Utiliser des solvants, c'est une façon archaïque de faire de la chimie ; ce n'est pas efficace et en plus c'est dangereux ! » Daniel Samain, président et directeur scientifique de la société Back to the tree technologies (BT3 technologies) qu'il a cofondée en 2010, ne mâche pas ses mots. Cet ancien chercheur de l'université Paul-Sabatier de Toulouse a développé un procédé pour greffer une fonction hydrophobe à la surface du papier. Et ce, en n'utilisant absolument aucun solvant.
Première étape : le réactif, un chlorure d'acide gras, est appliqué à la surface du papier. « Comme si on l'imprimait », précise Daniel Samain. Ensuite, l'ensemble est chauffé entre 120 et 180 °C. Une estérification se produit entre le chlorure d'acide gras et la fonction alcool de la cellulose. « On manipule le produit comme un liquide et on le fait réagir comme un gaz », résume Daniel Samain. Enfin, dernière étape avant refroidissement, un système semblable à un nettoyeur haute pression à air chaud débarrasse la surface du produit n'ayant pas réagi.
La technique peut se décliner à d'autres supports et avec d'autres réactifs. « Elle est basée sur la capacité du réactif à passer à l'état de vapeur. Cela dépend donc de sa masse moléculaire », explique Sophie Berlioz, maître de conférences à l'université de Toulon, qui a soutenu sa thèse sur l'étude de l'estérification de la cellulose par une chimie sans solvant en 2007. Plus le réactif est « lourd », plus il passe difficilement à l'état gazeux. Autre contrainte : le substrat doit être réactogène. « Nous avons des méthodes pour préparer les substrats », assure le cofondateur de BT3 technologies. Dans ce contexte, la seule limite à la méthode, c'est de parvenir à convaincre les industriels. Et, pour Bt3 technologies, à trouver les fonds nécessaires à la fabrication des machines pour produire en série des pièces complexes en cellulose moulée hydrophobe. Lorsqu'il s'agit de faire réagir des solides, à en écouter la plupart des chimistes, les solvants sont indispensables car ils servent de moyens de transport aux molécules. Ce qui semble être le cas dans la synthèse des peptides... qui nécessite 1 000 litres de solvant pour en produire 1 kg ! Pourtant, Frédéric Lamaty, directeur de recherche au CNRS, et son équipe ont mis au point une méthode par broyage, sans solvant, brevetée et primée à Pollutec en 2011.
Le principe consiste à mettre en présence trois composés : une base, un aminoacide et un uréthane. Ils sont broyés extrêmement finement dans un réacteur à billes. « On les force ainsi à réagir, en augmentant surtout la pression et un peu la température », explique Frédéric Lamaty. Le produit obtenu est un dipeptide (deux aminoacides). « On est capable d'en lier trois ou quatre », assure le chercheur. Prochaine étape : fabriquer des chaînes de peptides plus longues. « Passer de quelques grammes à des kilos, ce n'est pas notre métier, prévient Frédéric Lamaty. Il nous faudrait des collaborations avec des industriels. On a du mal à avancer sans soutien. » D'autres méthodes, utilisant les micro-ondes ou les ultrasons, un peu étudiées dans le milieu des années 2000, vont faire leur retour dans les laboratoires. De leur côté, les grands chimistes ne se penchent pas encore sur la question. BASF, par exemple, indique ne pas disposer d'équipe spécialisée dans la recherche de réaction sans solvant. En revanche, le géant allemand, comme ses concurrents, s'échine à en réduire la quantité, en développant des procédés à base d'eau par exemple.