Éolien offshore, hydrolien, houlomotricité, énergies océanothermique et osmotique… Les énergies marines renouvelables (E MR) sortent de l'ombre. Toutefois, en dehors de l'hydrolienne de démonstration d'EDF à Paimpol, et si l'on exclut l'usine marémotrice de la Rance, aucune n'a encore donné lieu à une réalisation d'ampleur dans les eaux françaises. Les premières fermes hydroliennes pilotes sont attendues en 2016 et les quatre premiers parcs éoliens offshore en 2019. Ce qui laisse du temps pour refonder le cadre juridique propre à ces projets. Car, de l'aveu de tous, celui-ci est inadapté. « Les projets d'EMR sont soumis à un ensemble complexe de règles juridiques, source probable de retards sinon de contentieux », assène un récent rapport interministériel. Ce n'est pas le Syndicat des énergies renouvelables qui le démentira : cet été, le SER a présenté un catalogue de propositions visant à simplifier ces règles.
Principal os : leur épar pillement en long, en large et en travers dans tout le corpus juridique français. Français, et même européen, voire international, puisque la mer n'est sous souveraineté nationale qu'en deçà de la limite des 12 milles nautiques !
Il est implicitement question d'EMR dans des codes aussi variés que celui du patrimoine, de l'urbanisme, de la propriété, des transports applicables aux gens de mer et, bien sûr, de l'énergie. Tous les acteurs réclament que ce dernier aménage un chapitre spécial pour les EMR, « regroupant les diverses procédures : domanialité, production électrique, environnement, raccordement, urbanisme ». En l'absence de texte spécifique, « l'instruction administrative relève de procédures terrestres transposées par défaut au domaine maritime, mais, en fait, qui s'y appliquent mal », résume le rapport interministériel.
Les projets sont donc traités comme si le voisinage du futur parc était habité, ce qui n'est évidemment pas le cas. Ainsi, on parle de plan local d'urbanisme en pleine mer, comme si on aménageait un quartier de bureaux ! « Quelle est la commune de rattachement ? À qui demander un permis de construire ? Et, avant cela, faut-il vraiment un permis, y compris pour le mât de mesures de vent qui sera retiré après l'étude de gisement ? » interroge Paul Elfassi, président du pôle réglementaire du SER. Pour cet avocat spécialisé, le droit des EMR repose sur deux pièces maîtresses : la concession d'utilisation du domaine public maritime et la loi sur l'eau, « l'équivalent en mer du régime ICPE pour l'éolien terrestre ». Mais avec d'innombrables dispositions annexes qui rendent le tout illisible. « Le problème, c'est la nouveauté. Nous n'avons encore aucun parc en mer. Par défaut, le législateur s'est donc rattaché à des catégories du droit qui n'ont pas été pensées pour cela », résume Paul Elfassi.
Exemple type : l'article R 214-7 du Code de l'environnement, qui régit les procédures d'archéologie préventive. Théoriquement, le préfet peut demander à sonder les fonds marins au droit du parc, comme à terre ! « Cette superposition de textes se traduit par […] des délais d'instruction excessivement longs, liés à la consultation d'un très grand nombre de services techniques spécialisés chacun dans un des aspects de la gestion du domaine public maritime », relève le rapport interministériel. D'où la demande des professionnels d'aménager, là aussi, un guichet unique.