Pas de politique cyclable efficace sans un bon stationnement des vélos. En effet, avec 400 000 disparitions par an, le vol est un fléau qui décourage de nombreux cyclistes. « Les territoires où le cycle a une place majeure, comme Amsterdam, Utrecht ou Fribourg, sont ceux qui ont réussi à résoudre le problème de l'accroche et du stationnement », souligne Pierre Toulouse, adjoint au coordonnateur interministériel pour le développement de l'usage du vélo. Le stationnement sécurisé influe en effet sur l'achat de vélos de qualité, notamment ceux à assistance électrique et sur l'utilisation elle-même. « Statistiquement, en France, posséder un vélo ne veut pas dire l'utiliser », confirme Thomas Berthet, consultant en écomobilité au cabinet Inddigo. Les vélos “dormants” représenteraient près du tiers du parc de vélos adultes. Le problème du stationnement est aigu aussi bien sur l'espace public que dans les espaces privés, au domicile ou au travail. Ainsi, un immeuble sur deux ne dispose pas d'un local affecté. Et un tiers des cyclistes bénéficiant de cet équipement ne l'utilise pas, du fait de d'accessibilité difficile, d'enchevêtrement des vélos, d'absence de système d'attache, de porte non sécurisée, etc. « Des efforts ont été faits pendant des décennies en faveur du stationnement des véhicules motorisés, mais le stationnement du vélo a été oublié, constate Jean-Marie Darmian, président du Club des villes et territoires cyclables. Les mentalités commencent à évoluer, notamment grâce au vélo en libre-service. On mesure aussi de mieux en mieux la nécessité d'assurer la continuité de la mobilité entre vélo et transports en commun. » Et il y a du chemin à faire : la part moyenne d'accès des gares françaises, à vélo, est de 2 %. Elle plafonne à 10 % dans quelques-unes d'entre elles où des efforts considérables ont été réalisés, alors qu'elle atteint 30 % aux Pays-Bas. Un a men dement parlementaire, voté en avril dernier, prévoit d'inclure, dans le projet de loi sur les infrastructures de transport, la création d'aires de stationnement de vélos sécurisées dans les nouvelles gares ou lors du ré a mé na gement de celles existantes. « Mais, plus largement, il faut repenser les espaces publics, ce qui n'est jamais facile car cela implique de prendre sur l'existant : stationnements automobiles, trottoirs, etc., remarque Jean-Marie Darmian. Pour sortir de cette situation, il est fondamental de le prendre en compte dans les documents d'urbanisme. » Sur la voie publique, l'essentiel de l'offre est constitué de simples arceaux, qui répondent très mal au besoin d'abriter et de sécuriser le stationnement. Des concepts de vélo­ stations font leur apparition : des abris sécurisés, protégés des intempéries, parfois accessibles via une carte d'abonné au réseau de transport, et dans lesquels d'autres services peuvent être proposés : location, réparation, station de gonflage, casiers individuels, prise pour recharge de vélos électriques… Strasbourg a déjà converti des centaines de places de parking de voitures en parkings à vélos et ouvert d'importantes vélostations, par exemple à la gare. Nantes, Lyon, Orléans et bien d'autres villes se sont aussi lancées. Lille Métropole a fait appel à Altinnova pour installer 28 abris sécurisés sur les lieux d'intermodalité. Le Havre a opté pour le Bike Park, de Clear Channel France, près du tramway : avec ce système, un antivol se déverrouille lors de l'accès de l'abonné, qui visualise, via internet, les places de sta tion nement libres. « Notre offre, c'est la garantie d'une place disponible, une gestion du taux d'occupation et une optimisation de la rotation des vélos, parce qu'il est contre-productif de laisser des vélos ventouses », précise Jacques Chantillon, directeur général adjoint réseau et transformation de Clear Channel France. Le lieu d'implantation de ces parcs à vélos de nouvelle génération est décisif. Les zones d'activités commerciales et de loisirs sont à desservir en priorité, de même que les transports en site propre, les parkings relais du tramway et, évidemment, les gares. En région Ile-de-France, le Stif déploie depuis un an le concept Véligo : 18 garages à vélos sécurisés, pour l'instant prin ci pa lement dans des gares, soit 850 places. Les derniers mis en service début 2013 ont connu un succès immédiat. « 92 % des utilisateurs se déclarent satisfaits. Ce service répond réellement à un besoin : le vélo fait partie intégrante de la chaîne de déplacement », indique Sophie Mougard, directrice générale du Stif. L'expérience a permis d'identifier quelques critères importants pour l'implantation : l'habitat autour du site, une topographie favorable, la localisation de la gare sur la ligne concernée, et, enfin, une pratique antérieure du vélo. « L'offre ne crée pas la demande : si la pratique n'existe pas, parce que le relief est trop défavorable par exemple, la consigne à vélo n'inversera pas la tendance », précise Sophie Mougard. De nombreux autres projets de sites Véligo sont dans les cartons, portés par différents maîtres d'ouvrage, opérateurs de transport ou collectivités locales. La SNCF lance une étude sur 130 gares franciliennes pour apprécier, au cas par cas, l'opportunité et la faisabilité technique d'y implanter ce service. De plus en plus de collecti­ vités locales franciliennes sollicitent désormais le financement du Stif. Celui-ci table sur plus de 1 000 places supplémentaires en 2014 et autant l'année suivante. Jusque-là, le syndicat a mobilisé 2,1 millions d'euros pour Véligo. Il prend en charge les trois quarts de l'investissement, sur une base de 2 000 euros la place, ainsi qu'une subvention à l'exploitation de 200 euros la place. « La qualité de ces espaces doit s'inscrire dans la durée, l'entretien ne doit pas être négligé », prévient Sophie Mougard. « L'usage de l'espace public par le vélo est peu coûteux, en termes de surface et en termes financiers, par compa rai son avec la voiture, même s'il est encore sous-évalué. On a en effet tendance à considérer que trois arceaux sur un trottoir font un stationnement à vélos, ce qui est faux », alerte Jean-Marie Darmian. De fait, le coût de l'installation de places à vélos varie énormément, selon qu'il s'agit d'installer des arceaux (150 euros pièce), un parking couvert accueillant quelques dizaines de vélos (environ 10 000 euros) ou de véritables vélostations sécurisées et offrant des services plus ou moins étendus. Le Bike Park de Clear Channel peut ainsi coûter entre 40 000 euros pour une vingtaine de places et 60 000 euros pour le double. « C'est le coût de l'achat du ma tériel, de la structure, laquelle doit constituer un véritable mobilier urbain intégré et de qualité, du système d'accroche, de l'entretien et la maintenance, précise Jacques Chantillon. Cet ordre de grandeur varie toutefois fortement selon le format, le design, le nombre de sites, la prestation souhaitée, le système d'abonnement… » l