Les obstacles ne manquaient pourtant pas. Trop éloignée du centre-ville pour envisager sa desserte en tram, la zone portuaire de Strasbourg, qui accueille 320 entreprises réparties de façon assez diffuse, n'est pas gâtée. Difficile d'accès, voire dangereuse pour les cyclistes et les piétons, elle se contente d'offres limitées en bus. Ces réalités n'ont pas découragé la direction du Port autonome, ses partenaires publics (Ademe, CCI, collectivités…) et une dizaine d'entreprises volontaires à lancer un plan de déplacements interentreprises (PDIE).
« Un correspondant permanent en entreprise est indispensable à la réussite d'un PDIE. Il créera un effet d'entraînement durable en interne, voire dans les entreprises voisines, s'il apparaît bien comme l'expression opérationnelle d'une impul sion forte de la direction générale, comme on le constate au CEA de Grenoble. Les salariés voient alors la volonté de continuer l'action au-delà des éventuels changements de personnes. Occuper un poste décisionnaire l'aide aussi à asseoir sa légitimité. La structure porteuse du PDIE, dont il sera le relais, peut trouver intérêt à s'organiser en association pour faciliter l'accès aux subventions publiques ».
Les 1 600 réponses recueillies par une enquête mobilité préalable auprès des 10 000 salariés de la zone ont permis d'identifier les besoins et de rédiger un plan d'action. « Malgré toutes les difficultés, 6,6 % des salariés se déplacent à vélo : un argument de poids pour convaincre d'étendre le réseau. Par ailleurs, la moitié des salariés habitent à plus de 20 km, ce qui en fait une cible privilégiée pour le covoiturage (5 % des déplacements actuels). Nous avons chiffré à 4 000 ses utilisateurs potentiels », explique Aurore Mourette, la responsable du PDIE au Port autonome.
Sur ces bases, la communauté urbaine et le port ont décidé d'engager à parité 2,3 millions d'euros dans les infrastructures d'ici à 2016 : extension de deux lignes de bus, aménagements de sécurité et signalétique, création de chemins piétonniers, notamment de rabattement vers les arrêts de bus, et construction de 6 km de pistes cyclables. Le PDIE a démarré mi-mai par la plateforme mutualisée de covoiturage.
Chaque mode alternatif à la voiture individuelle doit ainsi grignoter quelques points, afin de faire passer sa part de 75 à 58 %. « L'enjeu consiste à créer dans les entreprises une animation pour fixer les changements de modes de déplacement », souligne Aurore Mourette. Pour y parvenir, le PEPS (plan de déplacements entreprises du Port de Strasbourg) a suscité la désignation d'un « référent » dans 57 sociétés, soit la moitié des effectifs de la zone. Directeurs de site, responsables RH, transports ou sécurité-environnement, ces cadres recueillent les besoins, promeuvent les actions et assurent l'interface avec le groupe de pilotage. « Nous avons relayé l'attente de nos douze adeptes du vélo pour la sécurisation des pistes. Le covoiturage a été l'action facile et pas chère à organiser, nous sommes passés rapidement de 11 à 22 uti lisateurs », relate Frédéric Pitrois, le référent PEPS des levures Sil-Fala (200 salariés). Et l'entreprise va encore pousser au covoiturage par une mutualisation de l'offre avec sa voisine Soprema.