peut-être qu’à termes, l’IA pourra aider et donner une valeur “réconciliante” suivant le lieu du projet ? En attendant, une actualisation de flux de trésorerie[4] s’appuyant sur une modélisation objective des flux attendus et tenant compte des nombreux niveaux de risque portés par ce type de projet (techniques, contractuels, réglementaires, fiscaux et financiers) reste une solution pertinente.
[1] Special Purpose Vehicule
[2] Il s’agit d’un modèle d’infrastructure, comme dans le secteur de l’immobilier. Il est donc normal que le levier financier soit important car il y a un actif tangible qui sécurise les prêteurs.
[3] Engineering, Procurement, and Construction
[4] Discounted Cash-flow: méthode d’évaluation financière qui estime la valeur actuelle d’un investissement en actualisant ses flux futurs de trésorerie estimés