Drôle d'anniversaire pour le Grenelle de l'environnement ! Trois ans après l'euphorie du consensus, le remaniement ministériel casse définitivement une ambiance qui s'était déjà un peu refroidie avec les contraintes sur l'éolien et les baisses des crédits d'impôt. Aujourd'hui, non seulement le ministère de l'Écologie n'est plus un ministère d'État, mais il voit surtout son périmètre considérablement réduit par le retour de l'énergie à sa tutelle d'origine, le ministère de l'Économie. Cette reconfiguration surprise ne peut qu'inquiéter les acteurs de l'environnement dans l'attente de nombreux textes. En effet, la loi Grenelle 2 a prévu pour le seul chapitre « Energie-Climat » vingt-quatre décrets d'application, sans parler de l'appel d'offres fantôme sur l'éolien offshore. Un signe tangible du déplacement des priorités du gouvernement et dont le ministère de l'Écologie fait les frais. Car quel ministère aura connu autant de changements en si peu de temps ? Dans les dix dernières années, la valse des acronymes peut témoigner de l'élasticité de son périmètre et, par là, de la volatilité des promesses électorales : Mate, Medd, Medad, Meeddat, Meeddm et, aujourd'hui, Meddtl pour un ministère qui a perdu dans la bataille le E d'énergie et le M de mer (et gagne le T de transport et le L de logement). Dans ce jeu de lettres, sans cesse rebattues, le ministère perd, sur le fond, en cohérence et en poids politique et, sur la forme, gagne un sigle cette fois totalement imprononçable. Dans ce contexte, le retour de Nathalie Kosciusko-Morizet ne suffit pas à rassurer. Que pèseront les échéances du Grenelle face aux échéances électorales de 2012 ? Avec des attributions considérablement réduites, quelle sera sa marge de manoeuvre ? Il faut espérer qu'à l'image de Georges Perec1 dans son roman La disparition, elle puisse, elle aussi, poursuivre l'histoire du ministère amputé d'un E. NKM, la « revenente », pourrait même adhérer à l'Oulipo, un groupe d'intellectuels pour qui la contrainte est un puissant stimulant pour l'imagination. 1. Membre de l'Oulipo, Georges Perec a publié La Disparition, écrit sans utiliser la voyelle E, et Les revenentes, sans autre voyelle que le E.